L’Euro menacé dès 2022

Une chronique signée Alain Siaens, ancien président de la banque Degroof et professeur extraordinaire ém.à l’UCL.

Alain Siaens
L’Euro menacé dès 2022
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Les pays germaniques et scandinaves (Suisse incluse) sont qualifiés de frugaux. Ils veillent plus rigoureusement à l’orthodoxie budgétaire et à la compétitivité. Les pays du sud, dits du Club Med (Grèce, Croatie, Italie, France, Espagne, Portugal) sont plus laxistes et performent moins bien à la longue.

La pérennité de l'euro requiert l'atténuation des divergences hélas aggravées

Voici les moyennes par rapport aux produits nationaux : Les dépenses publiques des cigales prodigues sont de 20% supérieurs à celles des frugaux, avec relativement moins d’investissement et plus de distribution. Leur déficit public est le double et leur dette publique le triple. Leur balance courante des paiements est déficitaire, celle des frugaux en surplus. Leurs emprunteurs paient un taux d’intérêt réel beaucoup plus onéreux. De ce fait, leur taux de croissance a été depuis 2% moindre et leur taux de chômage, le double.

Causes des divergences entre nordistes et sudistes

Les pays du sud furent successivement plus avancés et dominants, jusqu’à la révolution industrielle. Ensuite leurs régimes rétrogrades ont creusé un fossé entre classes dirigeantes et prolétaires. Leurs sujets les plus industrieux, 100.000 juifs et 100 ans après quelque 200.000 protestants durent s’expatrier vers le nord.

Les nordistes étaient, comme les anglo-saxon, des sociétés de contrats plutôt que de statuts ; leurs dirigeants faisaient confiance dans les hommes, responsables de leurs entreprises et acceptant de prendre des risques. L’éthique du capitalisme convenait aux protestants.

Les sudistes ont eu plus d’un quart d’électeurs communistes et de plus nombreux extrémistes de droite ou de gauche. Leurs syndicats sont plus politisés, plus méfiants à l’encontre de l’entreprise privée, tandis que ceux du nord sont coopératifs et réformistes (Mitbestimmung). Bref d’un côté l’idéologie radicalisée, de l’autre le pragmatisme consensuel.

Le cas exemplatif de la France

Après le septennat de Mitterand le revenu par tête devient inférieur a celui des britanniques. La retraite à 62 ans, les 35 heures imposées d’un coup ont détruit des emplois dans le secteur marchand (obligé de payer 39 les 35 heures, + 11%) bien davantage que les postes créés dans les secteurs publics et subsidiés. D’où délocalisation, désindustrialisation, expatriation des plus qualifiés. 1789, 1830, 1848, 1870, 1934, 1968, gilets jaunes de 2018, etc…autant de violences sociales ou de révolutions. Avec plus de 56% de dépenses publiques record européen, la France est étatiste, centralisée et bureaucratique (cf. le formulaire d’acceptation du vaccin). Un ancien chef de Force Ouvrière récusait des retraites par capitalisation comme contraire à la tradition française !!! Au contraire, le socialiste néerlandais, Jan TINBERGEN, prix Nobel d’économie, convertit en 1946 son pays à la capitalisation via les fonds de pension, grâce à quoi les capitaux à risque affluèrent vers les entreprises et la Hollande s’industrialisa enfin.

L’Euro menacé dès 2022

Avant l’Euro, les sudistes s’adonnaient chroniquement au rituel de la lutte des classes : explosions salariales et budgétaires, suivies de dévaluations correctrices et d’inflation subséquente.

Voici 20 ans, l’Euro fut instauré sur base de parités de change surévaluées dans le chef des sudistes. Les sudistes en furent réduits à tenter de réduire les excès de leurs coûts salariaux par unité produite et de leurs budgets. Cette déflation s’avérait laborieuse. Survînt la pandémie qui les a davantage frappés, alors que leurs finances publiques délabrées limitaient leurs capacités d’assistance et de relance, leur activité touristique s’effondrait, l’appréciation de l’euro de quelque 10% par rapport au $ les pénalisait. En 2020, leurs produits nationaux diminuèrent de +/-7%, moins 3% chez les frugaux. Ceux-ci ont accepté, vu la tragédie et en vue de la relance, une mutualisation d’une dette européenne de 750 milliards dont une partie en transferts gratuits aux plus faibles.

Dès 2022, la conjoncture aura repris et les taux d’intérêt remonteront. La Banque centrale conserverait un stock de 30% des dettes publiques en rachetant des titres d’un montant correspondant a celui de chaque remboursement. Elle ne créera plus de la monnaie au rythme de 12% l’an, mais les intérêts qu’elle percevra seront reversés en dividendes aux Etats actionnaires. Ces dettes-là seront donc de facto annulées. Selon de nouvelles normes communes, les sudistes auront à assumer le service de leurs dettes disproportionnées, à peine artificiellement amoindries par la BCE. Les frugaux aideront encore les faibles (moyennant conditions et contrôles) car ils ont intérêt à ce que ceux-ci ne s’effondrent pas, comme les USA le firent en 1946 par le plan Marshall.

Moyennant la discipline chez les faible( Mario Draghi y contribuera ) et l’aide des forts, populistes, nationalistes, démagogues, protectionnistes seront écartés.

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