Comment bénéficier d’un taux de précompte réduit ?
Mais attention si la société a anticipé sa conversion au nouveau CSA en réduisant son capital… Une chronique d'Anne-Thérèse Desfosses, avocate WBCJ et professeur à la CBCEC.
Publié le 31-03-2022 à 08h32
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Les actionnaires participent au financement de l’entreprise et entendent à un moment toucher leur part de bénéfice en percevant un dividende. Quand un moindre coût fiscal est offert pour récompenser les apports en numéraire, pourquoi s’en priver ?
Le taux normal du précompte mobilier est fixé à 30 %. Les petites sociétés peuvent, à certaines conditions, bénéficier d’un taux réduit à 20 ou 15 % sur les dividendes qu’elles allouent à leurs actionnaires, selon que la répartition bénéficiaire est effectuée au cours du deuxième ou à partir du troisième exercice comptable après celui d’un apport en numéraire, par application du régime VVPRbis (VVPR : Verlaagde Voorheffing/Précompte mobilier Réduit).
Ce régime n’est applicable que si les actions sont entièrement libérées. Prenons la société ABCo qui, comme de nombreuses SPRL, n’a libéré qu’une partie du capital minimum de 18 600 euros sous l’ancien régime du code des sociétés.
Après l’entrée en vigueur du nouveau Code des Sociétés et Associations (CSA) et la suppression de l’exigence de capital social à partir du 1er mai 2019 pour les SRL, ABCo a décidé de procéder à une réduction de capital en dispensant ses actionnaires de libérer le solde du capital qu’ils avaient souscrit avant de se rendre chez le notaire pour convertir la SPRL en SRL. Elle a donc réduit son capital à la somme du capital déjà libéré de sorte qu’on peut considérer que le capital ainsi réduit est désormais entièrement souscrit et libéré.
On ne peut l’en blâmer puisque la notion de capital disparaît avec l’entrée en vigueur du CSA pour être remplacée par celle de fonds propres indisponibles dont le montant peut être réduit à 1 euro.
Capital entièrement libéré
Après sa conversion, la nouvelle SRL souhaite attribuer un dividende et entend bénéficier du régime VVPRbis.
Or ce régime n’est applicable que si le capital est entièrement libéré.
ABCo peut-elle considérer que son capital est entièrement libéré puisqu’elle l’a réduit au moment de sa conversion ?
En 2020, le Service des Décisions Anticipées (SDA) avait bien admis que le capital minimum devait être libéré au plus tard lors de l’attribution d’un dividende, soit le jour de l’assemblée générale décrétant le paiement d’un dividende. Comme le capital d’ABCo a été réduit et donc entièrement souscrit et libéré, le SDA a considéré qu’elle pouvait bénéficier du régime VVPRbis.
L’administration centrale n’était cependant pas satisfaite de cette lecture du SDA et le gouvernement a adopté la loi du 21 janvier 2022 qui prévoit désormais qu’elle n’accorde le bénéfice du régime de faveur que si le capital initialement souscrit est entièrement libéré.
Il n’est donc plus question d’opérer une réduction de capital : les parts ou actions souscrites doivent être entièrement libérées au moment de l’attribution des dividendes avec précompte réduit.
Régime transitoire
Quid pour les sociétés telles ABCo qui, en 2021, soit avant l’entrée en vigueur de la loi, avaient été chez leur notaire convertir leurs statuts en SRL en supprimant la partie non libérée de leur capital ? Pour ces sociétés, la loi prévoit un régime transitoire par lequel des sociétés dans la situation d’ABCo, qui ont réduit leur capital social de bonne foi avant le 15 décembre 2021, pourront néanmoins bénéficier du régime VVPRbis si elles procèdent à une augmentation de leur apport pour le 31 décembre 2022.
Par contre, à partir du 15 décembre 2021, il n’est plus possible de procéder à une réduction de capital par dispense de libération du solde de celui-ci : pour bénéficier du régime de faveur, il faudra libérer le solde du capital souscrit avant de le distribuer sous forme de dividende. La distribution peut même se faire dans la foulée : aucun délai d’attente n’est nécessaire puisque le délai de 2 ou 3 ans se compte à partir de la souscription initiale du capital.
Bref, on en perd son latin : le CSA dispense les sociétés de capital, remplacé par le compte de fonds propres indisponibles, mais impose aux anciennes structures qui ont réduit leur capital via une modification de leurs statuts en devenant des SRL de l’augmenter… On oblige donc les sociétés à libérer quelque chose qui n’existe plus, à quel coût pour ensuite récupérer les fonds ?
Enfin, on veillera à ce que cette libération se fasse en numéraire puisque telle est la revendication légale pour bénéficier du régime "de faveur" : le régime VVPRbis ne sera en effet pas appliqué si les sommes versées à la société pour augmenter son capital proviennent d’une réduction de capital d’une société liée ou associée : il ne s’agit pas "d’argent frais".
Les sommes apportées ne pourront pas non plus provenir d’une distribution d’une réserve de liquidation : si ABCo avait constitué antérieurement une réserve de liquidation qu’elle avait distribuée moyennant le prélèvement d’un précompte mobilier réduit de 5 %, cette distribution ne peut servir à augmenter ensuite le capital.