Pensions des femmes: n’est-il pas temps de se révolter ?
Réagissons-nous suffisamment face aux mesures qui sont prises "contre" la pension des femmes que ce soit en Belgique, voire en Europe, et qui entachent l’équilibre ? – Chronique signée Anna Gold, écrivaine belge, spécialisée dans la cause des femmes, auteure notamment de "La réussite au féminin"
- Publié le 24-12-2019 à 09h00
- Mis à jour le 24-12-2019 à 11h31
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Réagissons-nous suffisamment face aux mesures qui sont prises "contre" la pension des femmes que ce soit en Belgique, voire en Europe, et qui entachent l’équilibre ?
– Chronique signée Anna Gold, écrivaine belge, spécialisée dans la cause des femmes, auteure notamment de "La réussite au féminin"
En son temps, Ban Ki-moon, ancien Secrétaire général des Nations Unies, expliquait que "les pays ayant plus d’égalité des sexes ont une meilleure croissance économique. Les entreprises avec plus de femmes leaders se comportent mieux. La preuve est claire : l’égalité pour les femmes signifie le progrès pour tous".
Alors, que se passe-t-il dans nos pays qui se réclament précisément de l’égalité hommes/femmes ? Réagissons-nous suffisamment face aux mesures qui sont prises "contre" la pension des femmes que ce soit en Belgique, voire en Europe, et qui entachent l’équilibre ?
En effet, de nombreuses améliorations sont nécessaires car les calculs effectués pour les fins de carrière des femmes ne répondent pas aux normes de l’égalité. Comment peut-on espérer qu’un équilibre femmes/hommes se rétablisse au niveau des rétributions alors qu’aucune mesure n’a été prise dans le passé et que tout calcul en ce sens est justement – ou plutôt, injustement – basé sur un temps révolu.
On ne tient pas suffisamment compte qu’il reste énormément de difficultés placées sur le chemin professionnel des femmes, entraves souvent liées aux temps partiels que les femmes prennent de plein gré ou qu’on leur force de "choisir".
On semble oublier que la précarité en fin de vie des femmes provient bel et bien de calculs, de règles qui les défavorisent. Quant aux dynamiques "start-up-euses", on se moque littéralement d’elles : leur statut doit être absolument révisé.
Enfin, il existe à présent des théories qui, au nom de la protection de la planète, en solution indirecte à la problématique du paiement des pensions, insufflent dans l’oreille des citoyens que les femmes, les couples devraient accepter de n’avoir qu’un seul enfant, voire à renoncer à toute parentalité.
Pas de « chômage » pour les femmes ?
Force est de constater que les femmes veulent tout, carrière et famille, et qu’elles s’épuisent. La charge mentale, qui affecte davantage les femmes que les hommes, tarit leur énergie : non seulement elles se sentent, à tort ou à raison, investies de tout, travail ménager à la maison inclus, mais en outre, en tant que mères de famille, elles éprouvent surtout de la culpabilité à laisser le « nid » pour aller travailler.
Dans ce contexte, pourquoi s’étonner que les femmes ne prennent pas les bonnes décisions lorsqu’elles se présentent pour des entretiens d’embauche ? On constate que, très souvent, l’homme négocie son salaire et les avantages extralégaux lors de la signature d’un contrat. La femme, en revanche, préfère négocier le temps de travail. Elle essaie de l’adapter aux horaires des crèches ou des écoles. Elle jongle avec les rendez-vous chez le médecin, l’orthodontiste,... Elle a donc in fine un salaire moins important, ce qui aura un impact sur sa vie quotidienne et plus tard sur le montant de sa pension, de sa retraite.
Les femmes demandent aussi plus volontiers des réductions de travail pour s’occuper de leur famille. Parfois, pour des raisons propres à l’entreprise, ces temps partiels leur sont imposés alors qu’elles ne sont pas nécessairement demandeuses. Dans le système actuel, les femmes qui ne « chôment » pourtant pas sont donc visiblement les perdantes du système : dès lors, comment peuvent-elles espérer une retraite acceptable ?
Après les concessions, la punition ?
En Belgique, dans les années 1990, des mesures ont été prises pour harmoniser le système de pension. Les femmes qui avaient le droit de prendre leur retraite à 60 ans ont dû accepter d’attendre, comme les hommes, leurs 65 ans pour pouvoir bénéficier des avantages d’une vie professionnelle bien remplie.
Cette mesure qui devait répondre, à première vue, à des critères d’égalité dévoile à présent ses signes pervers : le gouvernement belge a annoncé en 2019 que lesfemmes vont devoir travailler plus longtemps que les hommes : sans commentaire.
Quant aux femmes entrepreneurs, ces dynamiques "start-up-euses" innovantes, le couperet de fin de carrière est sans appel : "La pension moyenne d’une femme indépendante est aujourd’hui de 331,87 euros. Elle reste inférieure à celle des hommes entrepreneurs, pour qui la pension moyenne d’indépendant s’élève à 1087,63 euros", indique le Syndicat neutre pour indépentants.
L’innovation prend donc des tournures inégalitaires, voire carrément rétrogrades : c’est inacceptable et il faut indubitablement réformer tout système « préhistorique » qui se serait infiltré en Europe depuis la nuit des temps.
En ce qui concerne les nouvelles mesures, l’inquiétude est au rendez-vous : la mise en route des retraites à points – ou des pensions à points – va-t-elle encore davantage occulter les disparités de paiement dont les femmes sont victimes ?
Notre planète sans nouveaux bébés ?
Afin de sauver la planète, pour limiter le réchauffement climatique, des théories circulent aujourd’hui pour promouvoir les "no kids" et donc, les couples sans enfant.
Si on agit de la sorte, la croissance démographique en pâtira et on aura une situation comme en Corée du Sud qui connaît le taux de fécondité le plus faible de la planète en dépit d’un nombre impressionnant de mesures, ce qui pose évidemment problème pour son avenir économique : les femmes coréennes n’ont pas vraiment envie d’enfanter car elles vont alors devoir envisager le paiement des charges de garde et des frais divers qu’entraîne l’éducation.
Ainsi, « le taux de fécondité de ce pays est tombé sous le seuil d'un enfant par femme en âge de procréer, à 0,98, en 2018, bien en deçà des 2,1 nécessaires au renouvellement des générations.
Protéger la planète est donc une évidence, mais cette défense vitale ne doit pas s’accompagner de mesures extrêmes. Alors, pourquoi pénalise-t-on les femmes en fin de parcours professionnel lorsqu’elles ont interrompu leur carrière afin de mettre au monde un ou plusieurs enfants ? Pourquoi la maternité et les congés pris "en conséquence" ne sont-ils pas davantage valorisés au lieu de subir un régime spécial qui sera moins avantageux lorsqu’il faudra effectuer les comptes le moment venu ?
Faut-il une grève de "fabrication" des bébés comme c’est le cas en Corée du Sud pour que les femmes soient correctement rémunérées et donc, respectées ? Est-ce que les femmes doivent mettre en avant l’atout "démographie" pour négocier leur retraite ?
"L’égalité pour les femmes signifie le progrès pour tous"
Le siècle passé, Virginia Woolf écrivait que "ce qui compte, c’est se libérer de soi-même, découvrir ses propres dimensions, refuser les entraves".
Aujourd’hui, les femmes ont compris les leçons d’autrefois : elles contestent sans attendre et expriment librement leur volonté de changement. Des hommes les accompagnent pour réclamer l’égalité. Toute dérive doit donc être examinée scrupuleusement : il faut donc absolument débusquer les incohérences du système comme, par exemple, le statut des indépendantes et des "start-up-euses".
Les lois doivent donc absolument changer afin de respecter non seulement le travail des femmes, mais aussi leur choix en tant que mères sinon nous aurons une drastique baisse de la fertilité comme en Corée du Sud.
Dans ce contexte de "turbulences" concernant les pensions, après correction des dérives "évidentes", ne faudrait-il donc pas envisager le travail des femmes dans son ensemble afin de le valoriser enfin à sa juste valeur ? N’est-il pas temps de se révolter afin que l’égalité en la matière ne soit plus un leurre ?