Le paquet "énergie" de la Vivaldi, un concentré des problèmes de la Belgique
Vendredi, la Vivaldi s’est accordée sur un nouveau paquet d’aides "énergie". Equilibré mais pas toujours cohérent ; modeste. L’accord “Energie” soulève bien des questions, pas seulement pratiques.
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- Publié le 18-09-2022 à 14h36
- Mis à jour le 23-09-2022 à 11h45
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Tout ça pour ça ? L'encre de l'accord relatif à l'aide aux ménages et aux entreprises pour faire face à l'envolée des prix de l'énergie était à peine sèche que les critiques fusaient de toutes parts. Catherine Fonck, cheffe de groupe des "Engagés" à la Chambre, résumait sobrement l'avis de l'opposition : "Après 8 mois de promesses, les actes du gouvernement sur l'énergie, c'est pour seulement deux mois, sans intervention pour plafonner les prix, sans mesure pour aider à moins consommer, et avec des montants qui risquent d'être insuffisants pour beaucoup de familles et d'entreprises… Dur Dur", concluait-elle dans un tweet.
“L’argent gratuit ne tombe pas du ciel”, rétorque une source gouvernementale. Bref, quels enseignements tirer de ce nouveau paquet de mesures “énergie” ?
1. Une ambition limitée mais cohérente ?
“Ce qu’on donne ici aux citoyens (200 euros, soit 135 pour le gaz et 61 euros pour l’électricité, NdlR) peut sembler modeste mais il ne faut pas oublier les indexations qui couvrent en partie la hausse des prix, 4 ou 5 en 2022. Sur deux salaires mensuels de 2 500 euros, cela fait près de 10 %, soit 4 800 euros (200 euros x 2 x 12 pour un ménage, NdlR). C’est un plan d’ambition limitée, mais équilibré”. Jusqu’au bout, socialistes et libéraux se sont battus sur l’ampleur du champ d’application de la mesure, qui consiste en un forfait de base de 5 000 Kwh au tarif régulé.
Finalement, tout le monde ou presque sera concerné, mais il y aura une récupération partielle a posteriori de cette aide pour les salaires plus élevés (pour les isolés, un revenu net annuel imposable de 62 000 euros et pour un couple sans personne à charge, de 125 000 euros ; par personne à charge, il faut ajouter 3 700 euros). “Un prélèvement particulier équivalent à 1,5 fois le taux moyen d’imposition sera réalisé via la déclaration fiscale de 2024 (année de revenus 2023)”, relèvent les notifications suite au kern.
Bref, la classe moyenne, même supérieure, va être aidée. On est loin d’une aide voulue jusqu’au 5e décile seulement voulue par l’aile gauche de la Vivaldi. En revanche, cette mesure imaginée par le clan De Croo est une aide qui ne contrarie pas l’incitant à réduire moins puisqu’au-delà du forfait de 5000 Kwh, les prix “subits” seront ceux du marché, extrêmement volatils jusqu’ici. Quid en revanche de la prime pour les factures qui seraient inférieures à la prime forfaitaire, ce qui peut être le cas pour les détenteurs de panneaux ? “Ce qui est offert, c’est un quota (forfait) de Kwh gratuit. Si un ménage utilise tout le quota, et en comparaison aux prix du marché actuels, alors le gain est de 61 euros. Si le ménage utilise moins, tout ce qui est utilisé est à prix réduit”, répond une source gouvernementale.
2. La mise en lumière d’un appareil statistique défaillant
L’accord a été remis aux experts, et il y a du boulot. Mais cela aurait pu être pire, puisque longtemps, et ça a valu quelques passes d’armes épiques entre partenaires de la Vivaldi - il a été imaginé de décider d’une réduction sur la facture qui passe par l’octroi de données – l’accès au registre national – aux opérateurs énergétiques. C’eût été contraire au règlement RGPD de protection de la vie privée. Il y a d’autres “petits” soucis qui montrent les difficultés à cibler correctement les ménages et entreprises. Ainsi, le “paquet” gaz (les 200 euros par mois) sont basés sur le revenu imposable net, tandis que le tarif social l’est sur la base du revenu brut imposable. “Le revenu additionnel pour personnes à charge se limite à 3 700 euros par an dans le dispositif pour la classe moyenne, contre 4 383,98 euros par an pour les bénéficiaires du tarif social. Pourquoi ?”, s’interroge dans une note l’économiste Philippe Defeyt, président de l’institution pour un développement durable. Qui ajoute qu’il “est urgent d’améliorer l’appareil statistique, a minima en construisant une répartition des revenus imposables par ménage”. On ajouterait bien que rassembler les indicateurs de performance énergétique du bâtiment, et du type d’équipement, au sein d’une banque de données serait opportun...
3. Des aides aux entreprises encore “floues”
Pour la plupart, le cocktail de mesures d’aides sont connues, puisqu’activées lors de la crise du coronavirus. Le chômage temporaire “énergie” (avec 6,1 euros par jour de complément payé par l’entreprise ou un fonds sectoriel) sera octroyé aux entreprises dont les ressources énergétiques atteignent au moins 3 % de la valeur de leur production (chiffre d’affaires en somme) et qui dont la hausse des coûts a doublé en 2022. Ces conditions doivent être affinées mais sont conformes aux rescrits du “Temporary Crisis Framework Europa”, récemment utilisé par la France, pour ne pas tomber dans le régime d’aides d’Etat. Notons que les accises seront ramenées au minimum européen et que le gouvernement a aussi décidé d’immuniser fiscalement les aides régionales ! Pour le reste, toutes les mesures décidées (reports de cotisations sociales, moratoires sur les faillites, droit-passerelle, etc.) sont moins détaillées et doivent faire l’objet d’un travail technique des experts pour être applicables dès novembre. “Cela aide-t-il vraiment les entreprises et indépendants concernés de pouvoir reporter des dettes sociales ou fiscales si c’est pour finir par avoir des boulets aux pieds ?”, s’interroge cependant Philippe Defeyt. Qui poursuit : “on est loin du compte d’une aide ciblée, efficace et cohérente…”. Quoi qu'il en soit, le panel d'aide n'est pas modeste. La question: où en sont les Régions concrètement ?
4. Un financement via mesures compensatoires
L’argent. C’était le principal nerf de la guerre au sein de la Vivaldi. Les principales aides aux ménages (forfait gaz, forfait électricité, chèque mazout de 225 à 300 euros) vont coûter 923,35 millions d’euros. (480,6 + 364 + 78,75). Mais beaucoup d’autres mesures, dont celles d’aides aux entreprises, doivent encore être estimées. Le financement serait assuré par les 74 millions d’euros supplémentaires après recalcul de la contribution de distribution par la Creg, 465 millions d’euros de recettes de TVA supplémentaires, quelques millions de recettes supplémentaires de TVA sur d’autres combustibles et l’application en Belgique du système européen des bénéfices exceptionnels (“windfall profits”). La Creg a été chargée le 15 septembre d’examiner la mise en œuvre rapide de la proposition européenne.