"Vaste blague" ou "pragmatisme" ? La délicate position belge sur la prolongation de certaines centrales nucléaires
La crise énergétique, amplifiée par la guerre en Ukraine, force le gouvernement à réévaluer sa position en matière nucléaire. Au bonheur de certains, qui en profitent pour tacler le Fédéral. Mais d’autres appellent au pragmatisme.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/7df913ef-fb76-4fac-b638-75a3157520e3.png)
Publié le 03-02-2023 à 17h42 - Mis à jour le 03-02-2023 à 20h21
:focal(251x175.5:261x165.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LIQSPXBG7ZBEBJ5IVQTD7NKJUQ.jpg)
La note d’Elia qui a fuité sur la sécurité d’approvisionnement en énergie a le mérite de remuer. Pour rappel, le gestionnaire du réseau a indiqué au gouvernement qu’il pourrait y avoir des risques lors des pics de consommations lors des hivers 2025-2026 et 2026-2027. Il pourrait manquer entre 900 MW et 1,2 GW de production électrique. Néanmoins, l’analyse complète d’Elia devrait atterrir en mars entre les mains du Fédéral.
De quoi prouver que le prolongement des réacteurs nucléaires les plus anciens, dont Tihange 1, Doel 1 et Doel 2, serait nécessaire ? En tout cas, l’idée est sur la table du gouvernement.
”Les discussions sont toujours en cours”, nous dit-on prudemment du côté du cabinet de la ministre de l’Énergie, Tinne Van Der Straeten (Groen).
”On ne rentre pas dans ce débat”, avance pour sa part Jean Fassiaux, porte-parole d’Elia. “Le gouvernement nous a demandé d’actualiser une étude que l’on fait tous les deux ans. On a transmis nos résultats. Désormais, il faut trouver des solutions et anticiper une éventuelle crise”, avance-t-il, détaillant les différentes pistes de modulations de consommation des combustibles nucléaires et autres. “La balle est dans le camp du politique”, glisse-t-il.
”C’est une vaste blague”
Marie Christine Marghem (MR), ex-ministre de l’Énergie, a sauté sur l’occasion pour pointer Elia du doigt.
”L’entreprise, de la sorte, se dédouane et laisse la responsabilité au gouvernement. Mais les deux ont une coresponsabilité. Elia, sur base d’hypothèses gonflées, a dit par le passé qu’il n’y avait pas de risque, et désormais elle change d’avis. Ils se sont complètement plantés et se sont trop reposés sur le gaz. Alors qu’on savait déjà que l’interconnexion, c’était une vaste blague”, lance la libérale. “L’économie de combustibles pour les centrales et autres, comme suggéré, c’est aussi une vaste blague”, renchérit-elle.
”Le problème, c’est la double casquette d’Elia, qui est gestionnaire du réseau et doit garantir son bon fonctionnement, et qui est aussi une société en situation de monopole, cotée en Bourse, et qui veut plaire à ses actionnaires”, lâche-t-elle. “Avec la guerre en Ukraine, on ne sait pas trop comment les choses vont évoluer, et ils s’en lavent les mains, alors qu’ils sont juge et partie dans la politique énergétique. C’est dingue qu’ils aient affirmé que tout allait bien se passer et que désormais, ça ne va plus”, termine-t-elle.
Volonté de pragmatisme
Du côté de l’entourage de la ministre de l’Énergie, on ne veut pas perdre de temps sur “les petites phrases”, nous dit-on. Le cabinet affirme quant à lui vouloir rester “pragmatique dans la situation”. Si la logique a évolué, ce serait donc principalement à cause de l’invasion russe en Ukraine et les différents embargos. Les prix du gaz ayant fortement augmenté, la logique a changé. Un rapport intermédiaire de décembre 2022 l’avait visiblement déjà mentionné.
Les soucis que le parc nucléaire français a connus pousseraient également le Fédéral à revoir sa copie quant à la prolongation du nucléaire. Quoi qu’il en soit, les discussions entre membres du gouvernement sont en cours et il reste à voir comment amener Engie autour de la table, alors que l’entreprise avait déjà signalé ne pas pouvoir prolonger les plus anciennes centrales du territoire, alors que Tihange 2 vient d’être mise à l’arrêt.
”Tihange 2, c’est ce qui a permis d’éviter la catastrophe cet hiver. Et l’hiver n’est pas fini”, alerte encore Marie Christine Marghem, qui insiste depuis des années pour le maintien d’une production nucléaire en Belgique et dénonce le revirement de position de la ministre et des écologistes en général.
”Il n’y a pas de risques de black-out. Mais on veut éviter une situation critique comme a connu la France, où la Première ministre Elisabeth Borne sortait en doudoune pour ses interviews à la télévision car il y a eu une peur d’avoir des problèmes d’approvisionnement. La question ici est d’anticiper, rien de plus, et potentiellement limiter la demande lors des pics de consommation. Car si la guerre persiste, on pourrait se trouver dans cette situation”, nous dit-on dans l’entourage de la ministre.