Une réforme des pensions cohérente et porteuse de sens... un souhait réaliste ?
Souhaitons une réforme des pensions enfin cohérente et porteuse de sens, avec un équilibre entre soutenabilité financière, adéquation sociale et équité. Une chronique de Pierre Devolder Professeur à l’UCL (Louvain Institute of Data Analysis and Modeling in economics and statistics).
Publié le 09-02-2023 à 08h31
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Si le dossier des pensions a quelque peu hiberné pendant la période Covid, où d’autres priorités à l’évidence s’imposaient, il est à nouveau sous le feu des projecteurs tant en Belgique qu’en France.
Depuis des décennies, la gestion belge de nos pensions s’apparente à des bricolages successifs, marqués plus ou moins politiquement en fonction des orientations du moment, où souvent l’empressement de vouloir rapidement aboutir à un accord de façade est jugé plus important que le courage politique et l’efficacité à long terme. Nous avons pu en observer une nouvelle preuve flagrante avec l’épisode du refus européen des mesures décidées en juillet dernier par le gouvernement belge.
On sait que les systèmes de pension en Europe restent relativement différents d’un pays à l’autre et que toute analogie peut se révéler hasardeuse. Pourtant, il n’est pas interdit d’observer quelques similitudes dans la façon de gérer le dossier des retraites en France et en Belgique ces dernières années. Il est de coutume lorsqu’on évoque le sujet des pensions, de parler de réformes paramétriques, où on maintient les systèmes existants tout en en modifiant telle ou telle caractéristique (par exemple, l’âge de la retraite), par opposition à des réformes dites structurelles où l’architecture des régimes est fondamentalement repensée.
Réforme structurelle
Tant en France qu’en Belgique, la période pré Covid a été marquée par une volonté de proposer une réforme structurelle. Pour la Belgique, nous fêtons le dixième anniversaire cette année de la mise en place de feu la commission des pensions 2020-2040 créée en 2013 et rebaptisée ensuite conseil académique des pensions. Cette commission a remis en 2014 un rapport, insistant sur la nécessité de traiter nos régimes de pension comme un contrat social entre générations, et aboutissant à la proposition de mettre en place un système général de pension à points. Faute de consensus politique et social, cette proposition a été mise de côté.
Pratiquement simultanément, en France, le projet de système universel à points censé remplacer les dizaines de systèmes existants était, lui aussi, jeté aux oubliettes, l’irruption de la pandémie gelant toutes les initiatives.
Le double échec franco-belge a pu amener certains à douter du réalisme d’une réforme trop profonde et à préférer une approche jugée plus pragmatique du pas par pas. C’est le choix politique qu’ont fait en effet plus récemment les deux pays, la Belgique au travers de sa pseudo-réforme de juillet dernier et la France au travers du projet de passage de 62 à 64 ans de l’âge de la retraite en discussion actuellement. Ces réformes aboutiront peut-être mais les réactions qu’elles suscitent montrent qu’elles ne sont pas plus acceptées.
Quatre dimensions
Une réforme judicieuse des pensions, quel qu’en soit le niveau d’ambition, se devrait de tenir compte simultanément de quatre dimensions : la soutenabilité financière, l’adéquation sociale, l’équité et la transparence. Force est de constater que les projets belges et français passent tout à fait à côté de cette nécessité de vision multicritères : la réforme française est perçue comme uniquement dictée par des impératifs de soutenabilité en oubliant l’équité alors que la politique belge actuelle de cadeaux successifs est marquée par un déni assumé des réalités financières et rend nos systèmes toujours plus complexes.
Formulons donc le vœu qu’enfin une vraie réforme de nos pensions, basée sur les quatre axes précités, voit le jour en 2023 dans notre pays, après des décennies de demi-mesures et d’allers retours. Loin des défenses catégorielles égoïstes et des lobbys divers et variés, il est possible, sans doute avec courage mais l’enjeu en vaut la chandelle, de proposer un nouveau contrat social de pension, permettant d’assurer un avenir à la fois solide, juste et adéquat à nos retraites. N’attendons pas les pressions et les menaces extérieures pour le faire à l’instar du climat, il n’est pas trop tard mais il est temps.