"Laisser des acteurs privés s’enrichir comme jamais au détriment de la population risque de créer des dégâts dans les urnes"
Pour Arnaud Zacharie (CNCD), qui s’appuie sur les avis des organisations “réputées conservatrices” du FMI, de l’Agence internationale de l’énergie, de l’OCDE et de la Commission européenne, la taxation des surprofits est indispensable.
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Publié le 08-02-2023 à 19h01 - Mis à jour le 08-02-2023 à 19h24
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Alors que les compagnies pétrolières publient des résultats annuels inédits et reverseront pour certaines des dividendes dopés (comme TotalEnergies l'a annoncé ce mercredi), la question de la taxation des surprofits se pose à nouveau. Selon Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre National de Coopération au Développement (CNCD), si le monde politique ne se réagit pas, la population risque de se polariser. Entretien.
Les profits des groupes pétroliers sont-ils trop élevés ?
Les profits sont astronomiques. Mais le problème de fond, c’est qu’on est en face d’une exigence de transition énergétique et que ça se joue dans les prochaines années. On ne peut pas accepter que des acteurs privés tirent de tels profits grâce à un effet d’aubaine alors que leurs coûts de production n’augmentent pas et que les ménages, les classes moyennes, n’arrivent pas à payer leurs factures d’énergie.
Il faudrait taxer ces surprofits ?
L’agence internationale de l’énergie, le FMI et la Commission européenne le proposent depuis des mois, de taxer les surprofits. Mais les entreprises utilisent déjà ce cash pour verser des dividendes ou racheter leurs propres actions. C’est la loi du marché, elles font ce qu’elles veulent de leur cash, mais c’est paradoxal par rapport aux objectifs climatiques, qui sont d’intérêt général. Là, ces profits incitent à exploiter les énergies fossiles. Et c’est le business as usual, qui nous mènera dans le mur.
Certains pétroliers disent que ces profits permettent de réinvestir dans le renouvelable…
C’est de l’hypocrisie, les chiffres le prouvent. Les investissements dans les énergies renouvelables restent marginaux alors que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dit elle-même qu’il faut arrêter d’investir dans le fossile. On n’écoute pas les recommandations des institutions, qui convergent toutes. À un moment, le pouvoir politique doit réagir et prendre en compte l’intérêt général. Il faut sortir des slogans marketing et du “green washing”.
Certains disent également que si on réduit les investissements pétroliers, cela va pousser les prix à la hausse, faute d’offre suffisante.
C’est fallacieux. Les prix ont été stratosphériques, personne ne l’aurait imaginé, et là ils redescendent. Mais ces discours sont avancés pour se défendre et pour éviter de réduire notre consommation d’énergie fossile…
Que peut-on faire d’un point de vue fiscal ?
Taxer à 25 % les surprofits, comme cela a déjà été fait au Royaume-Uni. C’est simple à mettre en œuvre, il faut juste définir le seuil de ce que sont les superprofits.
Est-ce inconcevable de passer par des incitants à l’investissement dans le renouvelable ?
Il faut des règles du jeu claires et arrêter de gérer à la petite semaine. Il faut un cap et que tous les acteurs soient au courant du cadre. On va continuer à avoir des fluctuations de prix, avec des périodes avec des surprofits et d’autres sans. Il faut donc une taxation.
Et pendant ce temps, les dividendes augmentent…
Il faut prendre la mesure de l’impact démocratique de ce type d’injustice. On ne peut pas laisser des acteurs privés s’enrichir comme jamais au détriment de la population, alors qu’une part importante a des difficultés à payer ses factures. Cela risque de créer de gros dégâts dans les urnes aux prochaines élections. Des études ont été faites qui montrent que ces injustices flagrantes ont un effet sur les décisions démocratiques. Il faut que les gouvernements reprennent la main. J’ai rarement vu un tel consensus au sein des institutions, pourtant plutôt jugées conservatrices, comme le FMI, la Commission européenne, l’OCDE ou l’AIE. Elles défendent toutes le même point de vue depuis un an : à situation exceptionnelle, il faut des mesures exceptionnelles. Et il faut se préparer à ce que ces situations se répètent. Il faut donc agir de manière structurelle.