Pourquoi le nucléaire français est-il devenu une source d'inquiétude pour la Belgique ?
La Belgique n’a jamais compté sur la France pour assurer sa sécurité d’approvisionnement après 2025. Néanmoins, en cas de problèmes en France, des répercussions sont possibles en Belgique.
Publié le 24-03-2023 à 07h59 - Mis à jour le 24-03-2023 à 09h14
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La semaine dernière, RTE, le gestionnaire du réseau électrique français, a publié son bilan de l’hiver 2022-2023, relatif à la sécurité d’approvisionnement en électricité de l’Hexagone.
Pour rappel, l’hiver dernier a été très tendu chez nos voisins. En effet, la France a été confrontée à de nombreuses indisponibilités au sein de son parc nucléaire. En outre, la sécheresse a fortement réduit sa production hydroélectrique. En dépit de tous ces problèmes, la France a évité les coupures forcées d’électricité, qui étaient pourtant redoutées avant le début de l’hiver.
Selon RTE, deux principaux facteurs ont permis à la France d’échapper à la pénurie d’électricité : des importations massives et une forte réduction de la consommation d’électricité. “Davantage que la météo, c’est bien la forte baisse de la consommation d’électricité française et les imports depuis les voisins européens qui ont permis d’éviter l’émission de signaux EcoWatt cet hiver”, a expliqué RTE. Sans la conjonction de ces deux éléments favorables, RTE aurait pu émettre jusqu’à 12 signaux EcoWatt rouges durant l’hiver. Lorsque ces signaux rouges sont émis, on n’est plus très loin de l’activation d’un plan de délestage, une coupure forcée de la consommation d’électricité afin d’éviter un black-out.
La Belgique au secours de la France
Selon RTE, les interconnexions entre la France et ses voisins ont fonctionné de manière “particulièrement fluide”. Traditionnellement grand exportateur d’électricité, notre voisin est donc devenu un importateur net d’électrons. Au plus fort de la crise, les importations françaises ont atteint 15 GW, l’équivalent de la production de quinze réacteurs nucléaires. À titre de comparaison, la pointe de la consommation française s’élève entre 70 et 80 GW en hiver. Et elle peut parfois atteindre 100 GW en cas de grand froid.
Grâce à sa production nucléaire, la Belgique a exporté massivement vers la France au cours de l’hiver dernier. Il s’agit d’un renversement complet de situation par rapport à l’année 2018, lorsque le parc nucléaire belge avait connu de nombreuses défaillances. Cette année-là, la France avait dû voler à notre secours.
Quid après la sortie du nucléaire ?
Mais comment les choses pourraient-elles évoluer avec la sortie du nucléaire en Belgique ? En effet, en cas de problèmes dans le parc nucléaire français, la Belgique risque de ne pas pouvoir aider son voisin. Pire, notre pays risque d’avoir des difficultés à importer si la France s’appuie massivement sur les importations pour assurer sa sécurité d’approvisionnement.
Elia, le gestionnaire du réseau électrique belge, est bien conscient de ce risque. C’est d’ailleurs la prise en compte d’un scénario dégradé, pour le parc nucléaire français, qui a amené Elia à identifier un manque de capacités en Belgique lors des hivers 2025-2026 et 2026-2027. À la demande de la Vivaldi, Elia tient désormais compte de l’indisponibilité non planifiée de quatre réacteurs en France, au lieu de deux.
Quid en cas de pénurie en France et en Belgique ?
Notons également que, contrairement à ce qu’on a parfois entendu, notamment dans la bouche du président du MR, la Belgique n’a jamais compté sur la France pour assurer sa sécurité d’approvisionnement. Dans sa version initiale, le plan de sortie du nucléaire prévoyait effectivement que la Belgique s’appuie sur des importations (1 935 MW) pour assurer sa sécurité d’approvisionnement. Mais celles-ci provenaient quasi-exclusivement du Royaume-Uni (871 MW), des Pays-Bas (599 MW) et de l’Allemagne (461 MW). L’apport de la France (4 MW) à notre sécurité d’approvisionnement n’était que marginal. Mais si la France a de gros problèmes, elle risque d’importer d’avantage, ce qui laisserait moins d’importations disponibles pour la Belgique.
Par ailleurs que pourrait-il se passer si, dans une situation tendue, il n’y avait pas assez d’électricité pour satisfaire à la fois la Belgique et la France ? La France va-t-elle tout prendre, ne laissant que des miettes à la Belgique ? “Non, tout n’ira pas vers la France, répond Jean Fassiaux, porte-parole d’Elia. Dans les situations de pénuries simultanées, notre ‘adequacy patch’ va partager les importations disponibles entre les pays, au prorata de leurs besoins”.
La question de la fiabilité du parc nucléaire français se pose à nouveau, à la suite à la découverte par EDF d’une importante fissure à la centrale nucléaire de Penly. Par la suite, d’autres fissures ont été découvertes, à Penly et Cattenom. Néanmoins, EDF a maintenu son objectif de production d’électricité d’origine nucléaire pour l’année 2023.