Bourse : être bien diversifié, mais comment ?

Quand on place son capital en Bourse, c’est la priorité n°1. Curieusement, la notion de diversification reste abstraite, difficile à quantifier et donc à obtenir. Une chronique de Nathan Lassance et Frédéric Vrins, professeurs de finance à la Louvain School of Management (UCLouvain).

Contribution externe
"Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier"  : un proverbe qui s’applique en finance aussi.
"Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier"  : un proverbe qui s’applique en finance aussi. ©Shutterstock

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Cela paraît évident, et le proverbe est d’ailleurs bien connu : "Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier." Dans le monde de la finance, cette notion de diversification, qui consiste à répartir son capital sur plusieurs actifs, est fondamentale mais, pourtant, assez mal définie.

Pour comprendre ce que l’on entend par diversification, il est utile de se pencher sur un cas extrême de non-diversification, qui consiste à investir tout votre capital disponible dans un seul actif, disons une action. L’évolution de votre capital dépend alors entièrement du prix de cette action. Si l’action plonge de 10 %, votre capital plongera dans une même mesure. Afin de réduire le risque, vous devez donc vous diversifier en investissant dans plusieurs actifs, via des fonds (ETF ou autre), des trackers ou l’acquisition de plusieurs titres. En effet, il est moins probable que plusieurs titres chutent simultanément de 10 %.

Portefeuille équipondéré

Cependant, investir dans plusieurs actifs implique un choix : quel pourcentage de votre capital devriez-vous allouer à chaque actif ? Un premier choix simple, quoique naïf, de diversification consiste à allouer le même pourcentage à chaque actif, ce que l’on appelle le "portefeuille équipondéré". De manière relativement similaire, une stratégie assez populaire est la stratégie 60/40, qui consiste à investir 60 % en actions (tel qu’un tracker sur un indice boursier) et 40 % en obligations de bonne qualité de crédit (tels que des bons du trésor ou des obligations émises par des entreprises investment grade). Cependant, une telle approche n’est pas nécessairement bien diversifiée, pour deux raisons.

La première raison est que, historiquement, les actions sont bien plus risquées que les obligations. Ainsi, même si 40 % du capital est investi dans des obligations, les actions contribuent à une vaste majorité du risque total du portefeuille, souvent à hauteur de plus de 90 %. La deuxième raison est que diversifier son capital sur plusieurs actifs ne garantit pas une réduction automatique du risque, car les prix des actifs n’évoluent généralement pas indépendamment les uns des autres. Ainsi, actions et obligations évoluent de manière relativement indépendante lors de périodes économiques calmes ou prospères, mais tendent toutes les deux à perdre de leur valeur lors de périodes de crise (pensez à la crise financière de 2008 ou à la crise pandémique actuelle).

Pour un portefeuille constitué essentiellement d’actions, la situation est encore pire, car les actions se caractérisent historiquement par une forte corrélation qui résulte d’une exposition commune à des facteurs économiques globaux. Par exemple, le Bel 20, bien que "diversifié" sur 20 titres, a subi une perte significative lors de la crise pandémique.

Parité des risques

Pour résoudre ces problèmes bien connus des professionnels, des stratégies connues sous le nom "parité des risques" ont été développées. Elles consistent à investir de sorte que chaque actif contribue de manière égale au risque total. Aujourd’hui, la plupart des sociétés d’investissement proposent des fonds basés sur cette stratégie. Cependant, en raison de la dépendance entre actifs, l’approche parité des risques est sous-optimale : elle revient à répartir ses œufs dans différents paniers, sans se préoccuper de savoir si les paniers sont accrochés les uns aux autres, exposant ainsi l’ensemble de vos œufs à une même catastrophe.

Ce qu’il convient de faire, idéalement, c’est de s’assurer que votre capital soit bien diversifié en termes de facteurs de risques, qu’ils soient macroéconomiques ou statistiques, et non sur les actifs eux-mêmes (1). Dans de récents travaux (2), nous montrons que la meilleure manière d’appliquer une stratégie de parité des risques sur facteurs consiste à répartir le capital afin d’atteindre la parité sur des facteurs indépendants.

Ces facteurs statistiques peuvent être interprétés comme des signaux indépendants "cachés" derrière les mouvements des prix d’actifs qu’il est possible d’extraire à l’aide de techniques issues du traitement du signal et de l’intelligence artificielle. Ainsi, vous répartissez vos œufs de manière équilibrée dans différents paniers qui, de plus, sont désolidarisés les uns des autres. Ceci correspond davantage à ce que l’on attend d’un investissement réellement diversifié, et limite les risques de l’investisseur non seulement en période normale mais aussi en temps de crise.

Si nos travaux contribuent à clarifier la technique de parité des risques, il n’y a, à ce jour, pas de consensus sur une définition financière précise de diversification. Dès lors, si un gestionnaire d’actifs vous propose à l’avenir d’investir votre capital de manière diversifiée, n’hésitez pas à lui demander ce qu’il entend par là.

1) Meucci A. (2009), "Managing diversification", Risk 22 (5) : 74-79. https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1358533

2) Lassance N., DeMiguel V., Vrins F. (2021) "Optimal portfolio diversification via independent component analysis", Operations Research, à paraître. https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3285156

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