Le télétravailleur n’a pas droit au remboursement forfaitaire prévu pour le travailleur à domicile
La Cour de cassation vient de se prononcer. Un arrêt qui tombe à pic alors que le télétravail s’est généralisé.
Publié le 27-11-2020 à 12h42 - Mis à jour le 27-11-2020 à 12h43
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Ce 5 octobre 2020, la Cour de cassation s’est prononcée sur le remboursement des indemnités en cas de travail à domicile et de télétravail structurel (1).
Rappelons d’emblée la différence entre ces formes de travail. Le travail à domicile est le travail exécuté par un travailleur à son domicile ou à un autre endroit choisi par lui, sous l’autorité de l’employeur mais sans surveillance ou contrôle direct(e) de ce dernier. Cette forme d’emploi est organisée par la loi sur les contrats de travail (2) qui prévoit que le travailleur a droit au paiement par l’employeur d’une indemnité forfaitaire équivalente à 10 % de sa rémunération afin de couvrir les frais inhérents au travail à domicile. Le télétravail est, quant à lui, réglé par la convention collective de travail (CCT) n°85 (3) qui le définit comme une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail en dehors des locaux de l’employeur recourant aux technologies de l’information.
La forme de télétravail visée par la CCT n°85 ne concerne que le télétravail structurel, c’est-à-dire le télétravail habituel et régulier. Le télétravail occasionnel est, quant à lui, réglé par la loi sur le travail faisable et maniable (4) et vise le télétravail (c’est-à-dire : le travail à domicile exécuté au moyen de technologies de l’information) qui n’est que ponctuel et ne se reproduit pas de façon régulière.
Pas de convention écrite
En cas de télétravail structurel, la CCT n°85 exige qu’un écrit soit établi entre le travailleur et l’employeur avant le début du télétravail afin de régler, entre autres, la prise en charge des frais du télétravail par l’employeur. En cas de télétravail occasionnel, le travailleur doit demander à l’employeur l’autorisation de télétravailler (en invoquant, par exemple, la force majeure comme c’est le cas actuellement pour de nombreux travailleurs en raison de la pandémie de Covid-19). La loi sur le travail faisable et maniable prévoit que le travailleur et l’employeur doivent ensuite s’accorder sur les modalités et la prise en charge des coûts par l’employeur, mais n’impose aucun formalisme.
En l’espèce, le cas soumis à la Cour est le suivant : une travailleuse estimait qu’elle était travailleuse à domicile puisque son travail en dehors des locaux de l’entreprise n’avait pas fait l’objet d’une convention écrite préalable avec l’employeur comme cela est exigé par la CCT n°85. Se prévalant dès lors des dispositions de la loi sur les contrats de travail applicables au travail à domicile, la travailleuse réclamait le paiement d’une indemnité forfaitaire équivalente à 10 % de son salaire. L’employeur considérait, quant à lui, que la travailleuse n’était pas travailleuse à domicile, mais télétravailleuse ; elle ne pouvait donc pas revendiquer le paiement d’un quelconque forfait puisque ceci n’est pas prévu par la CCT n°85.
Télétravailleur quand même !
Alors que la Cour du travail d’Anvers avait suivi la thèse de la travailleuse, la Cour de cassation a cassé l’arrêt, considérant que le fait que les parties n’aient pas établi de convention écrite, même si cela est requis par l’article 6 de la CCT n°85, ne suffit pas à exclure la qualification de télétravailleur lorsque le travailleur à domicile recourt aux technologies de l’information. Partant, un télétravailleur n’est pas autorisé à réclamer le paiement d’un forfait équivalent à 10 % de son salaire à titre de remboursement des frais liés au télétravail. La Cour de cassation a renvoyé l’affaire devant la Cour du travail de Gand qui tranchera le litige au fond.
Compte tenu de la généralisation du télétravail structurel et occasionnel en raison du Covid-19, force est de constater que cet arrêt "tombe à pic" et permet de rappeler l’utilité, pour toutes les parties, de rédiger une convention avant le début du télétravail afin de régler toutes les questions, notamment financières, qui se poseront nécessairement par la suite.
Relevons qu’en cas de télétravail structurel, les articles 9 à 13 de la CCT n°85 précisent que l’employeur est toujours tenu de payer les coûts liés aux équipements nécessaires et à l’installation de programmes informatiques ainsi que les frais de fonctionnement, d’entretien, de réparation et d’amortissement du matériel et les coûts inhérents aux connexions et communications nécessaires au télétravail.
La plupart des travailleurs à domicile recourant en 2020 aux technologies de l’information et étant, dès lors, des télétravailleurs au sens de la CCT n°85 ou de la loi sur le travail faisable et maniable, nous ne pouvons qu’encourager les employeurs et les travailleurs à établir un avenant au contrat de travail individuel en vue de régler préalablement toutes les modalités du télétravail.
(1) Cass., 5 octobre 2020, S.19.0008.N.
(2) Loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
(3) Convention collective de travail n°85 du 9 novembre 2005 concernant le télétravail.
(4) Loi du 5 mars 2017 concernant le travail faisable et maniable.