Jean-Marc Nollet: "Il faut taxer les profits de guerre des Engie, Shell, BP, Exxon…"
Jean-Marc Nollet, coprésident d'Ecolo, dénonce les "profits de guerre" des grandes entreprises du secteur de l'énergie.
Publié le 09-09-2022 à 06h42
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Jean-Marc Nollet, coprésident d'Écolo, donne ses priorités dans l'actuelle crise énergétique. Le timing choisi est bon : ce vendredi, des réunions d'urgence sont prévues au niveau européen et au niveau fédéral belge. L'écologiste refuse de parler de "surprofits" des entreprises du secteur énergétique mais de véritables "profits de guerre"… Une manière d'insister sur leur caractère indu, à ses yeux. Il égratigne également le MR, jugé "conservateur".
Que pensez-vous des idées émises par la Commission européenne afin de s’attaquer à la crise énergétique ?
Ce qui est sur la table est insuffisant. Je ne rejette pas les propositions de la Commission européenne. Mais il manque un plafonnement général du prix du gaz, pas uniquement de celui venant de Russie. En outre, l’Europe doit devenir notre acheteur unique de gaz sur les marchés mondiaux, ce qui permettrait de plafonner les prix.
La Commission européenne évoque également l’idée d’une taxe sur les surprofits. Est-ce satisfaisant ?
On parle de surprofits, mais appelons un chat un chat : ce sont des profits de guerre. Ces profits sont profondément illégitimes. Il n’est pas acceptable qu’un opérateur nucléaire vende son électricité 400 euros par MWh, alors que son coût de production est de l’ordre de 30 ou 40 euros. Cette différence, c’est la guerre qui l’amène.
Vous visez qui exactement ?
Je parle de toutes les entreprises qui réalisent des profits de guerre qu’il faut capter : Gazprom, mais aussi Engie, Shell, BP, Exxon… Le problème est que la Commission européenne laisse faire les États. L’Europe doit prendre ses responsabilités et aller capter ces profits de guerre.
Que feriez-vous avec le produit de cette taxe ?
Les écologistes ont été à la base de l’extension du nombre de bénéficiaires du tarif social de l’énergie, de 1 à 2 millions de personnes. Ce mécanisme a montré son efficacité pour protéger les citoyens face à la crise énergétique. Il faut aujourd’hui élargir encore le nombre de bénéficiaires.
À combien de personnes ?
Cela doit rester un tarif social. Je vise tous ceux qui risquent de basculer dans la pauvreté, qui ont des difficultés à payer leurs factures. Imaginez que votre facture d’énergie annuelle passe de 3 000 à 10 000 euros. Quand on gagne 30 000 euros par an, c’est énorme. Quand on gagne 200 000 euros par an, on ne voit pas la différence. Ce que je vise, ce sont ces personnes-là. Mais il y a encore de gens, au MR, qui pensent que tout le monde doit avoir la même chose. Sorry, mais Marc Coucke n’en a pas besoin, contrairement à une infirmière ou à un enseignant. On pourrait financer ce nouvel élargissement du tarif social avec la taxation des profits de guerre.
En Belgique, les surprofits proviennent majoritairement du nucléaire. Mais la convention signée par Engie et le gouvernement Michel interdit toute hausse de la taxation des centrales nucléaires. Comment faire ?
Je sais que ce sera compliqué d’un point de vue juridique. La convention signée sous la précédente législature par Engie et la ministre Marghem (MR) nous fout dans la m… Néanmoins, ce n’est pas infaisable car ce sont des profits de guerre. Des choses qui ne pourraient pas bouger dans une situation classique pourraient se défendre en justice.
Le tarif social élargi suffira-t-il pour protéger la population durant cette crise ?
Il faut installer, en outre, un crédit d'impôt solidaire pour que le "salaire poche" des travailleurs à revenus moyens et faibles soit structurellement revalorisé. Le système proposé par Écolo est dégressif et part de 150 euros (nets par mois, NdlR) pour les salaires les plus faibles. Le crédit d'impôt est différent du relèvement de la quotité exemptée d'impôt comme le veut le MR : avec le système des libéraux, que l'on gagne 6 000 euros nets ou 12 000 euros nets, que l'on voyage en jet privé ou pas, on en profite aussi… Écolo veut une intervention solidaire mais, à nouveau, le frein vient des conservateurs.
Les banques ont-elles un rôle à jouer selon votre vision ?
Ce qu’elles mettent sur la table, comme reporter le remboursement du capital emprunté, c’est bien mais c’est insuffisant. Je demande un moratoire bancaire pour les PME en difficulté sur le remboursement de leurs emprunts. Je demande que les banques mobilisent tous les moyens pour offrir aux citoyens l’accès aux investissements nécessaires pour diminuer leur consommation d’énergie et produire de l’énergie verte. Il faut qu’elles mettent à disposition des produits qui accélèrent la transition, avec des prêts à taux zéro généralisés, y compris pour les faibles revenus, avec des mécanismes de tiers investisseurs où le prêteur se rembourse sur la facture et non sur l’investissement.
Les carnets de commandes des panneaux photovoltaïques sont pleins…. Avoir des produits bancaires pour en installer, c’est bien, mais l’offre risque de ne pas suivre. Et il manque de main-d’œuvre dans ces secteurs.
Ce point relève des Régions. Elles doivent être au rendez-vous de l'isolation, autant pour les propriétaires et bailleurs que pour les locataires. Au niveau wallon et au niveau bruxellois, Écolo défend l'idée que l'on ne puisse pas indexer le loyer des logements qui ne seraient pas suffisamment isolés. Et nous voulons augmenter tous les mécanismes d'aides et de primes pour inciter le propriétaire à isoler son bien, en complément de ce que les banques peuvent faire. Les Régions doivent aussi organiser les formations et recrutements sur le terrain pour mettre à disposition de la main-d'œuvre. Enfin, les Régions doivent veiller à interdire les coupures cet hiver. Ce que je dis vaut aussi pour le gouvernement flamand, hein.
Raoul Hedebouw, président du PTB, dit qu’il est trop facile de renvoyer les décisions les plus délicates à prendre vers l’Union européenne.
C’est surtout facile à dire pour ce parti qui reste toujours au balcon…. Ma lecture est basée sur le réel et pas sur les slogans. Qui est à la source des mécanismes fondamentaux qui nous occupent ici ? L’Europe. Mais, juste après, viennent le fédéral et les Régions. Si l’Europe n’est pas au rendez-vous dans cette crise énergétique, la Belgique devra prendre ses responsabilités.