Benoît Cerexhe : "Mes habitants et ceux du Brabant wallon subissent un vol toutes les dix minutes la nuit, l’attitude de Gilkinet est scandaleuse"
Selon le bourgmestre de Woluwe Saint-Pierre, la piste 01 de l’aéroport de Bruxelles est utilisée de manière "abusive" depuis début mai. Il dénonce l’attitude du ministre fédéral Gilkinet qui a voulu "décrédibiliser" l’un des sonomètres de la commune et "remet implicitement en cause" les normes de bruit bruxelloises. "C’est du jamais vu ! Même Brussels Airport n’a jamais osé faire cela."
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- Publié le 08-06-2023 à 19h05
- Mis à jour le 08-06-2023 à 19h15
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Les nuits sont courtes pour une partie de la population habitant le Sud et l’Est de Bruxelles ainsi que le Brabant wallon, selon le bourgmestre de Woluwe Saint-Pierre, Benoît Cerexhe (Les Engagés). “C’est infernal, explique l’élu bruxellois. On reçoit des centaines de mails de nos habitants. Les gens commencent à péter les plombs, certains déménagent même”. En cause ? Les avions qui atterrissent de nuit sur l’une des trois pistes, celle dénommée 01, de l’aéroport de Bruxelles. Or le plan d’approche de cette piste implique le survol à basse altitude des habitations allant de Waterloo à Kraainem en passant par Watermael, Auderghem, Woluwe Saint-Pierre ou Wezembeek-Oppem, entre autres. “La piste 01, la moins sûre et la plus courte des trois, est théoriquement une piste subsidiaire, poursuit M. Cerexhe. Historiquement, elle n’est mise en service, en fonction des vents, que pour 6 à 7 % des atterrissages totaux de l’aéroport. Or depuis début mai, la piste 01 a été utilisée pendant 24 journées, ainsi que 20 nuits sur 38, à un rythme de cinq à six atterrissages nocturnes par heure”.
"90 % des vols nocturnes en infraction"
Les sonomètres placés dans la commune bruxelloise ont constaté que “90 % de ces vols nocturnes” étaient en infraction en termes de normes de bruits. “On parle d’avions qui émettent plus de 85 décibels à certains endroits. C’est le bruit d’une tondeuse à gazon qu’on vous met à côté de vous quand vous dormez. C’est intenable, quand on sait qu’on peut sortir de son sommeil dès 42 décibels”. Pour le bourgmestre, ce manque de sommeil a un impact sur la santé de ses habitants. “Des études ont démontré l’importance d’un repos réparateur. Je suis le dossier depuis plus de vingt ans et c’est du jamais-vu ce qui est en train de se passer”. Rappelons que pour des raisons de sécurité, les avions doivent faire face au vent pendant le décollage et l’atterrissage. En Belgique, les vents viennent en grande majorité du Sud-Ouest, mais ils peuvent varier, particulièrement en cas d’anticyclone, ce qui justifierait l’utilisation de cette fameuse piste 01 par “beau temps”.
"Tous les lundis matin, le vent tourne"
Mais du côté de Woluwe, on est sceptique quant à l’interprétation des normes de vent par les contrôleurs aériens de Skeyes (l’organisme gérant le trafic aérien en Belgique, NdlR). “Comme par hasard, tous les lundis matin, le vent tourne, ironise M. Cerexhe selon lequel les décisions d’utilisation de pistes seraient souvent davantage “politiques que techniques”, l’idée d’utiliser la piste 01 étant, selon lui, de soulager certaines communes flamandes au détriment de la sienne, entre autres. “On se pose une série de questions, notamment sur le système de météo que Skeyes, est le seul à utiliser en Europe”. Les interrogations de l’humaniste se sont multipliées quand il a appris, comme l’a révélé La Libre, que l’un des membres du cabinet du ministre Fédéral George Gilkinet (Ecolo) était payé par Skeyes pour gérer les dossiers “aviation”.
"George Gilkinet a été renvoyé à ses études"
On en vient au ministre Ecolo. Benoît Cerexhe n'y va pas par quatre chemins : il considère George Gilkinet comme le “pire ministre” ayant jamais eu ce dossier des nuisances sonores de l’aéroport entre les mains. “Malgré ses belles déclarations depuis trois ans, il n’a rien fait pour soulager les habitants survolés, à part mettre en place des groupes de travail qui ne donnent rien ou des marchés pour désigner des bureaux d’études”. Le maïeur qualifie même l’attitude de l’élu écolo de “scandaleuse”. “Récemment, lors du litige qui oppose la Région bruxelloise au Fédéral – la Belgique préfère payer des astreintes, 24 millions d’euros depuis 2019, plutôt que de respecter les décisions de justice – ses avocats ont tenté de décrédibiliser un sonomètre placé dans notre commune, en disant qu’il n’était pas fiable. M. Gilkinet a même engagé un bureau d’experts acousticiens pour tenter de prouver que l’appareil était défectueux. Mais le ministre a vite été renvoyé à ses études par l’expert mandaté par la justice qui a démontré que notre sonomètre était parfaitement fiable, valable et crédible”.
"Sans ces normes de bruit, Bruxelles est en slip (sic)"
Benoit Cerexhe n’en décolère pas. “Plutôt que d’aider Bruxelles, M. Gilkinet veut saborder les outils de contrôle de la Région. C’est comme s’il décrédibilisait toute une série de radars routiers. Même Brussels Airport n’a jamais osé faire cela. On est dans le paroxysme du cynisme… alors même que le ministre répète partout qu’il ne veut pas que Bruxelles devienne la poubelle de l’Europe”. Une autre phrase de conclusion dans la passe d’armes judiciaire opposant le Fédéral à la Région a choqué M. Cerexhe. “De manière implicite, M. Gilkinet remet en cause les arrêtés bruit de la Région bruxelloise, en les qualifiant de disproportionnés. C’est une première : aucun responsable politique n’a jamais remis en cause les normes de bruit de la Région bruxelloise qui ont été validées, à plusieurs reprises, par le Conseil d’État. Cela va trop loin ! Le ministre veut casser le seul outil juridique permettant de freiner l’expansion de l’aéroport et apaiser les survolés bruxellois. Sans ces normes de bruit, on est en slip (sic).”
Une "meilleure synergie" entre les aéroports belges
Le bourgmestre demande “instamment” au ministre “de confirmer la validité de ces arrêtés bruits bruxellois”. “Il faut aussi qu’il avance sur le dossier des nuisances sonores, en interdisant les avions les plus bruyants et les vols de nuit dès 2024, tout en limitant le nombre de mouvements totaux”. Pour le maïeur, le “momentum” est là. “On voit que dans d’autres aéroports européens, comme à Amsterdam ou à Paris, cela bouge. Pourquoi pas ici ? Il faut trouver un meilleur équilibre entre développement économique, qualité de vie, environnement, santé et sécurité”. M. Cerexhe plaide pour une “meilleure synergie” entre les différents aéroports en Belgique. “Certains sont aussi sous-utilisés comme Ostende où les nuisances sur les habitants sont faibles. Il faut une politique aéroportuaire sur l’ensemble du pays”.