"De la discrimination": la restriction du tarif social décidée par la Vivaldi ne fait pas l'unanimité
Le gouvernement s’est mis d’accord sur la réforme de la fiscalité sur le gaz et l’électricité.
Publié le 06-02-2023 à 19h36 - Mis à jour le 07-02-2023 à 12h11
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La Vivaldi a pris une série de décisions importantes, ce lundi, dans le domaine énergétique.
La première concerne la fiscalité sur le gaz et sur l’électricité. Pour aider les ménages à faire face à la crise énergétique, la Vivaldi avait abaissé la TVA à 6 % sur l’électricité, puis sur le gaz. Cette mesure, annoncée d’emblée comme temporaire, devait en principe prendre fin le 31 mars prochain.
À la demande du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), la TVA à 6 % a été pérennisée par la Vivaldi. Le problème est que cette mesure coûte cher au budget de l’État. La Vivaldi a donc décidé de compenser partiellement la baisse de la TVA par une hausse des accises. Le cabinet Van Peteghem a cependant promis aux consommateurs que le gain lié à la baisse de la TVA serait plus important que la perte liée à la hausse des accises.
Par ailleurs, pour inciter les ménages à consommer moins, les accises seront plus basses sur un forfait de consommation de base. Ce forfait de base sera de 3 000 kWh pour l’électricité (contre une consommation moyenne de 3 500 kWh), et de 12 000 kWh pour le gaz (contre une consommation moyenne de 17 000 kWh). En revanche, les accises seront plus élevées sur la consommation qui dépasse ce forfait de base. Précisons que la Vivaldi n’a pas tenu compte de la taille des ménages. Ainsi, une famille de cinq personnes aura le même forfait de base qu’un isolé.
Stabilité des taxes
L’avantage des accises, par rapport à la TVA, est qu’elles restent stables si les prix augmentent. Ainsi, les accises ne rapporteront pas davantage au budget de l’État en cas de prix élevés du gaz et de l’électricité. Le système prévoit aussi d’abaisser les accises quand les prix de l’énergie sont élevés. Il s’agit d’amortir le choc de la hausse des prix pour le consommateur.
Par ailleurs, la Vivaldi veut freiner l’usage du gaz pour favoriser la transition énergétique. Ainsi, un mécanisme spécifique sera mis en place pour taxer davantage le gaz en cas de forte baisse des prix. “Si les prix du gaz devaient tomber à un niveau de prix très bas, les accises sur la consommation supplémentaire augmenteraient”, précise le cabinet Van Peteghem. En revanche, la fiscalité sur l’électricité ne sera pas augmentée si les prix devaient chuter. C’est assez logique si on veut favoriser les investissements dans les voitures électriques et les pompes à chaleur, qui consomment de l’électricité.
Après les hurlements, l’accord
Les socialistes, les écologistes et les libéraux ont donc finalement validé la proposition du ministre des Finances. Cet accord contraste avec la levée de boucliers qu’avait suscitée Vincent Van Peteghem lorsqu’il avait présenté son projet devant la presse, le 25 janvier. “C’était surtout la date d’entrée en vigueur du 1er avril qui nous avait fait tiquer, confie une source libérale. Nous ne voulions pas augmenter les accises alors que les factures des ménages n’ont pas encore bénéficié de l’accalmie sur les marchés de gros. Finalement, nous avons eu la garantie qu’on pourrait revenir en arrière si les prix de l’énergie devaient repartir à la hausse. En plus, les fournisseurs se sont engagés à diminuer les factures d’acomptes, pour tenir compte de la baisse des prix.”
Le cabinet de la ministre de l’Énergie, Tinne Van der Straeten (Groen), insiste également sur le fait qu’on pourrait renoncer à la réforme si les prix de l’énergie remontaient trop fort d’ici la date de son lancement, prévue le 1er avril. Le seuil de prix au-delà duquel la réforme des accises serait abandonnée a été fixé à 100 euros par MWh pour le gaz, et à 250 euros par MWh pour l’électricité. Ce lundi, on était à 57 euros par MWh pour le gaz (sur le TTF), et à 152 euros par MWh pour l’électricité (sur l’Endex). Il y a donc encore de la marge avant de revenir en arrière.
Moins de bénéficiaires du tarif social
Par ailleurs, l’accès au tarif social avait été élargi au cours de la crise du coronavirus. Cet élargissement avait plusieurs fois été prolongé depuis lors sous la pression de la crise énergétique. Ce lundi, le gouvernement a décidé de revenir progressivement au tarif social tel qu’il existait avant 2021. Les personnes ayant bénéficié de cet élargissement ne bénéficieront plus que de 75 % de l’avantage du tarif social au deuxième trimestre 2023, puis de 25 % au troisième trimestre. Avant une extinction complète au quatrième trimestre.
Avant l’élargissement de l’accès au tarif social, celui-ci était réservé à certains statuts : invalides, pensionnés, handicapés, chômeurs, indépendants en droit passerelle, familles monoparentales. Puis, depuis 2021, on a décidé de ne tenir compte que des revenus. Le “kern” a donc décidé de revenir en arrière. Il faudra désormais avoir le bon statut ET ne pas dépasser le plafond de revenus pour avoir accès au tarif social.
Cette situation est vivement dénoncée par Philippe Defeyt, économiste et président de l’institut pour un développement durable (IDD). “Deux personnes avec les mêmes revenus seront traitées différemment, déclare-t-il. C’est de la discrimination, c’est un scandale”.
Le cabinet Van der Straeten répond que la Vivaldi s’est engagée à réformer l’accès au tarif social. Le non-accès de certaines personnes pourrait donc être temporaire. L’idée avancée par certains est d’avoir un tarif social plus progressif. Néanmoins, il faudra dégager de nouveaux moyens en cas de réforme structurelle de l’accès au tarif social. Du moins si on veut permettre à certains ménages de bénéficier à nouveau du tarif social.
Par ailleurs, la baisse de la TVA à 6 % ne devrait finalement rien coûter au budget. La hausse des accises sur l’énergie et la fin de l’élargissement du tarif social vont rapporter de l’argent à l’État. Le tarif social élargi devrait aussi moins coûter au premier trimestre 2023, en raison de la baisse des prix du gaz et de l’électricité. En outre, la baisse des accises sur le diesel devrait finalement coûter moins cher que prévu à l’État.
Enfin, il reste quelques questions techniques à régler. La réforme des accises concerne les particuliers, pas les entreprises. Mais il faudra trouver une solution pour éviter que les indépendants qui ont un seul compteur ne soient touchés.