Inflation des produits alimentaires : "hausses anormalement élevées" selon Testachats, "pas d’anomalie" selon le SPF Économie
Même si elle est en recul, l’inflation reste tenace en Belgique avec une hausse de 4,4 % sur un an en 2023. En ce qui concerne les produits alimentaires, le débat fait rage sur l’ampleur du dérapage des prix.
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- Publié le 05-09-2023 à 18h03
- Mis à jour le 05-09-2023 à 19h32
L’inflation est en recul en Belgique mais reste quand même assez tenace. Selon le Bureau du Plan, le taux d’inflation annuel devrait s’élever à 4,4 % en 2023 et à 4,1 % en 2024. Des chiffres qui restent donc assez élevés même s’ils sont évidemment en net reflux par rapport au dérapage des prix enregistrés en 2022 où l’inflation, sur une base annuelle, avait atteint 9,59 %.
Le Bureau du Plan prévoit, par ailleurs, que l’indice pivot serait atteint par l’indice santé lissé dès ce mois de septembre, plutôt qu’en novembre comme anticipé lors des dernières prévisions. Concrètement, les allocations sociales et les salaires dans la fonction publique seraient alors adaptés au coût de la vie, de 2 % respectivement en octobre et en novembre.
"Une véritable gifle pour les consommateurs"
Si le reflux des prix de l’énergie et de certaines matières premières ont permis de ramener l’inflation globale sous la barre des 4,5 %, la problématique de l’inflation des prix en grandes surfaces resterait "anormalement élevée" à en croire Testachats qui stigmatise "l’inaction du gouvernement en la matière". Sur base d’un échantillon de 3 000 produits issus de sept chaînes de supermarchés, l’organisation de défense des consommateurs estime que l’inflation en août était, sur une base annuelle, de 14,7 %. Et sur deux ans, elle frôlerait même les… 29 %. Des chiffres qui donnent évidemment le tournis.
Les entreprises agro-alimentaires se réservent-elles le bénéfice de ces baisses de prix ? On peut très sérieusement se poser la question.
"Malgré les nombreuses actions 'pouvoir d’achat' organisées par les supermarchés, nous ne constatons toujours pas de baisse sur le ticket de caisse", estime Testachats. "Les entreprises agroalimentaires se réservent-elles le bénéfice de ces baisses de prix ? On peut très sérieusement se poser la question et il s’agit dans ce cas d’une véritable gifle pour les consommateurs qui sont confrontés à des caddies très coûteux depuis plus d’un an et demi", ajoute encore l’association de défense des consommateurs. On le sait, Testachats a interpellé l’Autorité belge de la Concurrence sur les pratiques de certains distributeurs et s’interroge aussi sur la légalité de la pratique du "shrinkflation" qui consiste pour les marques à maintenir leurs prix mais en rognant sur les quantités vendues.
Des prix sous surveillance
Du côté du gouvernement, on précise cependant que l’évolution des prix des denrées alimentaires ne présenterait pas d’anomalie si on la compare avec les pays voisins. C’est en tout cas la conclusion d’une première analyse du SPF Économie à la demande du ministre de l’Économie, Pierre-Yves Dermagne (PS).
Selon cette étude, le royaume se situerait environ au même niveau que les Pays-Bas. Les experts se sont concentrés ici sur plusieurs groupes de produits : pain, farine, pâtes, viande bovine, viande porcine, charcuterie, lait, fromage, sucre. "Il n’y a pas d’anomalie belge constatée dans l’évolution des prix", a souligné Dermagne, ajoutant que Français, Allemands et Néerlandais sont globalement logés à la même enseigne. "Il y a même une nouvelle rassurante. L’évolution du prix de la viande ou du sucre a été plus basse que dans nos pays voisins", a affirmé le ministre.
Dire qu’il n’y a pas d’anomalie par rapport aux pays voisins ne signifie qu’il n’y a pas d’anomalie dans l’absolu.
"Le fait dire qu’il n’y a pas d’anomalie par rapport aux pays voisins ne signifie pas qu’il n’y ai pas d’anomalie dans l’absolu. On sait que les grands groupes agroalimentaires comme Nestlé, Danone ou Mondelez sont des acteurs internationaux qui affichent de très bons résultats financiers. Le SPF Économie parle de moyennes mais cela n’exclut pas des phénomènes de hausses de prix disproportionnées sur certains produits et certaines marques", explique Julie Frère, porte-parole de Testachats. Et de poursuivre : "Nous nous basons sur l’évolution des prix de notre panier de 3 000 produits. Sur les marchés internationaux des matières premières, les prix des huiles végétales ont baissé de 48 % depuis mars 2022 alors que dans notre échantillon, les prix de 17 huiles de friture ont augmenté à l’exception d’un seul produit. Idem avec les produits laitiers où la baisse est de 23 % depuis juin 2022 alors que 90 % des laits demi-écrémés et goudas de notre panier ont vu leurs prix augmenter. Idem encore avec les céréales avec une baisse de 17 % depuis octobre 2022 sur les marchés internationaux alors que 60 % des farines et pâtes ont augmenté. Le constat est donc clair : les reculs des prix des matières premières et de l’énergie ne se répercutent pas sur le prix final facturé au consommateur et il n’y a pas d’explication claire à ce constat à ce jour."
L’évolution des prix restera sous surveillance dans les prochains mois. Deux études sont encore attendues : à l’automne, celle de l’Observatoire des prix (SPF Économie) et cet hiver, celle de l’Autorité belge de la Concurrence. En attendant, il y a fort à parier que l’évolution des prix, notamment dans le domaine alimentaire, continuera à alimenter bien des débats…