”Le taux d’emploi de 80 % à portée de main” : le ministre de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne s’attire les foudres de l’opposition et du MR
En se félicitant ce dimanche que le taux d’emploi avait grimpé “à un niveau inédit sur le marché du travail” de 72,3 %, le ministre de l’Économie s’est attiré quelques commentaires acerbes de la N-VA et du MR.
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Publié le 19-03-2023 à 12h32 - Mis à jour le 19-03-2023 à 21h43
”Il est absurde que Pierre-Yves Dermagne se félicite des nouveaux chiffres du taux d’emploi. L’écart avec la moyenne de l’Union européenne s’est en effet creusé depuis le début de la législature sous la Vivaldi. Le ministre pourrait-il citer une mesure qu’il a prise et qui a sérieusement contribué à l’amélioration de la situation ?”, s’exclamait Stijn Baert, professeur d’économie de l’UGent sur Twitter ce dimanche. Ce ne fut pas la seule “réplique” à l’annonce par le ministre socialiste de l’Economie ce dimanche que le taux d’emploi avait grimpé “à un niveau inédit sur le marché du travail” de 72,3 % et surtout que le taux d’emploi de 80 % en 2030 – l’objectif de la Vivaldi – “était à portée de main”, Pierre-Yves Dermagne s’est attiré quelques commentaires acerbes de la N-VA et du MR.
Taux de 74,6 % en 2030 selon le Bureau du Plan
Les tensions sur le marché du travail et la démographie (les départs à la retraite se multiplient) expliquent en grande partie l’amélioration du taux d’activité. Pour le ministre de l’Economie, “le paquet de réformes 2022 […] vise à permettre aux travailleurs de mieux concilier leur travail et leur vie privée. Pour la première fois, les mesures de flexibilité proposées s’adaptent aux besoins et demandes du travailleur et non uniquement aux exigences de l’employeur.”
L’une des principales critiques adressées au ministre ce dimanche concerne les projections économiques du Bureau fédéral du Plan. D’ici à 2030, à politique inchangée, le taux d’emploi s’inscrirait à 74,6 % selon l’institution. C’est loin de l’ambition d’un taux de 80%. Un constat du reste corroboré par le rapport du Comité de monitoring publié la semaine dernière. Après une année exceptionnelle en 2022 (100 000 emplois créés), “à moyen terme l'emploi se normalisera avec une augmentation stable de 30 000 à 40 000 emplois par an. Le taux d’emploi a connu une hausse notable entre 2021 et 2022. De 2023 à 2028, le taux d’emploi devrait augmenter progressivement pour atteindre 74,4 %”, écrivent les experts du Comité de monitoring.
"C'est de l'autosatisfaction, une extrapolation sans base concrète. Ce que nous connaissons n'est rien d'autre que l'effet d'un rattrapage post-covid et un effet du vieillissement de la population qui réduit le nombre de chômeurs sans nous permettre de rejoindre la moyenne européenne. A nos yeux, il y a plutôt lieu de s'inquiéter. Nous avons conclu un 1er jobdeal avec ce gouvernement mais il n'est pas suffisant. Il nous faudra un jobdeal 2 qui soit une véritable réforme du marché de l'emploi qui remet des chômeurs au travail", a ainsi expliqué le Vice-Premier ministre David Clarinval (MR) à l'Agence Belga une heure avant une réunion du gouvernement consacrée à l'ajustement budgétaire. “Que le MR condamne sans détour les licenciements chez Delhaize qui au passage fait beaucoup de profits, avant de venir faire des leçons en matière d’emploi”, lâche une source socialiste.
Une autre critique adressée au ministre concerne l’écart grandissant entre la Belgique et le reste de l’Union européenne. De fait, selon Eurostat, l’écart de taux d’emploi des 20-64 ans est passé de 2,1 % (72,3 % en UE vs 70,2 % en Belgique) en 2020 à 2,8 % actuellement (74,9 vs 72,) à la fin du troisième trimestre 2022. La dernière critique adressée au ministre concerne la comparaison avec les pays voisins : aux Pays-Bas et en Allemagne, le taux d’emploi s’établit déjà plus de 80 %.
Taux d’emploi, une question de méthodologie
Face à ces critiques et au regard des projections des instances comme le Bureau du Plan et le Comité de monitoring, le cabinet du ministre Dermagne reste de marbre : “On tient évidemment compte des avis des instances. Cela étant, ce sont des estimations. Si on regarde les projections d’il y a 2 ou 3 ans, on peut voir que l’on a dépassé largement les prévisions de l’époque. Pour ce qui est de la comparaison avec les pays voisins, on ne peut pas comparer des pommes et des poires. L’Allemagne et les Pays-Bas ont un taux d’emploi très important en raison du nombre important de contrats à temps partiel avec parfois très peu d’heures”. Correct : la proportion de temps partiels est bien plus importante en Allemagne et aux Pays-Bas : elle est de 35 % environ, contre à peine 25 % en Belgique, et la tendance serait à la baisse, notamment en raison des mesures liées à la flexibilité grandissante du marché du travail (télétravail, par exemple) et de la crise, qui contraint un certain nombre de travailleurs à opter pour un temps plein, avait expliqué début mars Acerta, société spécialisée dans les RH. Or, le taux d’emploi, selon la méthodologie d’Eurostat (qui se base sur l’enquête des forces de travail) comptabilise comme “emploi” une personne qui déclare travailler, qu’elle soit à temps partiel ou à temps plein ne change quasi rien dans sa comptabilisation. “Si on compare le taux d’emploi exprimé en ETP, on voit qu’il est supérieur en Belgique. Cela signifie que l’on travaille proportionnellement plus en Belgique”, conclut le cabinet du ministre Dermagne.