Les interventions financières des pouvoirs publics doivent être sélectives

Georges Ugeux
Les interventions financières des pouvoirs publics doivent être sélectives
©Christophe Bortels

Une chronique signée Georges Ugeux, ancien vice-président de la Bourse de New York

8.000 milliards de dollars ont été dépenses par les gouvernements à travers le monde pour soutenir l’économie. Ce chiffre à fin mars du FMI augmente chaque jour qui passe et qui retarde la mise en route de l’activité.

Une vision à court terme

Les interventions des pouvoirs publics (directement ou indirectement) ont, à juste titre, visé les consequences du Covid 19 sur les entreprises. Le problème est qu’il faut tenir la distance sur plusieurs années. A titre d’exemple, le bilan de la Reserve Fédérale américaine a augmenté de 4 à 7.000 milliards en quelques semaines. Ou cela s’arrêtera-t-il ? Peut-être avons-nous cédé à la panique.

Nous sommes entrés dans la récession la plus sévère depuis 1929. Elle durera plusieurs années. Je ne vois pas de soleil a l’horizon avant 2023. Dans un tel contexte, il existe une sorte de schizophrénie aux plus hauts niveaux des Etats. Entre la prudence qui consiste à rallonger le confinement et interdire les entrées dans les pays et les risque d’une remise de l’outil en route, il y a un équilibre difficile à trouver.

Il est donc important de savoir si les interventions sont à court ou à long terme. Autant la fermeture des commerces est provisoire et les interventions peuvent éviter la faillite, autant le problème des compagnies aériennes, du secteur automobile, des voyages et de l’hôtellerie sont autant de problèmes structurels et la récession va continuer à les poursuivre.

En injectant des montants astronomiques immédiatement, nous risquons de constater que les moyens manqueront pour gérer la crise économique qui s’abat sur le monde.

Petites ou grandes entreprises ?

S’il est évident que le critère de l’emploi crée une urgence pour le soutien des grandes entreprises, celui-ci pompe des liquidités beaucoup plus importantes et il serait absurde de se substituer aux banques pour les financer. De leur coté, ces entreprises ne peuvent pas se contenter d’attendre les interventions étatiques. Nombre d’entre elles ont les moyens de se délester plutôt que de faire appel aux capitaux publics.

Par contre les petites et moyennes entreprises n’ont souvent pas d’alternatives. La plupart d’entre elles sont dans un seul secteur, et ont une seule source de financement : les banques. Ici, ce sont les banques centrales jouent un rôle essentiel pour maintenir la liquidité des banques. Mais elles viennent de se lancer dans les interventions de credit dont elles n’ont ni la vocation, ni le droit d’assumer le risque.

La faillite n’est pas toujours la mort de l’entreprise.

Les faillites ont commencé. Aux Etats-Unis ce sont les chaines de supermarchés qui ont déposé le bilan. Dans les prochains mois, nous allons assister a une hécatombe. Il faudra donc laisser tomber en faillite des entreprises qui n’ont pas construit le coussin de liquidités que la prudence impose, mais que la course au cours de bourse ont souvent réduit a une peau de chagrin.

Une faillite affecte diverses populations à des degrés divers : les créanciers, les actionnaires, le personnel. Heureusement, les indemnités de chômage sont généreuses en Europe. L’absence d’un système robuste qui permet de continuer une partie de l’activité qui, au minimum, couvre ses couts va se faire sentir. Les curateurs pourront-ils disposer d’une marge de manœuvre supplémentaire ? Encore faudrait-il que leur rémunération soit dirigée dans ce sens, ce qui n’est pas le cas.

Aide-toi le ciel t’aidera

Il va falloir ressortir des cartons les plans des entreprises visant a prendre des mesures de sauvetage. La solution d’une crise aussi grave commence par le courage du management. Il faudra commencer par la rémunération des dirigeants, les dividendes (qui peuvent être payés en actions) et certains avantages sociaux qui pourraient être dirigés vers les ménages en difficultés.

Mais surtout, c’est à un examen critique et sérieux que les entreprises et le secteur public sont appelés. L’ (in)fame zéro based budgeting pourrait être ressorti. La question est de savoir si une compagnie aérienne peut survivre sans avoir des activités diverses et variées dans l’hôtellerie, le catering et autres métiers connexes, mais qui pourraient être cédés. Le secteur doit se transformer.

Si une entreprise demande une intervention, elle devra venir avec un dossier sérieux qui démontre sa capacite de s’aider elle-même. On se souviendra du cadeau de Francois Hollande aux entreprises françaises qui ont refusé d’engager du personnel. Ce genre de jeu est terminé. Pour les entreprises internationales, il faudra s’assurer qu’elles font le nécessaire pour assurer la pérennité de ces activités avec l’aide des gouvernements locaux.

Dans tous les cas, les entreprises les plus polluantes auront à s’engager à réduire leurs émissions si elles souhaitent que les prêts soient convertis en actions.

Recréer des banques de développement : les Etats sont surendettés.

L’intervention des banques centrales qui annoncent leur intention de donner des crédits et même d’acheter des obligations connues sous le titre de junk bonds est inacceptable. Elle a permis aux marchés boursiers de se rétablir quelque peu avant la chute brutale qui les attend. Cela n’aura servi à rien.

Les vagues de privatisations ont abandonné cet outil stratégique que sont les banques de développement nationales. Elles ont une vocation différente des banques privées et devraient être un partenariat public-privé qui puisse prendre en charge des soutiens stratégiques. Recourir au budget de l’Etat ou à la planche a billet des banques centrales va devoir être sélectif si nous voulons la faillite des Etats et la crise des dettes souveraines.

Quant aux banques multinationales de développement elles sont d’ores et déjà débordées par les demandes de fonds de 100 des 160 Etats que compte notre chère planète. Ce sont les pays émergents dont personne ne parle. La famine commence a apparaitre.

Nous avons tous du pain sur la planche. Il faut que nous ayons un plan d’action équitable si nous voulons éviter des remous voire des révoltes de citoyens et citoyennes désespéré(e)s.

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