La "bonne frite" est-elle menacée ?
La production de la Bintje est en nette baisse, au profit de variétés plus appréciées par l’industrie. La "Semaine de la frite" veut lui rendre ses lettres de noblesse.
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Publié le 29-11-2021 à 08h23 - Mis à jour le 29-11-2021 à 08h24
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Ne boudons pas notre plaisir : une "bonne frite" accompagnée de sa sauce préférée, cela ne se refuse pas. Encore faut-il que cette "bonne frite" soit… bonne.
La volonté de l’Agence wallonne pour la promotion d’une agriculture de qualité (Apaq-W) est justement de vous faire (re)découvrir ce plat convivial par excellence à la faveur de la "Semaine de la frite" organisée au Sud et au Nord du pays à partir de ce lundi. Car il y a frite et frite.
La variété Bintje est à ce propos incontournable, même si elle n'est plus que l'ombre d'elle-même dans les champs de pommes de terre wallons. "La Bintje ne représenterait plus que de l'ordre de 10 % des surfaces wallonnes de production de pommes de terre en 2020, soit de l'ordre de 4 000 hectares. C'était encore 25 % en 2018, et 50 % en 2014. Bintje était alors la principale variété d'approvisionnement des usines de frites surgelées", explique Pierre Lebrun, directeur à la Filière wallonne de la pomme de terre (Fiwap).
La Bintje, en fait, est quelque peu revêche : son rendement est plus faible que d’autres variétés, elle est très sensible aux fortes chaleurs et aux écarts de température et est moins tolérante aux chocs. Elle est donc plus sujette aux taches sous la peau, qui ne sont pas des plus belles à voir quand vous les pelez.
Pour l’industrie de transformation, la Bintje est plus difficile à gérer alors qu’il y a des alternatives qui passent fort bien auprès des consommateurs. Le choix, en quelque sorte, est vite fait.
De la concurrence
"Pour la production de frites surgelées, elle a été rapidement remplacée par des variétés issues de la sélection variétale récente et plus performantes", ajoute Pierre Lebrun. Les avantages des variétés Fontane ou Challenger sont multiples : elles sont plus résistantes aux éléments et leur rendement est plus élevé que la Bintje.
Mais voilà, la Bintje n’en reste pas moins la référence pour son goût, sa croustillance et sa couleur de cuisson quand on évoque une "bonne frite". C’est pourquoi l’Apaq-W veut rendre ses lettres de noblesse à ce tubercule en collaboration avec l’Union nationale des frituristes. La Belgique, il est vrai, compte près de 5 000 friteries, dont plus d’un tiers en Wallonie, rappelle l’Apaq-W, alors qu’un Belge sur 4 se rend dans un fritkot chaque semaine.
Saveur incomparable
La date retenue n'est sans doute pas due au hasard : "Il faut laisser reposer la Bintje après l'arrachage et ne pas la consommer tout de suite après. La meilleure période pour la déguster est entre octobre/novembre et avril/mai", explique Vincent Despriet, dont l'entreprise fournit des frites crues dans les fritkots. Ensuite, le taux de sucre augmente légèrement. "La saveur est incomparable par rapport aux frites surgelées."
Les frites surgelées et l’ensemble des produits de pommes de terre transformés n’en sont pas moins le principal débouché pour les producteurs belges, et wallons en particulier.
La proportion de la production transformée en frites - surtout - mais aussi en chips, purée et autres croquettes est de l’ordre de 80 à 85 %. Et pour cause : la production de pommes de terre - plus de 5 millions de tonnes au niveau national- est bien plus importante que la consommation des Belges - 30 kilos de pommes de terre et 30 kilos de produits transformés par personne par an.
Exportations mondiales
"Le secteur de la transformation offre donc de larges débouchés aux 1 000 producteurs wallons", souligne Philippe Massart. Ils cultivent la pomme de terre sur quelque 45 000 hectares, dont l'essentiel dans le Hainaut. "C'est 62 % de la production dans cette seule province. C'est historique en raison des espaces disponibles mais aussi de la qualité des terres." Quelque 2,5 millions de tonnes de pommes de terre produites en Wallonie sont transformées, dont deux millions en frites.
Ces produits transformés sont un excellent atout commercial pour l'exportation. "La demande de tels produits est mondiale et en hausse", poursuit le directeur de l'Apaq-W. Les frites en tant que telles sont d'ailleurs vendues dans plus de 150 pays, pour un montant annuel dépassant les 2 milliards d'euros.
Reste la malheureuse Bintje quelque peu esseulée dans ce marché de la pomme de terre. "En termes culinaires et gustatifs sa remplaçante idéale et complète n’existe pas encore, ce qui lui permet de subsister dans les marchés de niche que sont les frites fraîches et certaines spécialités", note encore Pierre Lebrun.
Vous pouvez pour cela vous fournir en direct chez l'agriculteur. "La production locale est de grande qualité en toutes circonstances", conclut Philippe Massart.
Reste que pour de bonnes frites, il faut certes une bonne pomme de terre, mais aussi… une bonne cuisson et du savoir-faire.