La crainte d’une récession mondiale : une aubaine !
Une chronique de Ken Fisher, fondateur de Fisher Investments.
Publié le 10-02-2023 à 08h28
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Une récession mondiale se profile-t-elle ? C’est ce qu’estiment pas mal d’observateurs, lesquels craignent qu’une contraction impacte les actions de la zone euro et mette à mal le vaste rebond enregistré depuis fin septembre. Mais ils oublient un point essentiel : un homme averti en vaut deux. Si la récession frappe, elle sera la plus anticipée de toute l’histoire moderne, ce qui atténuera son impact et favorisera une reprise.
Au cours de mes 50 années de carrière, les récessions ont toujours été des chocs. Or, aujourd’hui, presque tout le monde s’y attend. Notamment parmi les gérants de fonds. Selon une enquête du Conference Board, 98 % des CEO américains s’attendent à une récession dans les 12 à 18 mois, contre 99 % en Europe. Pour deux tiers, la situation européenne sera aussi grave. D’après l’Institut de recherche économique et sociale de l’UCLouvain, la Belgique connaît déjà une contraction. Selon KPMG, 63 % des CEO d’Asie-Pacifique s’attendent également à une récession. L’indicateur de probabilité de récession de la Fed de Philadelphie atteint pour sa part un niveau record.
Tout cela fait peur, mais les CEO ne sont pas stupides. S’ils s’attendent à un repli, ils s’y préparent. Ils ont déjà renoncé à leurs projets de croissance et réduit leurs coûts, avec plus de 375.000 licenciements à travers le monde depuis avril. Selon une enquête menée par SD Worx en septembre, la plupart des PME belges veillent déjà à limiter leurs effectifs. Près de la moitié ont baissé la température des bureaux pour réduire les coûts énergétiques. Certaines se sont tournées vers les panneaux solaires ou ont fermé des bureaux. Aux États-Unis, les offres d’emploi ont chuté de 12 % par rapport au pic enregistré en mars. Plus d’un tiers des CEO d’Asie-Pacifique ont gelé les embauches. Anticiper les faits, c’est en atténuer l’effet.
Près d’un tiers des multinationales réduisent aussi leurs budgets publicitaires. Selon la Fédération mondiale des annonceurs, 75 % d’entre elles contrôlent de près leurs programmes de dépenses. Le recouvrement de factures s’intensifie et les dépenses d’investissement sont en baisse.
Il ne s’agit pas du scénario habituel avant un repli. Au quatrième trimestre 2007 (veille de la crise financière), l’indice CEO Economic Outlook de Business Roundtable était en hausse. Le choc a aggravé l’impact du repli.
Les récessions corrigent les excès du passé. Toutefois, les entreprises s’attellent déjà à cette tâche depuis des mois. Ont-elles corrigé tous les excès ? Une partie, peut-être. Mais grâce aux efforts déployés, une contraction modérée (voire aucune) est plus probable qu’un choc boursier en 2023.
Les actions grimpent souvent bien avant la fin d’une récession, anticipant l’avenir meilleur qui attend les entreprises plus sobres. Voyez plutôt : si l’on se penche sur l’historique du S&P 500, 9 des 10 marchés baissiers américains liés à une récession depuis 1925 ont pris fin avant la contraction de l’économie, avec un délai médian de 6 mois.
Ainsi, les actions de la zone euro ont bondi depuis leur point le plus bas du 18 mars 2020, tandis que le PIB de l’UEM chutait de 18,6 % en glissement trimestriel au deuxième trimestre. Lors de la crise de la dette souveraine dans la zone euro (début des années 2010), les actions ont atteint leur point bas le 29 septembre 2011. La récession a débuté ce trimestre-là pour finir au premier trimestre 2013. Après le point le plus bas de la crise financière enregistré par les actions le 9 mars 2009, le PIB de la zone euro ne s’est pas redressé avant le troisième trimestre. Et aujourd’hui ? Récession ou pas, les mesures draconiennes prises depuis des mois laissent présager un net rebond en 2023.
Vu les mesures prises depuis près d’un an, une récession n’aurait pas autant d’impact qu’on ne le craint, et ce tant en Europe qu’à l’échelle mondiale. Misez dès maintenant sur les actions.