La "vanlife", une philosophie de vie devenue un luxe?
Rencontre avec des vanlifers convaincus, qui ne vivent pas de nostalgie mais de projets.
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Publié le 16-07-2022 à 10h02 - Mis à jour le 22-07-2022 à 18h10
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C'est une aventure qui commence en mai 2021, devant un coucher de soleil en Croatie. Camille Boever et Gilles Depret admirent le paysage à côté de Charlie, leur camping-car de 30 ans et compagnon de route depuis sept mois. Dans quelques jours, le jeune couple rentrera "se sédentariser" en Belgique.
Les souvenirs plein la tête, ils se remémorent leurs premiers pas dans la vanlife : l'achat de Charlie, qui n'était alors "qu'un camping-car fait de tôle et de frigolite", sa rénovation et son aménagement. "On partait de rien", se souvient avec amusement Camille. Après des mois de bricolage et d'épargne, ils ont pourtant réussi à rendre Charlie assez confortable pour réaliser un tour d'Europe sur ses roues.
Ce qu’ils retirent de cette expérience ? L’envie de partager leur parcours et leurs filons.
Et quoi de mieux pour discuter de la vanlife que de créer un festival ?

Une vision réaliste de la vanlife
Une fois revenus, Camille et Gilles constituent ainsi une équipe avec trois autres amis "super emballés" par l'idée : Juliette Glineur, Raphaël van Ypersele et Elisa Vuylsteke. Ensemble, ils se lancent dans la création de la première édition du Festivan, qui se déroulera les 17 et 18 septembre prochains, sur le site de la Brasserie-Ferme de Bertinchamps. Le but : rassembler 400 personnes qui viennent apprendre ou enseigner l'art d'aménager un van.
Si ce type de festival existe ailleurs en Europe, le Festivan s'inscrit "dans une approche plus pédagogique de la vanlife", avec la vocation de rassembler autant les curieux que les convertis.
"C'est super chouette d'apprendre à aménager un véhicule mais on a tellement galéré à rassembler toutes les informations nécessaires, témoigne Camille. Mine de rien, l'aménagement de véhicule, c'est un métier au départ." Raison pour laquelle des ateliers seront proposés aux participants, comme une introduction à la menuiserie ou un tutoriel pour créer un plan d'aménagement sur le logiciel SketchUp.
Et pour ceux qui hésitent à se lancer, il y aura également des discussions autour de l'aspect logistique de la vanlife : comment allier la vie nomade avec la scolarité des enfants, quel budget y consacrer, comment préserver une démarche écologique… "L'idée est de donner les clés pour prendre la décision d'acheter ou de louer un van en connaissance de cause."

"Ce n'est pas un salon du camping car, ajoute Gilles. On ne veut pas que ce soit un gros rassemblement vanlife hyper instagrammable. On veut que ce soit un échange d'expériences, bonnes ou mauvaises. Il y aura tous les budgets et tous les types de véhicules : vans, bus, fourgons..."
Un phénomène "instagrammable"
Symbole de liberté, le van aménagé rassemble une communauté étendue et passionnée depuis les années 60 et 70. La vanlife, surtout incarnée par le mythique VW California, rencontre toutefois un succès d'une nouvelle ampleur depuis le début de la crise sanitaire, particulièrement fulgurant sur les réseaux sociaux. Elle est désormais davantage un phénomène qu'un mode de vie.
Les créateurs de contenus se multiplient sur les plateformes numériques. Leur communauté s'élargit à mesure que le "standard" de la vanlife s'uniformise.
"L'info qui passe via le virtuel est très idéalisée, ce qui peut créer des frustrations et des déceptions, déplore Camille. Il ne faut pas uniquement se baser sur ce qu'on voit sur Instagram. Tout n'y est pas dit."
Parmi les tabous : la difficulté de trouver un van (neuf ou d'occasion) mais surtout... les coûts engendrés. Par exemple, il faut débourser entre 56 000 et 69 000 euros pour acheter un VW California T6 neuf, la dernière mouture du célèbre modèle popularisé par les hippies, qui en ont fait un véritable emblème. Et selon les chiffres de la Febiac, le prix du modèle bestseller "Beach" du VW California T6 a augmenté de 8 % depuis juin 2021 et de 25 % depuis 2016.
Pour Jean-Marc Ponteville, Press & Public Relations chez D'Ieteren Group, cette inflation est principalement due à trois crises successives : la pandémie qui a ralenti la production dans le secteur; la pénurie des semi-conducteurs au moment de la reprise et la guerre en Ukraine qui a provoqué une pénurie de pièces et donc, un allongement des délais de livraison. La loi de l'offre et de la demande fait le reste : l'offre diminue alors que la demande augmente, le prix est donc plus élevé. Sans compter le coût de la vie qui est également en hausse.
La demande continue pourtant d'augmenter, comme elle le fait ces dix dernières années. La crise sanitaire a accéléré la tendance : l'envie d'aventure gagne les voyageurs. Selon les chiffres du groupe D’Ieteren, entre 2019 et 2021, la vente annuelle de VW California T6 a plus que triplé : entre 400 et 500 modèles achetés en 2019, contre 1 600 en 2021. Et d’ici 2030, une augmentation de 50 % est encore prévue. À elle seule, la vente de California représente près de 10 % du chiffre d'affaires de la gamme "véhicules utilitaires" du groupe.
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Un luxe ?
La vanlife est-elle donc devenue un privilège ? Tout dépend de l'usage attribué au van.
"Être propriétaire d'un véhicule est un privilège, qu'il soit aménagé ou pas, estime Camille. Pouvoir se payer des vacances aussi. Après, posséder un van est un investissement étendu dans le temps. Ce n'est pas limité dans une expérience de vacances. Tu peux l'utiliser quand tu veux." Elle ajoute par ailleurs que "vivre dans un van, sans payer un autre loyer, est très intéressant en termes de coûts".

Pour prouver que la vanlife s'adresse à qui veut, l'équipe du Festivan met un point d'honneur à rendre l'événement accessible à tout le monde : ils collaborent avec l'asbl Article 27 pour permettre aux personnes vivant dans une situation socio-économique difficile de ne payer que 5 euros. Pour les autres, le ticket coûte 24 euros pour le week-end, place de camping incluse. "Et les gens qui peuvent mettre plus sont invités à le faire pour soutenir le projet." À l'heure actuelle, 115 participants se sont déjà inscrits.