En pleine crise énergétique, comment rendre l'éclairage public plus durable

Il a de nombreux effets négatifs qui pourraient être évités en réfléchissant collectivement à son organisation. Une chronique d'Élodie Bebronne (doctorante), Sabine Limbourg (professeure) et Thierry Pironet (professeur) de HEC Liège – École de gestion de l’Université de Liège.

Contribution externe
L’éclairage public est souvent considéré comme un moyen de garantir la sécurité, bien qu’aucune disposition légale ne l’exige explicitement.
L’éclairage public est souvent considéré comme un moyen de garantir la sécurité, bien qu’aucune disposition légale ne l’exige explicitement. ©Shutterstock

L’éclairage public était si ancré dans nos vies que nous ne le remarquions plus. La crise énergétique a relancé le débat sur son rôle dans notre société et suscité des discussions sur sa réduction. Bien que l’argument économique soit souvent avancé, l’éclairage artificiel a de nombreux effets négatifs qui pourraient être évités en réfléchissant collectivement à son organisation.

L’éclairage public est souvent considéré comme un moyen de garantir la sécurité, bien qu’aucune disposition légale ne l’exige explicitement. En partenariat avec les gestionnaires de réseau de distribution, les autorités locales, responsables de la sécurité sur leur territoire, peuvent déterminer l’organisation de leur infrastructure d’éclairage.

L’argument économique prédominant

En Wallonie, une réduction de l’éclairage a été adoptée par nombre d’entités locales entre novembre 2022 et mars 2023. L’objectif principal est d’économiser l’énergie et donc baisser la facture d’électricité à charge des communes. Celle-ci est en effet considérable : en 2021, les 620 000 points d’éclairage public communal de Wallonie ont consommé 197 millions de kWh, soit environ la moitié de la consommation électrique totale des communes. Une extinction de l’éclairage entre minuit et 5 heures du matin dans toutes les communes wallonnes devrait générer une économie annuelle estimée à 34,68 millions d’euros. Les gains potentiels varient toutefois en fonction de l’efficacité énergétique de chaque parc d’éclairage. En effet, depuis 2019, des travaux de modernisation consistent à remplacer les lampes sodium par la technologie LED. Ses avantages sont d’ordre technique et économique : moindre consommation d’énergie, durée de vie accrue, coûts de maintenance réduits, contrôle à distance, intensité adaptative, capteurs de présence potentiels.

La pollution lumineuse : méconnue, mais alarmante

Cependant, l'éclairage artificiel perturbe les cycles naturels et affecte la faune et la flore. La pollution lumineuse amplifie la dégradation des espaces naturels, le déclin des espèces, et pourrait être à l'origine de cancers. En particulier, la composition de la lumière émise par les LEDs rend cette pollution d'autant plus nocive. En outre, l'accès au patrimoine qu'est le ciel étoilé est empêché pour 99 % des Européens. Ces effets demeurent largement méconnus du grand public. Il est donc nécessaire d'arbitrer entre les services offerts par l'éclairage et ses conséquences. En ce sens, le projet Bat light district, mené conjointement à Jette par la commune, Sibelga, Natagora, Engie Laborelec et Bruxelles Environnement, constitue une source d'inspiration. Il vise la préservation de la faune, tout en assurant le confort et la sécurité des usagers.

La nuit, un objet interdisciplinaire

Outre les communes et gestionnaires de réseau, une multitude d’acteurs est concernée par l’éclairage public, et la nuit de manière générale. Évoquer ces termes soulève des sujets tels que la mobilité, l’inclusivité de l’espace public, la sécurité. Cette dernière est régulièrement brandie par les défenseurs de l’éclairage. Preuve en est : plusieurs communes font marche arrière en rétablissant l’éclairage sur leur territoire. S’il est avéré qu’éclairage artificiel et sentiment de sécurité sont liés, la conclusion est moins claire pour la sécurité réelle - qu’elle soit routière ou liée à la criminalité. Cette période d’extinction pourrait nous en apprendre davantage, à condition d’un reporting efficace. En définitive, l’éclairage public nous concerne tous.

Si les mesures d’extinction touchent à leur fin, la réflexion sur leur maintien doit être menée. Elle est d’autant plus cruciale qu’elle est concomitante à la modernisation de l’infrastructure. Le but est de concilier les enjeux économiques, sociaux et écologiques, avec le support essentiel de la participation citoyenne. Un outil de décision, alliant les questions de biodiversité, de sécurité et de confort des citoyens permettrait d’œuvrer collectivement vers la sobriété lumineuse.

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