Taxer le transport aérien et les super-riches : deux pistes pour s’attaquer à l’injustice climatique
Une taxe sur les très hauts patrimoines ne toucherait que 0,001 % de la population, souligne le Climate inequality report.
Publié le 31-01-2023 à 06h54 - Mis à jour le 31-01-2023 à 06h55
:focal(2995x1857:3005x1847)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/DQJSRSUIL5HVTD6ORJENTG6CTU.jpg)
Le Climate inequality report a mis en exergue les besoins financiers colossaux liés au réchauffement climatique. Trois types de débouchés existent pour le financement climatique : la lutte contre le réchauffement ; l’adaptation à ses conséquences ; et la compensation financière des dégâts provoqués.
Les montants en jeu donnent le tournis. Au total, selon le rapport, les besoins mondiaux de financement climatique s’élèveront à 6300 milliards de dollars, rien que pour l’année 2030. Or le financement climatique mondial ne s’est élevé qu’à 850 milliards de dollars en 2021. Pour être clair, le financement actuel n’atteint que 13 % du montant requis en 2030.
Les pays en développement encore plus mal lotis
Au niveau des pays en développement, l’écart entre le financement et les besoins est encore plus important. En 2020, les pays riches ont mobilisé 83 milliards de dollars en faveur des pays en développement. Or il faudrait mobiliser 1800 milliards de dollars supplémentaires pour couvrir les besoins des pays en développement en 2030. Pour résumer, l’argent versé aux pays pauvres en 2020 ne couvre que 4 % de leurs besoins de l’année 2030.
Le rapport liste quelques pistes pour combler ce déficit de financement. Il y a, notamment, l’instauration d’une taxe sur le transport aérien et maritime. Les auteurs rappellent que l’objectif premier de ce type de taxe est de lever des fonds. Il ne s’agit donc pas de modifier les comportements. Le rapport note qu’un projet de taxe aérienne élaboré par l’Onu pourrait générer entre 132 et 392 milliards de dollars par an.
En outre, les auteurs évoquent la mise en place d’une taxe sur les super-riches ou super-patrimoines, qui sont de très gros émetteurs de carbone. Deux versions sont évoquées.
La version la plus “light” ne concernerait que les 0,001 % les plus riches. Il s’agirait de taxer le patrimoine au taux de 1,5 %, à partir d’une fortune nette de 100 millions de dollars. À partir d’1 milliard jusqu’à 10 milliards, le taux serait de 2 %. Il passerait ensuite à 2,5 % pour un patrimoine compris entre 10 et 100 milliards de dollars. Le patrimoine dépassant 100 milliards, quant à lui, serait taxé à 3 %.
Pour les auteurs, ce régime de taxation ne limiterait pas le phénomène d’accroissement des richesses parmi les super-patrimoines. Selon eux, à ce niveau de fortune, la croissance nette du patrimoine est comprise entre 7 et 9 % par an. Une taxe de 3 % permettrait donc au patrimoine de continuer à croître. Ce régime “light” permettrait de récolter 295 milliards de dollars par an.
La version plus stricte consisterait à taxer le patrimoine à partir d’une valeur nette de 5 millions de dollars (au lieu de 100 millions de dollars). On toucherait donc 0,1 % de la population, au lieu de 0,001 %. Sans surprise, le montant récolté augmenterait drastiquement : 1100 milliards de dollars par an, au lieu de 295 milliards.
En combinant la taxe sur le patrimoine (1100 milliards) et sur le transport aérien (132 à 392 milliards de dollars), on ne serait donc plus loin des besoins de financement des pays en développement (1800 milliards, en 2030).
Encore faut-il verser l’argent
Mais les auteurs redoutent que l’argent supplémentaire récolté par les pays riches ne soit pas versé aux pays pauvres. Le rapport rappelle que les États-Unis ont adopté une nouvelle taxe sur les grandes entreprises pour financer leurs nouvelles politiques climatiques. Or il n’a pas été question d’utiliser cet argent pour aider les pays en développement.
Enfin, le rapport met le doigt sur les effets négatifs du système fiscal international pour les pays en développement. Les auteurs rappellent que les multinationales occidentales paient très peu d’impôts sur leurs bénéfices réalisés dans les pays en développement. En effet, les multinationales ont recours aux mêmes techniques de transfert des bénéfices qu’elles utilisent dans les pays riches. Sauf que les pays pauvres sont proportionnellement plus dépendants que les pays riches de l’imposition des bénéfices des entreprises.
Dans bon nombre de cas, les transferts de bénéfices des multinationales dont sont victimes les pays pauvres sont supérieurs à l’aide versée par les pays riches. “Les bénéfices qui quittent les pays africains vers le reste du monde représentent en moyenne trois fois le montant de l’aide internationale qui leur a été accordée entre 1970 et 2012, explique le rapport. Et la situation ne semble pas avoir changé de manière significative depuis lors”.