Jeu vidéo acheté en ligne de mauvaise qualité? Plateforme de streaming pas stable? Que faire?

Une garantie spécifique existe en la matière depuis le 1er juin 2022. Et le consommateur est mieux protégé. Une chronique de Guillaume Schultz, assistant à l’Université Saint-Louis – Bruxelles, avocat au barreau de Bruxelles.

Contribution externe
Le jeu vidéo acheté en ligne est de mauvaise qualité ? La plateforme de streaming n’est pas stable ? Que faire ?
Les contenus et services numériques désormais "garantis" ! ©Copyright (c) 2017 sezer66/Shutterstock. No use without permission.

Le jeu vidéo que nous avons acheté en ligne est de mauvaise qualité ? La plateforme de streaming ou de musique à laquelle nous sommes abonné n’est pas stable ? Bonne nouvelle : depuis le 1er juin 2022, nous bénéficions d’une garantie spécifique en la matière ! En effet, une loi du 20 mars 2022 est venue insérer dans le code civil pas moins de dix-neuf dispositions relatives à la conformité des contenus et services numériques (articles 1701/1 à 1701/19). Le consommateur en ressort mieux protégé.

Que faut-il en retenir ?

1. Le champ d’application

Cette garantie s’applique à la fourniture de contenus/services intervenant depuis le 1er juin 2022. L’on vise les contrats en vertu desquels un professionnel fournit au consommateur un contenu (c’est-à-dire : des données produites et fournies sous forme numérique comme une application, un programme informatique, un livre électronique, un jeu vidéo, un fichier vidéo, audio ou musical) ou un service (c’est-à-dire : un service permettant de créer, traiter ou de stocker des données sous forme numérique ou d’y accéder comme un service de stockage dans le cloud, un service de streaming pour les films ou la musique, un réseau social) contre paiement d’un prix ou en échange de données personnelles (que le professionnel devra traiter conformément au RGPD).

Les contenus intégrés sur un support matériel (DVD, CD, clé USB) sont également visés au contraire des biens comportant des éléments numériques, c’est-à-dire : les biens qui intègrent un contenu/service ou sont interconnectés avec un tel contenu/service de manière telle que l’absence de ce contenu/service empêcherait le bien de remplir ses fonctions. L’on songe à une montre de sport qui, pour fonctionner et remplir sa fonction, doit être reliée au site web de la marque (par un smartphone, par exemple) afin de créer le profil de l’utilisateur et lui permettre d’accéder à la montre. En cas de problèmes avec ce site web qui rendrait la montre inutilisable et inapte à remplir ses fonctions, le consommateur devra se tourner vers la garantie applicable à la vente de biens (récemment modernisée et également réglementée par le code civil aux articles 1649bis à 1649nonies).

2. Le délai de garantie

Le délai de garantie est de deux ans à compter de la fourniture du contenu/service. Ce délai ne s’applique qu’aux contenus/services fournis à la suite d’une opération unique (achat d’un livre électronique, par exemple). Lorsqu’il est prévu que le contenu/service soit fourni de manière continue pendant une période déterminée, le délai de garantie est aligné sur cette période. L’on pense aux services de streaming ou de stockage dans le cloud. Attention : le délai de garantie (deux ans ou durée de fourniture) est à combiner avec le délai de prescription d’un an qui court à partir de la constatation du défaut. Si nous avons, par exemple, acheté un livre électronique le 1er juillet 2022 et qu’un défaut de conformité s’est manifesté le 5 juillet 2022, nous ne pourrons plus agir contre notre fournisseur en août 2023, et ce, quand bien même le délai de garantie de deux ans ne sera pas encore expiré.

3. Les critères de conformité subjectifs et objectifs

Pour pouvoir agir en garantie contre notre fournisseur (endéans les délais précités), encore faut-il que le contenu/service ne réponde pas à l’un des critères de conformité prévus par le code civil et soit ainsi non conforme. Il existe, tout d’abord, des critères "subjectifs" qui requièrent que le contenu/service soit conforme à ce qui est prévu dans le contrat (conformité par rapport à la description, quantité, qualité, fonctionnalité, aux attentes communiquées). Par exemple, le logiciel d’exploitation de notre ordinateur ne sera pas conforme "subjectivement" s’il nous est fourni en français alors que nous avions acheté la version anglaise, s’il n’est pas compatible avec notre modèle d’ordinateur alors que nous l’avions communiqué au fournisseur.

Par ailleurs, le contenu/service doit être conforme "objectivement", c’est-à-dire : à ce qui est normalement/raisonnablement attendu d’un service/contenu du même type. En outre, si le fournisseur a mal installé notre contenu/service ou si nous l’avons mal installé en raison d’instructions erronées, nous pouvons aussi agir en garantie.

4. La charge de la preuve

Notre fournisseur est présumé responsable et nous ne devons pas apporter la preuve de la non-conformité du contenu/service (c’est-à-dire : qu’un des critères identifiés n’est pas rencontré) si le défaut apparaît dans l’année de sa fourniture (si fourniture en une fois) ou durant la période de fourniture (si fourniture continue pendant une période déterminée). La seule façon pour notre fournisseur d’échapper à la mise en cause de sa responsabilité est d’apporter la preuve qu’il n’y a pas de défaut, que nous en sommes à l’origine ou que nous en avions connaissance au moment de la conclusion du contrat (tout en l’ayant accepté). En revanche, notre fournisseur pourra nous demander d’apporter la preuve du défaut de conformité, si le défaut apparaît plus d’un an après la fourniture (si fourniture en une fois) ou après la période de fourniture (si fourniture continue pendant une période déterminée), ce qui peut s’avérer compliqué sans l’avis, souvent onéreux, d’un expert.

5. Les différents remèdes

En cas de défaut de conformité, notre fournisseur devra assurer la mise en conformité du contenu/service sauf si cela est impossible ou implique des coûts disproportionnés. Celle-ci doit avoir lieu dans un délai raisonnable, sans frais et sans que cela ne présente un inconvénient majeur. Dans le cas où la mise en conformité s’avère impossible ou disproportionnée, nous aurons le choix, moyennant le respect de certaines conditions, entre une réduction proportionnelle du prix ou, si le défaut est suffisamment grave, nous pourrons mettre fin au contrat aux torts du fournisseur.

6. En cas de litige

Le respect de l'application des règles relatives à la protection des consommateurs est contrôlé par la direction générale de l'Inspection économique. Nous pouvons lui signaler toute pratique commerciale illégale ou déloyale en nous adressant au Point de contact en ligne. Il existe également un service de médiation pour le consommateur qui peut nous aider à régler notre litige à l'amiable. Pour y recourir, nous devons avoir tenté au préalable un arrangement amiable (par écrit) avec l'entreprise.

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