Ni le gaz, ni le nucléaire ne sont verts, disent les experts
La plateforme sur la finance durable critique le projet de la Commission sur la taxonomie.
- Publié le 24-01-2022 à 23h27
- Mis à jour le 25-01-2022 à 22h57
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Ni le gaz, ni le nucléaire ne peuvent être considérés comme des activités vertes. C’est l’avis des experts de la plateforme sur la finance durable qu’avait sollicité la Commission européenne sur sa proposition de modifier le règlement de la taxonomie verte. Adoptée en juin 2020, cette législation établit les critères de durabilité des activités économiques qui sont censés servir de boussole aux investisseurs. Le 1er janvier, la Commission a lancé des consultations avec les États membres et le Parlement européen en vue de l’adoption d’un "acte délégué complémentaire" au règlement sur la taxonomie, permettant de considérer le gaz et le nucléaire comme des investissements verts contribuant à la transition climatique.
La proposition de la Commission laisse les experts (académiques, financiers entrepreneurs, membres de la société civile) dubitatifs. La plateforme conçoit que le gaz fossile pourrait jouer un rôle dans la transition énergétique, mais rappelle que seules les activités qui émettent moins de 100 g d'équivalent CO2 par kWh entrent dans le cadre de la taxonomie verte. Les émissions du gaz sont largement supérieures. Les critères alternatifs proposés par la Commission ne sont pas jugés cohérents avec la taxonomie et ne garantissent pas des performances de durabilité suffisantes.
Le nucléaire peut lui aussi être considéré comme une énergie de transition, mais pas comme une énergie verte. Il est incertain que la production d'énergie nucléaire, en raison des déchets qu'elle génère, respecte le principe de pas provoquer de dommages (do no harm) et aillent à l'encontre d'autres objectifs environnementaux dont la lutte contre la pollution, la protection et la restauration de la biodiversité des écosystèmes…
Les critères retenus par la Commission permettraient de classer comme vertes les centrales de nouvelles générations construites d’ici 2045, mais ce serait trop tard pour atteindre l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5 °C, note encore la plateforme.
Tensions entre États membres
La publication de l'avis des experts de la plateforme réjouit les associations environnementalistes qui hurlaient au greenwashing. Elle intervient aussi alors que la taxonomie divise profondément les États membres, comme on a pu le constater la semaine dernière lors de la réunion informelle des ministres de l'Energie et de l'Environnement à Amiens. La France (qui préside le Conseil de l'UE) défend fermement l'introduction du nucléaire. Elle s'est trouvé des alliés, dont les Pays-Bas ou les pays d'Europe centrale - aussi des partisans du gaz comme remplacement des centrales à charbon. L'Allemagne n'est pas fermée à l'inclusion du gaz, mais rejette le nucléaire, tout comme l'Espagne, le Danemark, l'Autriche et le Luxembourg - ces deux derniers pays envisagent d'introduire une action en justice contre l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie. La Belgique n'a pas encore arrêté sa position. La proposition de la Commission est attendue pour fin janvier-début février. Pour la rejeter, il faudra une majorité de 20 pays représentant 65 % de la population de l'UE ou une majorité simple du Parlement européen.