Les exploitants des centrales nucléaires et éoliennes en Belgique sont-ils en train de faire des surprofits ?
Le PTB veut taxer les surprofits d’Electrabel. L’énergéticien répond qu’il a vendu son électricité avant la flambée.
- Publié le 30-09-2021 à 07h11
- Mis à jour le 04-11-2021 à 12h42
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Les prix du gaz et de l’électricité sont en hausse constante depuis plusieurs mois. Plusieurs facteurs expliquent cette flambée.
Il y a, tout d’abord, une production de gaz qui ne suit pas la demande. En effet, la reprise économique a provoqué une augmentation de la consommation de gaz, particulièrement en Asie. En temps normal, une telle situation devrait se traduire par une hausse de l’offre. Mais, au contraire, plusieurs pays (Norvège, Royaume-Uni…) ont dû réduire leur production.
Dans ce marché gazier très tendu, l’Europe et l’Asie sont en concurrence pour attirer des navires remplis de GNL (gaz naturel liquéfié). Or les cargaisons de ces navires se vendent au plus offrant, ce qui tire les prix vers le haut.
En outre, le prix du gaz a une grosse influence sur le prix de l’électricité. En effet, c’est la dernière technologie (renouvelable, nucléaire, gaz, charbon) activée pour satisfaire la demande qui fixe les prix de l’électricité sur les marchés. Quand une centrale au gaz est la dernière technologie mise en route pour satisfaire la demande, le prix élevé du gaz fait donc monter le prix de l’électricité.
Dans cette situation, certains dénoncent les surprofits réalisés par les centrales nucléaires et les énergies renouvelables. En effet, ces technologies ont des coûts de production inchangés, mais elles profitent des prix élevés de l’électricité pour accroître leurs marges. Le PTB estime que les surprofits du secteur nucléaire en Belgique s’élèvent à 127,4 millions d’euros par mois.
Qu'en est-il réellement ? Le coût total de production des centrales nucléaires belges serait d'environ 25 euros par MWh. Or le prix moyen de l'électricité sur le marché day-ahead (le négoce pour le lendemain) est monté à 130 euros par MWh en Belgique.
Mais, selon Electrabel, il ne faut pas en déduire que sa marge est si importante. "La toute grande majorité de l'électricité produite actuellement par nos centrales nucléaires a été vendue précédemment à des prix bien inférieurs, explique Anne-Sophie Hugé, porte-parole de l'énergéticien. En outre, il y a un partage de la marge avec l'État belge". Entre 2010 et 2021, l'énergéticien a payé environ 3,5 milliards de taxe nucléaire, rappelle Electrabel.
Une bonne nouvelle pour Engie
La bonne disponibilité des centrales nucléaires et la hausse des prix de l’électricité sont néanmoins une bonne nouvelle pour Electrabel. Lors de la publication de ses derniers résultats financiers, le groupe Engie avait indiqué que sa branche nucléaire belge avait dégagé un résultat d’exploitation de 178 millions (au premier semestre 2021). Catherine MacGregor, la directrice générale d’Engie, avait expliqué ces bonnes performances par la grande disponibilité des centrales et les prix élevés de l’électricité. Or, depuis lors, les prix de l’électricité ont encore augmenté. Il est donc évident que la situation actuelle bénéficie à Electrabel, même si ce n’est pas dans les proportions mentionnées par le PTB.
Qu'en est-il des éoliennes ? Comme les centrales nucléaires, les éoliennes bénéficient de coûts de production fixes. L'Espagne a donc décidé de taxer les surprofits des éoliennes, au même titre que ceux des centrales nucléaires. Serait-ce possible en Belgique ?
Pour savoir si les éoliennes installées chez nous font des surprofits, il faut se pencher sur le système de subsides en vigueur. Concentrons-nous sur les éoliennes en mer du Nord, dont le mécanisme de soutien a évolué au cours du temps.
Les quatre premiers parcs installés au large de la côte belge, C-Power, Belwind, Nobelwind et Northwind, bénéficient d’un subside fixe. Si les prix de l’électricité montent, le subside reste inchangé. Ces quatre parcs pourraient donc potentiellement bénéficier de la flambée des prix de l’électricité.
En revanche, les autres parcs offshore sont soumis à un régime de soutien différent. En effet, ils bénéficient d'un prix d'achat garanti de leur production. Si les prix de l'électricité baissent, le soutien augmente. Si les prix de l'électricité augmentent, le subside diminue. Avec cependant un gros bémol. En effet, les règles actuelles ne prévoient pas de rembourser l'État quand les prix de l'électricité dépassent le prix minimum garanti. Or le prix minimum de 79 euros par MWh, garanti à certains parcs, est aujourd'hui dépassé par les prix de l'électricité sur le marché day-ahead (130 euros par MWh). "Il faudra changer cela, estime Damien Ernst, professeur à l'ULiège. Quand on a mis en place le mécanisme, on ne pensait pas que les prix de l'électricité allaient dépasser 79 euros par MWh."
Ceci dit, la production des éoliennes offshore est vendue à l’avance, sur la base de contrats à long terme. Il faudrait donc que les prix élevés de l’électricité se maintiennent pour que les parcs profitent de la situation.