Record de vols transatlantiques cet été : "Les gens vont devoir s'habituer à voler sur de plus petits avions sur les vols long-courriers"
La demande des Américains pour voyager vers l’Europe est très forte. Les monocouloirs de nouvelle génération permettent aussi de multiplier les vols au-dessus de l’océan. Mais il existe encore “un frein psychologique” pour pas mal de passagers avant d’entrer dans ce type d’avions.
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Publié le 12-05-2023 à 08h10 - Mis à jour le 12-05-2023 à 12h01
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Les liaisons aériennes entre l’Europe et l’Amérique du Nord n’ont jamais été aussi nombreuses. Selon une analyse de l’association Airlines for America (A4A), 4 353 vols transatlantiques (nord) seront opérés par semaine en juillet prochain, ce qui battrait le record absolu de 4 238 vols hebdomadaires établi en juillet 2019. À noter que plus de la moitié de ces vols (56 %) seront opérés par des compagnies non-américaines.
Largement freinés sur leurs routes traditionnelles vers l’Asie par l’interdiction de vol au-dessus de la Russie, les transporteurs européens ont ainsi décidé de redéployer une partie de leur flotte long-courrier vers l’Ouest. Mais le rebond transatlantique est, en fait, surtout poussé par la forte demande américaine.
Des prix en forte augmentation qui ne freinent pas les Américains
D’après l’agence en ligne Hopper, plus d’un tiers (37 %) des recherches de clients basés aux États-Unis concernait, en mars dernier, des voyages vers l’Europe. Le site Kayak a lui vu ce type de recherches bondir de 77 % par rapport à l’année dernière. Un dollar (relativement) fort et un besoin de “rattrapage” après la paralysie des années Covid, expliquent, en partie, cette envie forte de prendre un avion vers le Vieux Continent. Et les Américains sont prêts à mettre le prix pour vivre leur “rêve européen” : le tarif moyen d’un vol aller-retour vers l’Europe a augmenté de 31 % par rapport à l’année dernière, toujours selon les données de Hopper. Les grandes compagnies US se frottent les mains Deux d’entre elles, Delta et United, ont déjà annoncé qu’elles allaient engranger des “marges bénéficiaires record” cet été sur ce marché transatlantique…
La révolution des "petits avions" à grand rayon d’action
Mais il y a une autre explication à cette forte augmentation des échanges entre l’Amérique du Nord et l’Europe. Avec un rayon d’action supérieur à 7 000 km, la nouvelle génération d’avions monocouloirs, soit les dernières évolutions du Boeing 737 MAX – aéronefs utilisés massivement par Ryanair – ou les Airbus A321 LR, peut désormais traverser l’Océan. “Ces petits avions, à deux rangées de sièges, coûtent beaucoup moins cher à l’achat et à l’usage qu’un traditionnel avion long-courrier, analyse Henri-Charles Ozarovsky, responsable Stratégie et Réseaux pour la compagnie portugaise TAP qui a commencé des vols avec des monocouloirs entre Lisbonne et le Nord du Brésil. Cela ouvre donc la porte à beaucoup plus d’acteurs sur ce marché très concurrentiel car le risque est aussi limité au cas où l’avion ne se remplit pas bien”.
Bruxelles-New York avec un avion de même taille que pour aller en Espagne
Pour schématiser, c’est un peu comme si l’on volait depuis Bruxelles vers New York avec le même type d’avion utilisé actuellement par les compagnies sur un trajet entre la Belgique et l’Espagne, par exemple. Mais comment réussir à faire tenir des passagers plus de sept heures dans de tels avions, alors que certains ont déjà du mal après deux heures de vol ? “Si ces avions sont semblables de l’extérieur, le confort est très différent à l’intérieur, explique Eirik Waeraas, responsable développement international chez SAS. La compagnie scandinave a ainsi demandé à avoir des Airbus A321LR sur mesure, avec trois classes différentes, pour ses vols entre Copenhague et Washington. “Si vous avez un bon produit,, le passager ne voit pas la différence entre les avions, soutient Henri-Charles Ozarovsky. “Il faut offrir un certain service, une bonne nourriture, du Wi-Fi à bord, … pour que cela soit un succès. C’est la clé de ce changement”.
”Beaucoup de passagers pensent que les avions plus grands sont plus sûrs”
Mais pour Andrea Tucci, le vice-président des aéroports de Milan, même avec le meilleur confort au monde, certains seront toujours réfractaires à entrer dans de tels avions sur de si longues distances. “Il y a un frein psychologique, soutient l’Italien. “Beaucoup de passagers pensent que les avions plus grands sont plus sûrs. Mais la sécurité n’a rien à voir avec la taille d’un aéronef. Les gens vont devoir s’habituer à voyager dans des avions plus petits sur des longues distances”.
Pour M. Tucci, cette nouvelle génération d’avions pourrait également mettre à mal les gigantesques hubs du Moyen Orient. “On pourra s’en passer, en rejoignant plus facilement des villes secondaires en Chine ou en Inde directement depuis l’Europe”. Mais tout n’est pourtant pas encore parfait, développe M. Ozarovsky. “Il faudra, par exemple, réajuster la soute de ces nouveaux avions. On ne voyage pas avec le même type de bagages sur de courtes ou de longues distances. Cela dépend aussi des régions. En Afrique, il y a un dicton qui dit : “quand on bouge, on déménage.” Le secteur attend désormais avec impatience l’arrivée, maintes fois postposée, de l’Airbus A321LRX et son rayon de 8 500 kilomètres. De quoi relier l’Europe centrale au cœur de l’Amérique du Nord.