"Les prix des denrées alimentaires sont à la hausse et devraient le rester"
Déjà chamboulé par la guerre en Ukraine, le secteur de l’alimentaire pourrait traverser une nouvelle zone de turbulences.
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Publié le 20-05-2022 à 17h48 - Mis à jour le 15-07-2022 à 09h50
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La carte de l'IRM sur la situation en Belgique ne laisse pas planner de doute. En date du 20 mai, la moitié de notre territoire étaiten situation de climat "extrêmement sec". Des épisodes de sécheresse qui se multiplient en Belgique et plus globalement à l'Europe ces dernières années, et qui sont particulièrement dommageables au secteur agricole. "Le secteur de la production agricole dans son ensemble va en souffrir", pointe d'entrée Marnik Vanclooster, président du Earth & Life Institute et professeur à la faculté de bioingénieurs de l'UCLouvain. Ce sont plus particulièrement les cultures de printemps, encore en pleine croissance, qui risquent d'en pâtir : maïs, blés et autres productions maraîchères seront mises à rude épreuve durant les semaines à venir.
"Des choses ont déjà été mises en place, mais notre modèle agricole n'est pas encore adapté à ces sécheresses de plus en plus fréquentes, comme ce fut déjà le cas en 2016 et 2017 par exemple. Des agriculteurs ont adopté des nouvelles méthodes d'exploitation - notamment au niveau de la gestion de l'eau -, des communes et communautés d'agriculteurs ont fait installer des bassins d'orage, etc. Mais il y a encore une belle marge de progression, que ce soit du point de vue des techniques que du choix des cultures", ajoute-t-il.
Une chaîne d'approvisionnement déjà mise en tension
Les épisodes de sécheresse ne sont pas sans conséquence pour les récoltes. "Les céréales, une denrée de base qui occupe près de 65 % de la surface cultivée de l'UE et qui est principalement utilisée pour l'alimentation animale, est la culture la plus sévèrement touchée. Nous avons notamment constaté que pour chaque année marquée par un épisode de sécheresse, les pertes de céréales augmentent de 3 %", notait ainsi Teresa Bras, de la Nova School of Science and Technologyde Lisbonne dans une étude publiée en 2021.
Des pertes qui peuvent causer pénuries et hausses des prix alors que la chaîne d'approvisionnement à l'échelle mondiale est déjà largement mise sous pression, souligne pour sa part Bruno Henry de Frahan, également professeur à la faculté de bioingénieurs de l'UCLouvain. "Il faut prendre en compte les deux aspects du problème. D'un côté, vous avez l'offre qui risque d'être plus faible. Dans ce cas, il est possible d'aller s'approvisionner sur le marché international, sauf que celui-ci est à flux tendu pour le moment", détaille-t-il, avançant plusieurs facteurs. "Plusieurs pays du Sud ou encore l'Inde viennent également de traverser des sécheresses. Puis il y a bien sûr la guerre en Ukraine qui perturbe également le secteur. D'abord parce que la Russie a posé un embargo sur l'exportation de ses céréales. Ensuite, parce que l'Ukraine, même si elle dispose d'énormes réserves, ne peut pour le moment pas les exporter, notamment car elle ne dispose plus de ses infrastructures portuaires."Sans oublier que l'agrumiculture, secteur très énergivore, doit également jongler avec la flambée actuelle des hydrocarbures.
Du côté de la demande, "les prix des denrées alimentaires sont à la hausse et devraient le rester, à cause de ces différents facteurs. Il faudra voir si les citoyens, qui font également face à l'inflation généralisée, seront prêts à accepter une nouvelle hausse des tarifs", conclut-il.