Adoption du texte sur la fin des voitures à moteur thermique : tout le monde est content? Oui et non
En échange de son approbation, Berlin a obtenu que la Commission européenne dépose une proposition pour autoriser les véhicules circulant aux carburants de synthèse.
Publié le 27-03-2023 à 16h48 - Mis à jour le 28-03-2023 à 16h36
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Sous la menace de bloquer l’adoption de la législation qui programme la fin de la vente de véhicules neufs à moteur thermique dès 2035, l’Allemagne a obtenu ce qu’elle voulait. L’Union européenne a cependant préservé l’essentiel : l’objectif initial – un parc automobile zéro émission de CO₂ – reste inchangé.
Sauf surprise, les ministres européens de l'Énergie approuveront ce mardi le texte auquel ils auraient déjà dû donner leur feu vert au début du mois de mars, avant le revirement allemand. En échange de son approbation, Berlin a obtenu de la Commission européenne l’engagement qu’elle ferait une proposition législative qui permettrait que soient encore vendus des véhicules à moteur thermique alimenté par des carburants de synthèse, ou e-carburants, même après 2035.
Mettant un terme à des semaines de blocage, une piste de solution a été tracée vendredi par la Commission et l’Allemagne, dans les heures qui ont suivi la fin du sommet réunissant les chefs d’État et de gouvernement de l’Union. Un tweet du vice-président de la Commission chargé du Pacte vert (ou Green deal), Frans Timmermans a annoncé samedi matin qu’un compromis avait été trouvé, sans davantage de précision.
Ce compromis a été soumis ce lundi aux ambassadeurs des Vingt-sept auprès de l’Union. La présidence suédoise du Conseil de l’Union a indiqué en début d’après-midi que l’accord (préalablement obtenu entre États membres, ainsi qu’entre le Conseil et le Parlement européen) sur les émissions de CO₂ des voitures et des véhicules sera soumis au vote des Vingt-sept ce mardi. Comprendre : que cette fois, les conditions sont réunies pour que le texte passe la rampe du Conseil.
Tout le monde est content ? Oui et non.
L’objectif initial est inchangé
L’accord permet de sauver une des propositions législatives les plus emblématiques du Green deal, la stratégie européenne de transition écologique, qui doit permettre à l’Union d’atteindre l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Une fois levée le menace de Berlin, la minorité de blocage que formait l’Allemagne avec des pays comme l’Italie, la Pologne et la République tchèque ne tient plus. “La loi européenne selon laquelle 100 % des voitures vendues après 2035 devront être zéro émissions sera votée inchangée y compris par l’Allemagne, mardi prochain”, se félicitait samedi sur Twitter l’eurodéputé macroniste français Pascal Canfin (Renew), président de la commission Environnement du Parlement européen.
Le Parlement avait déjà prévenu qu’il était hors de question de rouvrir le texte, qu’il avait déjà approuvé le 14 février dernier, sur base d’un préaccord conclu avec les États membres en octobre 2022. C’est ce préaccord qui avait été dénoncé par l’Allemagne, poussée dans le dos par l’Italie, hostile au “tout à l’électrique”. Cette fronde allemande était menée par le parti libéral FDP, dont est membre le ministre allemand des Transports Volker Wissing. En difficulté dans les sondages et défait lors de cinq élections régionales consécutives, le plus petit parti de la coalition fédérale allemande, a estimé qu’il lui serait profitable d’apparaître comme le premier défenseur de l’industrie automobile allemande. Les Verts n’ont pas apprécié la manœuvre de leur partenaire de coalition, mais le chancelier social-démocrate Olaf Scholz a laissé la bride sur le cou des libéraux.
Une technologie au développement et à l’avenir incertain
Dans le texte législatif original, on pouvait déjà lire que “la Commission présentera une proposition concernant l’immatriculation après 2035 des véhicules fonctionnant exclusivement avec des carburants neutres en CO₂”. Mais Berlin et Rome réclamaient une promesse plus ferme que l’exécutif européen agirait dans ce sens. Dont acte. L’exécutif européen déposera d’ici l’automne un texte relatif aux véhicules roulant aux carburants de synthèse, produits à partir de CO₂ issu des activités industrielles. L’Allemagne entend que cette législation soit adoptée à l’automne 2024. La technologie des e-carburants, sur laquelle misent les constructeurs haut de gamme allemands et italiens, est toujours en développement. “C’est une technologie émergente, pour ne pas dire de science-fiction”, glisse une source française. Il est par ailleurs très incertain que les e-fuels puissent répondre à l’objectif zéro émission.
La stratégie européenne de sortie des moteurs thermiques est-elle remise en cause pour autant ? Même s’ils font leur preuve, les carburants de synthèse “ne joueront pas de rôle important à moyen terme dans le segment des voitures particulières”, estime Markus Duesmann, patron d’Audi (groupe Volkswagen), cité par l’AFP. L’orientation claire prise par le secteur automobile est celle du développement rapide des véhicules électriques pour atteindre le seuil zéro émission. Plusieurs pays, comme la Belgique, la France, les Pays-Bas ou les pays nordiques ont insisté sur ce point, rappelant la nécessité de donner un message clair à l’industrie et aux investisseurs. “On ne peut pas avoir une politique du stop and go, parce que ça mène à ne pas effectuer de choix stratégique”, plaidait le Premier ministre belge Alexander De Croo, la semaine dernière.
Accord ou pas, la volte-face allemande laissera des traces, parce que Berlin a créé un dangereux précédent en exigeant, contre la règle non écrite, de renégocier un texte qui avait déjà fait l’objet d’un accord.