Trois quarts des pilotes européens déclarent faire des micro-siestes en pilotant : “Deux pays se distinguent, mais pas de manière positive”
L’association européenne des pilotes de ligne s’inquiète de la pression mise sur le personnel présent dans le cockpit des avions. “Il y a signes inquiétants et des indications claires que les risques liés à la fatigue ne sont pas bien gérés par de nombreuses compagnies aériennes européennes”
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- Publié le 28-08-2023 à 15h35
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Y a-t-il encore un pilote éveillé dans l’avion ? La question mérite d’être posée selon l’association européenne des pilotes (ECA, pour European Cockpit association). Cette dernière, qui représente près de 40 000 pilotes de ligne sur le Vieux Continent estime que les problèmes de fatigue deviennent de plus en plus récurrents à l’intérieur des cockpits des avions. C’est du moins ce qui ressort de l’étude réalisée par le cabinet de conseil en gestion de la sécurité aérienne Baines Simmons auprès de 6 900 pilotes européens originaires de 31 pays. D’après l’enquête, trois pilotes sur quatre déclarent avoir fait une “micro-sieste” en pilotant un avion au cours des 4 dernières semaines – et un quart d’entre eux ont même déclaré cinq “micro-sommeils” ou plus durant cette période. En outre, 72,9 % des pilotes estiment ne pas avoir bénéficié d’un repos suffisant pour leur permettre de récupérer de la fatigue entre deux vols.
Un pouvoir discrétionnaire du commandant surutilisé ?
L’autre tendance préoccupante révélée par le rapport concerne la prolongation des périodes de service de vol. Près d’un pilote sur cinq a ainsi utilisé le pouvoir discrétionnaire du commandant – qui ne peut s’appliquer que si des circonstances imprévues surviennent — pour prolonger les périodes de service de vol deux fois ou plus au cours des quatre dernières semaines. En outre, plus de 60 % des pilotes ont exprimé, à des degrés divers, “leur inquiétude quant aux conséquences négatives” qu’ils pourraient subir s’ils refusaient de prolonger un service de vol, via ce pouvoir discrétionnaire. “Ce sont des signes inquiétants et des indications claires que les risques liés à la fatigue ne sont pas bien gérés par de nombreuses compagnies aériennes européennes”, s’inquiète Otjan de Bruijn, président de l’ECA. C’est d’autant plus préoccupant que les résultats de cette enquête couvrent une période précédant le pic des opérations estivales : les niveaux de fatigue en août ne peuvent avoir fait qu’augmenter”.
Selon l’ECA, le rapport montre également une autre dimension, “plus structurelle”. “Les données démontrent qu’il y a des insuffisances dans la gestion des risques liés à la fatigue des opérateurs dans tous les pays représentés, et des lacunes dans la surveillance assurée par les régulateurs”. Ainsi, seuls 10,8 % des pilotes ont répondu que les rapports de fatigue avaient conduit leur compagnie aérienne à apporter des changements opérationnels pour améliorer la sécurité, et à peine 12 % des répondants déclarent avoir confiance dans le système de rapport de leur employeur.
L’Irlande et Malte en queue de peloton
Une tendance qui se dégage de l’enquête est aussi que les compagnies aériennes enregistrées à Malte, en Espagne, en Irlande et au Royaume-Uni obtiennent systématiquement de moins bons résultats en ce qui concerne la gestion de la fatigue, les rapports, le repos ou l’utilisation du pouvoir discrétionnaire du commandant et la crainte de le refuser. A contrario, la Belgique est plutôt considérée comme l’un des bons élèves européens en la matière.
”L’Irlande et Malte, deux pays jouissant d’une certaine réputation dans le secteur de l’aviation et abritant d’importantes compagnies aériennes transnationales, se distinguent dans cette enquête, mais pas de manière positive”, déclare Philip von Schöppenthau, secrétaire général de l’ECA. “Cela soulève un certain nombre de questions, et il appartient clairement aux autorités compétentes d’examiner de plus près ce qui se passe dans ces pays et dans les compagnies aériennes qu’ils supervisent”. L’association européenne des pilotes espère que la lecture de ce rapport fera réagir les autorités. Ces dernières devant prendre “les mesures nécessaires pour s’assurer que les compagnies aériennes mettent en place des systèmes efficaces de signalement et gèrent correctement les risques de sécurité liés à la fatigue”.