L’aéroport de Liège plonge le gouvernement wallon au bord de la crise
L’exécutif wallon n’arrive pas à se mettre d’accord sur le futur de Bierset. Les discussions reprendront ce samedi au gouvernement wallon.
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Publié le 26-01-2023 à 16h03 - Mis à jour le 27-01-2023 à 20h27
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L’avenir de l’aéroport de Liège se joue dans les prochains jours. Faut-il mettre une limite au développement de Bierset ? C’est sur cette question que bute actuellement le gouvernement wallon. La réunion tenue ce vendredi après-midi par l’exécutif n’a pas abouti à un compromis. Plus tôt dans la journée, le ministre wallon de l’Économie, Willy Borsus (MR) avouait sur LN24 que le gouvernement était au bord de la crise de nerfs. “Soyons transparents, nous sommes dans un grand moment de tension sur ce sujet. […] J’espère que l’on trouvera la bonne balance entre l’écologie, l’emploi et l’économie”, expliquait-il.
Car le temps presse. Pour rappel, si les ministres wallons ne parviennent pas à s’entendre pour le 31 janvier, ce sont les premiers permis d’urbanisme et d’environnement, octroyés il y a quelques mois à l’aéroport de Liège, qui entreront en vigueur. Ces derniers limitent le nombre de mouvements annuels à 50 000 et se montrent stricts sur la nécessité de faire venir à Liège des avions moins polluants. Avec la difficulté que dans le secteur du fret, ce sont rarement les engins les plus récents qui sont utilisés. À Liège, beaucoup de compagnies utilisent encore ainsi des Boeing 747-400, particulièrement bruyants et peu modernes. Dans l’aérien, le renouvellement de flotte est lent et ces mastodontes du ciel devraient être encore en service dans les 10 prochaines années. Un délai trop long pour les riverains et les associations environnementales. Aucun accord n'a été trouvé pour le moment. Le dossier reviendra ce samedi après-midi sur la table du gouvernement wallon.
Deux positions très opposées
Pour la direction de Liège Airport, ce permis tel qu’il existe serait une catastrophe – l’administration wallonne a fait de nouvelles propositions techniques en tenant compte des desiderata de l’aéroport et des riverains. Soutenue dans ce dossier par les syndicats, la direction de Bierset estime que le permis est “un grand écart” avec le “masterplan” pour les 20 années à venir de l’aéroport, qui prévoit un doublement des activités et un développement des zones d’entreprises autour du site. D’après Laurent Jossart, le patron de l’aéroport, “si rien ne change”, de nombreuses entreprises présentes actuellement sur le site vont partir. “On va perdre plus de 5 000 emplois, directs et indirects par rapport à la situation actuelle avec près de 10 000 emplois sur le site”. Dans le camp opposé, de nombreux collectifs et citoyen (ne) s se sont liguées autour du front Stop Alibaba&Co dont l’objectif commun est de lutter contre l’implantation d’une filiale du géant de l’e-commerce chinois à Liege Airport et contre l’extension de l’aéroport de Bierset. “Nous nous opposons plus globalement au modèle économique et à l’éthique des entreprises telles qu’Alibaba”, explique la plateforme.
Au politique de s’accorder… ou pas
Mais c’est au politique de s’accorder… ou pas. D’autant que la Flandre qui jalouse la réussite aéroportuaire wallonne serait en embuscade pour tenter de récupérer une partie de la mise, ce qui, il faut bien en convenir, ferait mauvais genre dans ce pays où on ne manque jamais de pointer les défaillances wallonnes et la réussite insolente de la Flandre. Si des sociétés opérant à partir de Liège devaient être bridées dans leur développement, elles pourraient, en effet, changer de crémerie. Ça, c’est déjà vu. Opérer à partir du nord de la France, d’Allemagne, des Pays-Bas ou même d’Ostende, ne changera pas grand-chose pour eux. Ostende a aussi ses ambitions en matière de fret.
D’aucuns chuchotent qu’au moins une compagnie active à Liège, Challenge, aurait ainsi été approchée par l’aéroport d’Ostende pour tenter de l’attirer sur son tarmac. Une information que dément Marcel Buelens, ancien patron de l’aéroport flamand et toujours actif sur le site côtier. “Nous n’avons jamais essayé de débaucher Challenge, explique ce dernier. Les seuls contacts que nous avons eus avec eux étaient pour une question de diversion de leurs vols vers Ostende car la piste de l’aéroport de Liège était couverte de neige”.
Ostende pour remplacer Liège ?
Ceci dit, l’aéroport ostendais ne cache pas ses ambitions en matière de fret. “Oui, nous sommes un aéroport ouvert 24h sur 24, comme Liège, et nous construisons de nouveaux hangars pour nos activités cargo, développe Marcel Buelens. Mais nous n’avons aucune intention d’aller piquer des compagnies aériennes à d’autres aéroports belges. Notre but est plutôt d’aller les chercher à Amsterdam ou Paris. Ce qui se passe à Liège est malheureux et le gouvernement wallon aurait mieux fait d’écouter le management de l’aéroport avant d’avancer son plan”. Du côté d’Ostende, on reste dans le politiquement correct en “souhaitant le développement de la Wallonie, tout comme celui de la Flandre, en matière aéroportuaire”.
Pour l’heure, les discussions ont surtout lieu entre Willy Borsus (MR) et la ministre de l’Environnement, Céline Tellier (Écolo). D’un côté, il y a donc Willy le pragmatique qui répète qu’il ne faut pas “tuer l’outil”. Un outil pour lequel la Wallonie a investi depuis de nombreuses années. Parions que s’il devait péricliter suite à un ralentissement de l’activité à long terme – ce qui reste à démontrer -, l’opinion publique considérera qu’une fois de plus, la Wallonie a jeté l’argent par les fenêtres.
De l’autre côté, il y a une ministre écolo qui tient surtout à assurer aux riverains de l’aéroport, une vie quotidienne qui ne soit pas pourrie par des décollages et des atterrissages en croissance. Et qui, propose une autre vision pour la politique aéroportuaire en Wallonie, en phase avec ce que défend son parti. Avec en toile de fond un accord de gouvernement et une volonté affichée depuis 2019 de mettre en place de réelles politiques de limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Un dossier pourri depuis le début
En gros, c’est un dossier pourri depuis le début. Il oppose deux visions qui sont tout à fait défendables pour des raisons qui s’opposent et qui sont donc difficilement conciliables. Notons enfin que le PS est resté plutôt discret sur le dossier. Mais qui est sur la même longueur d’onde que le MR, tout en cherchant à ménager Écolo. Le ministre-Président wallon Elio Di Rupo (PS) tente, nous dit-on, de trouver un compromis qui respecterait les différents acteurs.