Comment Martin Shkreli est devenu "l’homme le plus détesté d’Amérique"

Provocateur, cynique, sans scrupule… Martin Shkreli est de ces hommes qui font l’unanimité contre lui. L'histoire de Martin Shkreli est celle d’un jeune entrepreneur pharmaceutique, accusé de montages financiers frauduleux et de s’être enrichi en spéculant sur la hausse du prix des médicaments.

Ancien gestionnaire de fonds d'investissement américains, spécialisé dans les entreprises de santé, il a cofondé les hedge funds Elea Capital, MSMB Capital Management et MSMB Healthcare, ainsi que les sociétés de biotechnologie Retrophin et Turing Pharmaceuticals, dont il était le CEO. C'est avec les pratiques liées à cette dernière entreprise que l'entrepreneur est devenu "l'homme le plus détesté d'Amérique". Il acquiert le brevet du médicament Daraprim, utilisé contre le paludisme ainsi que contre certaines infections liées au virus du sida, et fait bondir le prix de de 13,50 à... 750 euros. Le prix du comprimé a donc été multiplié par 55.

"Monstre moderne", "Homme sans le moindre scrupule", "prêt à tout" pour augmenter ses bénéfices sur le dos des patients… À l’époque, les mots à son encontre sont extrêmement durs tant de la part des Démocrates que des Conservateurs.

Cependant, l'homme, coutumier du fait, n'avait alors pas hésité à répondre autrement que par des insultes et un doigt d'honneur à certaines critiques, jugeant lors d'une interview accordée à BBC Business que sa société "avait besoin d'augmenter ses bénéfices sur ce médicament, afin que ce profit retourne dans la main des patients".

Martin Shkreli n'en était pas à son coup d'essai avec le Daraprim. L'entrepreneur s’était déjà illustré dans ce domaine en s’offrant les droits du Thiola, un médicament permettant de traiter la cystinurie, une maladie rare. Profitant de sa position, il avait en effet augmenté de 20 fois le prix du Thiola avant d'être licencié par l'entreprise.

Achat et tentative de revente d'un album unique du Wu-Tang Clan

Fan de rap ou juste mégalo égoïste ? Le magnat controversé de la finance et de l’industrie pharmaceutique multiplie les coups d’éclat. Il n’a pas cherché à s’enrichir uniquement via le domaine médical mais il s’est également illustré dans le domaine culturel.

Martin Shkreli s'est offert l'exemplaire unique de l'album du Wu-Tang Clan Once Upon A Time in Shaolin, pour 2 millions de dollars en mai 2015. L'unique copie de ce double album de 31 titres aurait été enregistrée entre la fin des années 2000 et le début des années 2010 par les légendes du hip-hop, connues pour leurs textes sur la dureté des quartiers pauvres et leurs samples inspirés de films d'arts martiaux.

Amateur de controverses, sur les réseaux sociaux, l'entrepreneur s’est mis en scène dans des vidéos de plusieurs heures, menaçant de détruire ce disque tant convoité et utilisant le coffret comme sous-verre pour sa bière, narguant ainsi les fans le suppliant de diffuser l’album.

Entre temps, l’album a finalement été saisi par la justice américaine alors qu'il avait cherché à le mettre en vente sur internet, tout en menaçant de le détruire.

Il a également tenté d'acheter en 2016 le dernier album de Kanye West, The Life of Pablo, pour un montant de 10 millions de dollars, afin d'empêcher le monde d'en profiter. Même si l'entrepreneur a prétendu par la suite s'être fait arnaquer par un proche de Kanye West en essayant d'acheter cet album.

L'affaire des cheveux

Arrêté par des agents du FBI en 2015, avant d’être libéré sous caution, il est notamment soupçonné d’avoir illégalement utilisé des actifs de son entreprise Retrophin pour rembourser des dettes alors que son fonds spéculatif MSMB Capital Management essuyait des millions de dollars de pertes. Inculpé de sept chefs d’accusation par une juge fédérale, il est reconnu coupable en août 2017 de fraude sur titres et manipulation d’actions.

Il est toutefois remis en liberté en attendant de connaître sa sentence, prévue initialement en janvier 2018. Cependant, le cynique entrepreneur retourne plus vite en prison que prévu après avoir proposé une récompense de 5 000 dollars pour une mèche de cheveux d’Hillary Clinton. Après cette énième provocation, la juge avait révoqué sa liberté sous caution.

Martin Shkreli a finalement été condamné à sept ans de prison en 2018 pour une fraude bancaire dans une autre affaire. Il pourrait être éligible à une libération conditionnelle en novembre prochain mais il est banni à vie de toute position dans l’industrie pharmaceutique.