Soutien public à la R&D : l’État dépense de l’argent pour rien
Dans certains cas, le soutien de l’État à la recherche et développement est contre-productif.
Publié le 14-12-2022 à 15h32 - Mis à jour le 14-12-2022 à 16h17
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Les résultats d’une étude réalisée par le Bureau du Plan ont de quoi surprendre. L’organe de conseil économique a été mandaté afin d’évaluer l’efficacité du soutien public à la recherche et développement (R&D). Que ce soient les incitants fédéraux, régionaux ou européens.
Commençons néanmoins par une bonne nouvelle : en effet, la Belgique figure parmi les sept pays de l’UE à avoir atteint son objectif d’investissement (public et privé) dans la R&D, en 2020. Avec des dépenses égales à 3,48 % du PIB, la Belgique a largement dépassé l’objectif de 3 %. Et elle a pris la deuxième place européenne, juste derrière la Suède. Or, en 2005, la Belgique dépensait moins de 2 % de son PIB en R&D. Le bond en avant est donc spectaculaire.
Néanmoins, notre pays ne dépense pas toujours son argent à bon escient, loin de là même. Ainsi, les incitants octroyés via une réduction de l’impôt des sociétés sont généralement peu efficaces, selon l’étude du Bureau du Plan. Dans trois cas sur quatre, 1 euro dépensé par l’État ne génère quasiment pas d’argent investi par la société. Pire, l’un des systèmes de soutien est même contre-productif. “Cela signifie que l’État subventionne des dépenses de R&D qui seraient financées par l’entreprise elle-même en l’absence d’incitant”, nous explique Michel Dumont, l’auteur de l’étude. Bref, l’État dépense une partie de son argent pour rien.
Ce système de soutien contre-productif est la déduction fiscale pour revenus d’innovation, qui a été mise en place en 2016. Selon l’étude du Bureau du plan, qui s’arrête à l’année 2019, le mécanisme n’a donc généré aucune dépense privée supplémentaire en R&D. Au contraire même… “C’est la première fois qu’on aboutit de façon robuste à la conclusion qu’un incitant à la R&D a un effet négatif, commente Michel Dumont. Pour d’autres mécanismes, comme la déduction pour revenus de brevet, l’effet n’était ni négatif ni positif”. Ce qui est aussi surprenant, c’est que la déduction fiscale pour revenus d’innovation suit les nouvelles lignes directrices de l’OCDE.
Néanmoins, cette conclusion n’est pas, non plus, une grande surprise. “La littérature scientifique montre que les incitants basés sur les bénéfices des sociétés sont moins efficaces, explique Michel Dumont. Il est plus efficace d’octroyer des incitants en fonction des dépenses en R&D de l’entreprise”.
Un coût qui explose pour l’État
Par ailleurs, le coût total du soutien à la R&D était de 2,8 milliards d’euros en 2019. Sur ce total, 2 milliards ont été dépensés via une réduction de l’impôt des sociétés, une mesure peu efficace dans trois cas sur quatre, donc. En outre, cette partie des dépenses augmente très rapidement. Alors qu’on était à moins de 500 millions d’euros dépensés en 2015, l’ardoise est montée à 2 milliards en 2019.
À côté de cela, d’autres incitants à la R&D sont plus efficaces, note l’étude du Bureau du Plan. Il s’agit notamment des dispenses partielles de précompte professionnel accordées aux chercheurs. Pour en bénéficier, l’entreprise doit engager un chercheur, ce qui soutient mécaniquement la R&D. Il y a aussi des subsides directs régionaux liés à des dépenses de R&D par l’entreprise.
Selon l’étude du Bureau du Plan, 1 euro dépensé en dispense partielle de précompte professionnel génère 2, 3, voire jusqu’à 6 euros de dépenses en R&D par l’entreprise.
L’étude a été présentée au cabinet du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V). On ne sait pas encore quelles conclusions il va en tirer dans le cadre de la réforme fiscale en préparation.