"On est au-devant d’un choc énergétique incommensurable": l'économiste Bruno Colmant très inquiet à propos de la crise ukrainienne
Le professeur de l'ULB et de l'UCLouvain table sur une inflation annuelle, minimale, de 4% des prix de l'énergie et des produits alimentaires durant plusieurs années.
- Publié le 24-02-2022 à 15h32
- Mis à jour le 24-02-2022 à 16h34
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Les frappes aériennes orchestrées par la Russie en Ukraine pourraient générer des répercussions économiques dramatiques sur notre pays. Ce jeudi matin à l’ouverture des marchés boursiers, Paris Francfort, Londres et l’Eurostox dévissaient entre 2 et 5 %. Les cours du gaz ont même bondi de plus de 30 % sur la bourse néerlandaise, référence en Europe, en réponse à l’attaque de l’Ukraine par la Russie.
Selon Bruno Colmant, professeur d'économie au sein de l'ULB et de l'UCLouvain, l'impact sur les marchés financiers devrait se diluer dans le temps. Mais il y a deux aspects où l'impact devrait être persistant. À commencer par les prix de l'énergie. "Les prix du gaz vont augmenter mais ceux du pétrole aussi, confie l'économiste. Globalement, les matières énergétiques vont augmenter et cela va impacter également le prix de l'électricité. Cela va aggraver la tendance inflationniste constatée depuis juillet 2021. Avec un impact très grave sur le pouvoir d'achat des citoyens. Je suis convaincu qu'on rentre dans une période d'énergie chère pendant plusieurs années certainement. Je m'attends à une inflation de 4 % par an au cours des prochaines années. On est au-devant d'un choc énergétique incommensurable."
Hausse du prix de l'alimentation
Autre conséquence : l'explosion du prix des produits alimentaires. "Ils demandent énormément d'énergie pour être produits. À cela s'ajouter que les engrais nécessitent beaucoup de potasse, très présent en Ukraine. Bref, on va observer une forte inflation énergétique et alimentaire. On va certainement constater une hausse rapide du prix des produits alimentaires alors que les magasins n'ont même pas encore répercuté toute la hausse des coûts de l'énergie observée ces derniers mois. On va avoir deux chocs inflationnistes : un sur l'énergie, l'autre sur les produits alimentaires."
Un choc que ne serait toutefois pas comparable au choc pétrolier. "Dans les années 70, on est passé d'un système monétaire de l'étalon-or dans lesquelles les devises étaient garanties par l'or à un autre système monétaire. Il a fallu dix ans d'adaptation et cela avait provoqué un chaos indescriptible. Ici, on n'est pas du tout dans un tel scénario. C'est un choc ponctuel qui va rendre l'énergie plus chère et plus hasardeuse. On va devoir remplacer le gaz russe par du gaz liquéfié américain ou qui vient du Qatar."
Un choc énergétique qui pourrait accélérer la transition énergétique en Belgique. "Il est difficile de viser l'indépendance énergétique quand on part de zéro, commente Bruno Colmant. Notre dépendance n'est pas forte par rapport au gaz russe (NDLR : environ 6 % du gaz consommé en Belgique est d'origine russe) mais elle risque d'augmenter fortement par rapport à d'autres sources. L'Union européenne, dépendante à 40 % du gaz russe, va devoir s'alimenter ailleurs. Ce qui va faire gonfler les prix."
Selon Bruno Colmant, cette crise énergétique pourrait durer de longues années.
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