Droits de succession en Espagne : un casse-tête pour les héritiers belges

Les questions se multiplient au décès d’un Belge résident espagnol, pour peu qu’il ait possédé biens immobiliers et comptes bancaires dans les deux pays… Une chronique signée Rafaël Alvarez Campa, avocat associé chez Everest Law.

La Libre Belgique
Rafaël Alvarez Campa, avocat associé chez Everest Law.
Rafaël Alvarez Campa, avocat associé chez Everest Law. ©BELGA

Les statistiques ne le démentiront pas : chaque année, les Belges qui optent pour l’acquisition d’un bien immobilier en Espagne sont toujours plus nombreux. Attirés par le climat et la qualité de vie qu’offre le pays, un certain nombre de ces acheteurs décident de s’y installer définitivement afin d’y travailler ou d’y passer une retraite bien méritée. Cet établissement définitif en Espagne n’est bien entendu pas neutre sur le plan fiscal puisque, devenus résidents espagnols, ces personnes seront désormais assujetties à l’impôt des personnes physiques et à l’impôt sur la fortune espagnols qui s’appliqueront alors à l’ensemble des revenus et des éléments du patrimoine. De plus, à leur décès, ce sera dorénavant la loi fiscale espagnole sur les successions qui trouvera à s’appliquer.

Il n’est pas rare que le défunt ait possédé des biens immobiliers et des comptes bancaires, pour ne citer que ces types d’actifs, dans les deux pays. Le règlement de la succession et le paiement de l’impôt successoral espagnol peuvent alors se transformer en un parcours du combattant et devenir un véritable casse-tête pour les héritiers, sachant que pas moins de dix-sept régimes fiscaux coexistent en Espagne, bien différents les uns des autres.

De plus, contrairement à la Belgique qui a retenu le critère de résidence du défunt pour l’imposition en droits de succession, l’Espagne a opté pour le critère de résidence des héritiers.

Loi applicable et biens visés

L’une des questions que ne manqueront pas de se poser les héritiers résidents belges sera celle de la réglementation fiscale applicable à la succession du défunt "espagnol". La loi espagnole a retenu comme critère de rattachement la Communauté autonome dans laquelle le défunt avait sa résidence habituelle, indépendamment du lieu de résidence des héritiers. Plus précisément, il s’agit de la Communauté autonome dans laquelle le défunt a vécu le plus longtemps au cours des cinq dernières années de sa vie.

Ensuite, les héritiers devront identifier les biens de la succession qui seront soumis au droit de succession espagnol. La réponse dépendra en réalité de leur lieu de résidence (cfr. supra). En effet, s’ils sont résidents espagnols, les héritiers seront tenus de payer les droits de succession de la Communauté autonome compétente sur l’ensemble des biens et droits reçus du défunt, indépendamment de leur localisation. Si les héritiers sont résidents belges, ils seront tenus d’acquitter les droits de succession de la Communauté autonome compétente sur les biens et droits reçus qui "sont situés, peuvent s’exercer ou doivent se réaliser" sur le territoire espagnol.

Enfin, les droits dus

Ainsi, en fonction du lieu de résidence des héritiers du défunt "espagnol", certains seront, par exemple, tenus de payer des droits de succession espagnols sur les avoirs bancaires que détenait encore le défunt en Belgique alors que d’autres (à savoir les résidents belges) en seront exonérés. Des difficultés pratiques peuvent néanmoins surgir lorsque les avoirs, bien que détenus dans une institution bancaire en Belgique, ont un lien avec l’Espagne, auquel cas les héritiers résidents belges pourraient, eux aussi, être tenus au paiement des droits de succession espagnols sur ces mêmes avoirs.

Rappelons que les règles de taxation sont quelque peu différentes en ce qui concerne les biens immobiliers. Ainsi, pour un bien immobilier situé en Espagne ayant appartenu à un résident espagnol, les héritiers, en ce compris les résidents belges, devront payer les droits de succession en Espagne. Si le bien immobilier est situé en Belgique, les héritiers résidents belges seront tenus de déposer une déclaration de mutation par décès en Belgique ; ils ne devront, en revanche, rien entreprendre en Espagne.

Enfin, se posera la question des droits dus. Si la loi nationale espagnole prévoit des taux d’imposition élevés et peu de réductions d’impôts, les Communautés autonomes ont de manière générale fait le choix de réduire fortement les droits exigibles en ligne directe/entre conjoints en prévoyant des abattements fiscaux, des réductions d’impôts, etc. Depuis le 1er janvier 2015, ces avantages fiscaux profitent également aux héritiers résidents de l’Union européenne et de l’Espace économique européen qui sont concernés par une succession espagnole, qui devront donc veiller à en demander l’application.

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