Pourquoi il sera très compliqué de prolonger nos trois vieux réacteurs nucléaires
La non-conformité de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 avec les dernières normes de sûreté nucléaire est le plus gros obstacle à leur prolongation.
Publié le 08-02-2023 à 06h41 - Mis à jour le 08-02-2023 à 06h45
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La semaine passée, le dossier nucléaire a une énième fois rebondi. En effet, la Vivaldi a officiellement demandé à Electrabel de préparer un dossier en vue d’une mini-prolongation de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. Le but de cette demande de dernière minute est d’éviter un risque de pénurie d’électricité lors de l’hiver 2025-2026, voire 2026-2027.
Pour rappel, un "trou" de 900 à 1 200 MW avait déjà été identifié par Elia, le gestionnaire du réseau haute tension, pour l’hiver 2025-2026. Notons que ce manque prend en compte le fait que de nouvelles capacités seront trouvées dans le cadre d’une prochaine enchère du mécanisme de rémunération de la capacité (CRM). Celle-ci devrait concerner des technologies rapides à mettre en œuvre, comme la gestion de la demande ou des batteries. Selon nos informations, Elia est confiant quant au fait de trouver 1 300 MW lors de cette enchère du CRM. Mais, si ce n’était pas le cas, le "trou" serait plutôt de 2 200 à 2 500 MW (au lieu de 900 à 1 200 MW), soit un peu plus de deux gros réacteurs nucléaires.
Mini-prolongation très compliquée
Tant Electrabel que l’Agence fédérale de contrôle nucléaire (AFCN) ont refusé de se prononcer sur la possibilité de procéder, ou non, à cette mini-prolongation de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. Contactée, l’AFCN répond qu’elle prendra position lorsqu’elle aura reçu une demande officielle d’Electrabel.
Mais, selon notre analyse, les règles actuelles de sûreté nucléaire ne permettent pas de procéder à cette mini-prolongation. En effet, il ne suffirait pas de modifier la loi de 2003 sur la sortie du nucléaire pour permettre à Doel 1, Doel 2 et Tihange 1 de produire au-delà de leur cinquantième anniversaire, qui sera fêté en 2025. En effet, le plus gros obstacle à cette mini-prolongation reste les règles de sûreté nucléaire. Ces règles prévoient qu’un réacteur nucléaire doit respecter, à chaque anniversaire décennal, les dernières normes de sûreté. Or de nouvelles normes européennes de sûreté ont été transposées dans le droit belge en 2020 par le gouvernement Wilmès. Des normes que ne respectent pas entièrement les trois réacteurs susmentionnés.
Le mardi 31 janvier, le patron de la centrale de Tihange nous avait donné une interview à l’occasion de la mise à l’arrêt définitive du réacteur Tihange 2, après quarante années de service. Si ce n’était pas l’actualité du jour, nous avions demandé à Antoine Assice ce qu’il pensait de l’idée du gouvernement de moduler la production de certains réacteurs, afin de leur permettre de continuer à produire quelques mois de plus. Lors de cette interview, le patron de Tihange avait très clairement exclu cette possibilité. “Une centrale nucléaire est faite pour fonctionner en baseload, toute l’année, pas pour être arrêtée et relancée en cas de besoin et en dehors de tout cadre de sûreté”, avait-il expliqué.
Le patron de la centrale de Tihange avait également précisé que les règles de sûreté nucléaire ne permettaient pas à Tihange 1 de fonctionner au-delà de son cinquantième anniversaire. “Dans le cadre juridique et réglementaire actuel, cela n’est pas possible”, nous avait répondu Antoine Assice.
Cette réponse de patron de Tihange avait donc été donnée avant que la Vivaldi n’officialise sa demande de mini-prolongation de Doel 1, Doel 2 et Tihange 1, vendredi dernier. Depuis lors, l’exploitant nucléaire ne fait aucun commentaire.
Faire sauter l’arrêté?
La Vivaldi osera-t-elle supprimer cet arrêté royal sur la sécurité nucléaire qui rend impossible une mini-prolongation. Ou bien l’AFCN pourrait-elle préconiser de s’en écarter durant quelques mois pour passer le cap d’hivers plus compliqués ? Réponse dans quelques semaines….