Alexia Bertrand : "Le problème de l’État belge, ce ne sont pas les recettes, ce sont les dépenses"
La secrétaire d’État au Budget Alexia Bertrand prévient : il n’y a pas de marges. Malgré les bonnes nouvelles budgétaires du moment. “C’est rassurant mais à plus long terme, ça l’est moins.”
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Publié le 17-03-2023 à 18h48 - Mis à jour le 18-03-2023 à 07h15
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Toute sourire, forcément. Le timing de la rencontre avec la secrétaire d’État au Budget ne pouvait mieux tomber. À quelques heures du lancement du conclave budgétaire, le rapport du Comité de monitoring affiche une amélioration du budget 2023 de 5 ou 6 milliards, selon les interprétations. “C’est six milliards d’euros, dit-elle sans ambages, car on fait moins attention maintenant au solde structurel, davantage à l’évolution des dépenses primaires.” Six milliards tombés du ciel, c’est une aubaine, à l’heure d’entamer les débats budgétaires, donc. Le visage d’Alexia Bertrand s’ouvre un peu plus encore… “Cette bonne nouvelle permet de rassurer les gens à court terme, de montrer que le budget est sous contrôle et que les mesures prises par le gouvernement sont bonnes. Cela dit, l’amélioration par rapport au budget initial de 6 milliards ne doit pas nous faire oublier qu’on reste avec un déficit de 27 milliards d’euros (4,8 % du PIB). Le contrôle budgétaire doit donc rester très strict. Il n’y a pas de marges pour de nouvelles dépenses”. Pourtant, en coulisses, on entend des demandes des partis de la majorité avec des dépenses nouvelles, lui dit-on. Cette fois, le visage de la secrétaire d’État se crispe un peu….
Nouvelles dépenses… à compenser
”Il y en aura oui, parce que des mesures ont été récemment prises qui n’ont pas encore été budgétées. Comme en matière de politique d’accueil. Quelque 738 millions d’euros sont prévus pour Fedasil, parce que le gouvernement a prévu de créer de nouvelles places. Il y a des demandes supplémentaires pour 190 millions dont 115 pour l’accueil, et 76 millions dus à des effets de volume, l’indexation, etc.”. Cela dit, et ce sera un mantra pour la secrétaire d’État, dès qu’on parle dépense, elle rétorque “compensation”. Avec un éclat dans le regard qui traduit l’intransigeance… “Une mesure d’économie qui pourrait être prise concerne le revenu d’intégration sociale (RIS). Actuellement, les 4 premiers mois, une subvention de 135 % du RIS est versée aux CPAS pour le traitement de dossiers des réfugiés ukrainiens, de 125 % ensuite. On en reviendrait à une version plus classique de l’aide, en revenant à une subvention de 100 %”, explique Alexia Bertrand.
Le problème des pensions
Un autre volet important du rapport du comité de monitoring, c’est le déficit public. Il sera de 41 milliards d’euros en 2028. La dette publique, en 5 ans, va progresser de 105 à 118 % du PIB. “À plus long terme, tout le monde tire la sonnette d’alarme. Les agences de notation, la Commission européenne, le FMI, le Bureau du Plan et la Banque nationale. Il n’y a qu’une seule solution, c’est de réduire les dépenses. Elles dérapent dans la sécurité sociale, notamment en raison du vieillissement de la population. En 2015, le coût des pensions, un des principaux postes, était de 42,1 milliards. En 2027, il sera de 67,5 milliards d’euros. Cela veut donc dire 35 milliards de plus en 12 ans. C’est énorme”, estime-t-elle.
“Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas en réduisant encore les dépenses primaires qu’on va s’en sortir, mais uniquement en menant des réformes structurelles sur le marché du travail, en matière de fiscalité et sur les pensions. On doit créer un État résilient”, dit-elle. On lui fait remarquer que ce sont précisément les réformes sur lesquelles la Vivaldi a le plus de mal à s’accorder. Sans cesse débattues jamais réellement abouties. “Il le faudra. J’y crois, notamment en matière de pension”, dit la sociétaire de l’Open VLD. On la pousse un peu sur les pensions, elle qui manifestement ne veut pas trop sortir de son rôle. “Actuellement, la ministre des Pensions Karine Lalieux (PS) a déposé une note qui représente un allègement budgétaire de 0,3 % du PIB. La Commission européenne, en 2019, avait plutôt en tête un objectif de 1,2 % du PIB. La proposition de Karine Lalieux ne suffira donc pas. Mais le PS a compris que pour obtenir les fonds de la relance européenne, il faudrait faire plus”.
Relever le nombre de jours de travail effectif
À plusieurs reprises, la secrétaire d’État fait le lien entre la réforme des pensions et la soutenabilité des finances publiques à long terme, entre le travail et les pensions. On tentera ainsi de savoir comment concrètement y arriver. Sans trop de succès. “La clé, c’est le nombre d’années de carrières effectives. Le problème n’est pas dans les périodes assimilées. On peut comprendre qu’il y a des accidents, des périodes de la vie, où il est impossible de travailler. Mais on ne peut pas accepter, comme c’est le cas encore aujourd’hui, de se retrouver 30 ans au chômage et de pouvoir avoir accès à une pension équivalente à celle de quelqu’un qui a travaillé toute sa vie”. Alexia Bertrand n’ira pas plus loin. Prudente. Tout comme elle l’est sur l’accompagnement des fins de carrière, et d’éventuelles sanctions pour les entreprises qui ne joueraient pas le jeu. “Je ne crois pas en un tel système. Par contre, quand je vois la nécessité de main-d’œuvre aujourd’hui, je pense qu’à un moment, les entreprises n’auront pas d’autres choix que de garder toutes les forces de travail, garder plus longtemps les travailleurs âgés qui ont engrangé de l’expertise. Et il y a certainement des choses à faire pour les accompagner”. Elle ne sera pas plus diserte, disant ici aussi ne pas vouloir se prononcer à la place de son collègue Pierre-Yves Dermagne (PS), ministre du Travail.
“Mais je suis demandeuse d’avoir de nouvelles mesures pour le marché du travail. Chaque personne remise à l’emploi rapporte environ 28 000 euros aux caisses de l’État. Si on part de l’hypothèse de 500 000 personnes à remettre au travail, cela fait 14 milliards d’euros pour les caisses de l’État”, explique-t-elle. Et de conclure en taclant le PS : “Je ne peux pas imaginer qu’un parti qui clame la solidarité ne pense pas aux générations futures. Et j’ai du mal à croire que si vous vous dites proeuropéens, comme les socialistes le sont, vous ne preniez pas au sérieux ce que dit la Commission européenne en matière budgétaire. Le problème de l’État belge, ce ne sont pas les recettes, ce sont les dépenses. On a 53,7 % de dépenses publiques par rapport au PIB. C’est un problème. Il va falloir diminuer le train de dépenses de l’État, et cela, ce sont les pensions”.