La pandémie un accélérateur d'inégalité : 100 millions de personnes en plus vivent avec moins 1,60 euro
Une chronique signée Hans Stegeman, économiste et stratégiste en chef chez Triodos Investment Management.
Publié le 06-02-2021 à 08h00
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Vous savez ce que je trouve si navrant? C'est que pendant la pandémie du coronavirus, les personnes les plus riches n'ont fait que s'enrichir suite à la hausse des marchés boursiers. Et ce qui me chagrine encore plus, c'est qu'en même temps, le nombre de personnes vivant avec moins de 1,60 euro par jour a augmenté de plus de 100 millions. Bien sûr, les effets les plus immédiats sur la santé et les soins intensifs pleins sont également affligeants et nécessitent une réaction d'urgence. Cependant, le fait de ne se préoccuper que du court terme crée un angle mort. Car la covid-19 est aussi un accélérateur extrême d'inégalité.
L'inégalité s'accroît sur de nombreux fronts: entre les pays, mais aussi à l'intérieur de ces pays, entre les entreprises et, enfin, entre les générations.
Un pays comme la Belgique peut se permettre de fermer son économie pour empêcher le virus de se propager, les gouvernements et les banques centrales distribuant de l'argent pour amortir le choc. Et ces mêmes pays sont les premiers à acheter tous les vaccins disponibles, de sorte que la reprise dans les pays déjà en difficulté est retardée et plus lente.
En Belgique et dans d'autres pays, l'inégalité continue également de s'accroître. En bref, toute personne possédant des biens, sous la forme d'une maison, d'actions ou de droits à pension, n'a pas à se plaindre de grand-chose. Contrairement, beaucoup de personnes ayant des relations de travail plus précaires ont vu leurs revenus diminuer et leurs perspectives se détériorer.
L'inégalité entre les entreprises elle aussi ne fait qu'augmenter: les grandes entreprises deviennent plus grandes et les petites sont décimées. Le cours des actions d'un groupe restreint de grandes entreprises (technologiques) atteint des niveaux sans précédent. En revanche, beaucoup de petites entreprises, de détaillants et d'indépendants sont en difficulté.
Enfin, l'inégalité s'accroît aussi entre les générations. Prenons les Pays-Bas par exemple: alors que les jeunes prennent du retard dans l'éducation et que les jeunes diplômés ne parviennent plus à trouver un emploi, les prestations de retraite des actuels pensionnés ne sont (à nouveau) pas réduites, même si les caisses de pension ne sont pas suffisamment remplies. Il en résulte donc inévitablement des coûts de pension plus élevés pour les jeunes générations pour compenser ces déficits.
À propos du coronavirus, on peut encore dire qu'il nous est arrivé sans qu'on ne s'y attende. Ce qui n'est pas le cas de ces effets de l'inégalité, qui sont le résultat de choix humains. Et, quoi qu'on en dise, ils sont en faveur de ceux qui étaient déjà mieux lotis avant la crise du coronavirus.
Nous finirons bien un jour par maîtriser la pandémie puisque des vaccins sont disponibles. Mais l'inégalité ne fera, je le crains, qu'augmenter, alors que le mécontentement à l'égard de la politique est déjà énorme.
Si on ne fait rien pour lutter contre le renforcement de l'inégalité, les conséquences seront aussi contagieuses que le coronavirus: nouvelles tensions politiques et polarisation croissante. Il n'existe pas de vaccin pour cela. Seulement une meilleure politique.