Eric Dor : “Peu importe sa solidité, si une grande partie des déposants retire son argent, la banque s’écroule”

Après une crise bancaire aux États-Unis et une contagion limitée mais réelle en Europe, une accalmie est constatée actuellement sur les marchés. Mais sera-t-elle durable ?

Aude van den Hove
Traders work on the floor of the New York Stock Exchange (NYSE) during morning trading on March 15, 2023 in New York City. - Wall Street stocks were back in selloff mode early Wednesday as banking shares faced a fresh hammering amid worries that more lenders could fail. Major indices were down about one percent or more, with US banks following their European counterparts lower as investors fixated on Credit Suisse. (Photo by TIMOTHY A. CLARY / AFP)
Le cas Credit Suisse est dû, selon l'économiste Eric Dor, à un mauvais concours de circonstances. ©AFP or licensors

Alors que le secteur bancaire était dans la tourmente depuis la chute de SVB aux États-Unis, l’accalmie qui est actuellement visible est tout à fait normale, estime l’économiste Eric Dor. Les craintes d’une nouvelle crise bancaire comme en 2008 étaient irrationnelles, alors que les banques sont justement plus solides qu’à l’époque, pense l’économiste.

La crainte de contagion à l’ensemble des banques et particulièrement aux banques de la zone euro n’était pas fondée sur des éléments objectifs”, commente-t-il. Les déboires de quelques banques américaines ont effectivement nourri la défiance. “SVB a rappelé que les banques sont fragiles”, estime Eric Dor, qui parle de “contagion émotionnelle”.

Il souligne surtout que la chute de SVB a été précipitée par une mauvaise gestion ainsi que par l’allègement des mesures de régulation pour les banques moyennes américaines mises en place par l’administration Trump. Ces banques ne sont plus soumises aux stress tests, ce qui aurait pourtant mis en lumière les problèmes, pense l’économiste.

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Le cas Credit Suisse est dû, selon Dor, à un mauvais concours de circonstances. La banque suisse, en pleine restructuration, a annoncé un nouveau mauvais contrôle des risques, et ce dans une ambiance de défiance généralisée. Ensuite, l’actionnaire principal a fait une erreur monumentale, indiquant qu’il ne mettrait plus la main au portefeuille. Les déposants ont pris peur et ont récupéré leur argent, causant la faillite de la banque Credit Suisse, qui a finalement dû être rachetée par UBS.

Sur le marché boursier, les actions d’autres banques, comme Deutsche Bank, ont, dans le sillage de la banque suisse, été malmenées la semaine dernière. Eric Dor parle toutefois de spéculation, avec des investisseurs pariaient, à travers des ventes à découvert, sur la baisse de ces actions.

Quoi qu’il arrive, la santé des groupes bancaires ne se détermine pas par la valeur de leur action en bourse, continue l’économiste, ajoutant toutefois que pour des personnes non initiées, cela peut créer des craintes.

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Peu importe sa solidité, si une grande partie des déposants retire son argent, la banque s’écroule. Les déposants finissent par créer ce qu’ils craignent”, ajoute l’économiste. “Imaginez que le consommateur craint une pénurie de biscotte, et se rue sur les biscottes… il crée la pénurie”, illustre Dor. C’est exactement ce qui s’est passé en 2020 avec le papier toilette et les pâtes lors des confinements provoqués par la pandémie de Covid-19.

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Un scénario d’une crise bancaire comme en 2008 semble donc peu probable, selon Eric Dor, car les banques sont désormais soumises à un cadre législatif bien plus “musclé” et qu’en Europe, les dépôts sont garantis jusqu’à 100 000 euros par compte et par banque.

Pour Dor, “le contexte de la remontée des taux (par les banques centrales) rend la finance un peu instable”. Mais l’économiste est d’avis que c’est justement plutôt favorable aux banques, qui peuvent augmenter leurs marges bénéficiaires en relevant moins rapidement les taux des comptes épargnes que ceux qu’elles imposent pour les prêts.


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