"Les indépendants sont en train de crever" : Pierre-Frédéric Nyst (UCM) remonté contre les autorités
Pierre-Frédéric Nyst exige du respect pour les entrepreneurs. “Le mur du 1er janvier approche. C’est le dernier moment de calme avant la tempête, avertit le président de l’Union des classes moyennes. Il faut prendre des mesures.”
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Publié le 29-11-2022 à 06h39
“Chaque jour, on a l’impression que la situation et le moral des troupes se dégradent. ” Celui qui s’exprime ainsi, c’est Pierre-Frédéric Nyst, le président de l’Union des classes moyennes (UCM). Et les troupes en question, ce sont les indépendants et les chefs d’entreprise qu’il représente. “À ma connaissance, confie-t-il à La Libre, la situation n’a jamais été aussi grave pour les entrepreneurs. On a eu des moments très difficiles en 2016 avec les attentats, dans des secteurs particuliers (Horeca, tourisme…). On a eu bien sûr des difficultés avec le Covid, mais c’était surtout une crise du chiffre d’affaires. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires se maintient, voire augmente : essayer d’aller au restaurant sans avoir réservé, ce n’est pas évident. Tous les fournisseurs et le personnel sont payés, les loyers aussi. Il y a juste un fournisseur qui pose problème, c’est le fournisseur d’énergie. Tout le reste fonctionne. D’ailleurs, peu de gens demandent le chômage énergie, car on a besoin de tout le monde sur le pont, justement pour bosser un peu plus afin d’absorber les factures d’énergie.”
Il n'est pas normal qu'une entreprise saine tombe à cause de ses factures d'énergie.
Dans cette situation très difficile, le président de l’UCM estime que les autorités ne sont pas à la hauteur. “Le Premier ministre a dit qu’il n’est pas normal qu’une entreprise saine tombe à cause de ses factures d’énergie. OK, très bien. Mais chaque fois que nous demandons une mesure, que ce soit un moratoire sur les coupures d’énergie ou une révision du test de solvabilité des entreprises, la réponse est négative. Cela commence à être très compliqué.”
”Les indépendants ont droit au respect”
“Les indépendants ont droit au respect, scande Pierre-Frédéric Nyst. On est pratiquement K.-O. debout et on n’a pas de défense. Allez expliquer aux indépendants qui n’ont commis aucune faute de gestion qu’ils vont sans doute se casser la figure parce qu’ils ne vont pas absorber le choc énergétique et qu’ils vont se taper plus de 10 % d’indexation des salaires début janvier, et que cette indexation ne sera pas autant compensée que ce qui avait été annoncé. On ne peut pas parler d’indexation défiscalisée. On assiste à une dilution des responsabilités. L’État qui dit : je ne suis plus propriétaire de l’énergie, je ne peux rien faire. Elio Di Rupo qui dit : tout va bien, la Wallonie se porte bien, il faut avoir un discours positif. Alors que nous, indépendants, nous sommes en train de crever et qu’il n’y a pas 1 balle pour nous. Et David Clarinval, vu les réformes de l’État, qui ne sait plus faire que des aides indirectes comme des reports d’allocations.”
Mais qui va y gagner, finalement ? Les grandes surfaces ! À terme, on va tous manger du pain carré mou emballé dans du plastique.
Le représentant des classes moyennes craint que l’on se dirige “vers un système où seuls les plus grands pourront s’en sortir”. “Dans ma commune, il y a deux boulangers, ils sont vraiment mal, illustre-t-il. Ils ont un peu augmenté le prix de certaines viennoiseries, mais pas celui du pain, et ils se demandent s’ils ne vont pas fermer une partie de la semaine. Mais qui va y gagner, finalement ? Les grandes surfaces ! À terme, on va tous manger du pain carré mou emballé dans du plastique. Les petites structures, qui créent de l’emploi et qui ne délocalisent pas, vont fermer. Est-ce que demain on veut une fracture sociale, une fracture alimentaire avec, d’un côté, les riches qui iront chercher leur steak à la ferme et leur pain hors de prix à la boulangerie et, de l’autre, les moins nantis qui se contenteront d’aller faire leurs courses chez Lidl et chez Action et dont les enfants ne sauront plus ce qu’est un pain artisanal. En même temps, on nous dit qu’il faut relancer les métiers en pénurie, attirer les artisans. On met le projecteur sur des métiers qui sont en train de mourir et on ne les aide pas. C’est totalement incohérent.”
”Le 1er janvier, cela va être la catastrophe”
“Veut-on favoriser Comeos et la grande distribution ? demande M. Nyst. Ou bien estime-t-on qu’à côté d’une forme de grande distribution il y a encore de la place pour des plus petits, des artisans ? Si la réponse à cette question est positive, alors il y a des décisions à prendre, au lieu de se renvoyer la balle entre niveaux de pouvoir. Le 1er janvier, cela va être la catastrophe. Le Premier ministre nous dit qu’il n’a pas de baguette magique. Nous disons qu’il doit plutôt prendre une baguette de chef d’orchestre et commencer à aller voir les banques, qui ne jouent pas le jeu ; aller trouver les fournisseurs d’énergie. On n’est pas respectés, c’est incontestable. On ne demande pas de sous au Premier ministre, mais un ensemble de solutions qui permettent de traverser la crise. On est en train de nous endormir. Ajoutez à cela l’épuisement et les problèmes de santé mentale des indépendants et vous comprendrez que c’est compliqué de garder la tête froide. C’est le dernier moment de calme avant la tempête.”