Quand réclamer contre l’impôt ?

Il vaut mieux le faire dans les deux mois. Et ne pas compter sur le nouveau délai d’un an. Une chronique de Caroline Docclo, professeure à l’ULB et à l’ULiège et avocate à Bruxelles.

Contribution externe
Un contribuable doit acquitter l’impôt dans les deux mois de l’envoi du billet d’imposition.
Un contribuable doit acquitter l’impôt dans les deux mois de l’envoi du billet d’imposition. ©Shutterstock

En matière d’impôts sur les revenus, les délais de procédure sont un chantier constant. La loi du 20 novembre 2022 vient d’allonger sensiblement les délais d’investigation du fisc et les délais d’établissement de l’impôt, notamment lorsque le contribuable demande le bénéfice de certaines mesures légales ou est requis d’augmenter sa déclaration fiscale de renseignements complémentaires. En effet, la situation fiscale d’une entreprise ordinaire qui fait état dans sa déclaration d’opérations transfrontalières peut désormais être revue pendant six ans au lieu de trois précédemment. Ces délais ont déjà fait l’objet de commentaires critiques dans la presse.

L’allongement par la même loi du délai accordé au contribuable pour introduire une réclamation administrative contre un impôt a été moins commenté.

Le délai de réclamation

Les abréviations et allongements du délai de réclamation se sont succédé. Avant la réforme de la procédure de 1999, le contribuable devait introduire son recours administratif contre une imposition au plus tard le 30 avril de l’année qui suivait l’établissement de celle-ci, sans qu’il pût être privé d’un délai d’au moins six mois à partir de la date du billet d’imposition (l’avertissement-extrait de rôle).

Lors de la réforme de 1999, le gouvernement a prévu que le contribuable aurait désormais droit à deux degrés de juridiction devant les cours et tribunaux. Pour que le sort d’une dette fiscale ne reste pas en suspens trop longtemps, il a été prévu à la même occasion de limiter le délai de réclamation administrative à trois mois à partir de la date à laquelle l’administration enverrait le billet d’imposition.

Sensible à la critique qu’un délai de recours de trois mois était excessivement bref, compte tenu des délais d’imposition fort longs laissés à l’administration pour établir ou revoir l’impôt, une loi-programme de 2006 a porté le délai de réclamation à six mois à partir de la date d’envoi du billet d’imposition. En 2007, la Cour constitutionnelle a jugé que le point de départ du délai de recours administratif portait atteinte aux droits des contribuables car la date d’envoi du billet d’imposition n’est pas celle à laquelle le contribuable est censé le recevoir. En conséquence, une loi de 2010 a prévu que le délai de six mois courrait à partir du troisième jour ouvrable qui suit celui de la date à laquelle l’administration envoie le billet d’imposition.

Par la loi de novembre 2022, le délai de réclamation est passé à un an. Notre ministre des Finances a justifié cette extension par l’allongement évoqué plus haut des délais accordés à l’administration pour établir l’impôt.

L’apparence est trompeuse

Un contribuable doit acquitter l’impôt dans les deux mois de l’envoi du billet d’imposition (et non dans les deux mois de sa réception). S’il ne le fait pas, des intérêts de retard lui sont comptés. La dette d’impôt subsiste intégralement tant qu’elle n’est pas annulée ou dégrevée.

La circonstance que le contribuable la conteste par une réclamation n’affecte pas cette règle. Dans ce cas néanmoins, le recouvrement forcé de la dette est suspendu jusqu’à une décision définitive, dans la mesure où la cotisation en réclamation excède "l’incontestablement dû". La dette fiscale est incontestablement due dans la mesure où elle se rapporte à une base imposable déclarée ou admise par le contribuable. À la réception de la réclamation, l’administration notifie au contribuable le montant "incontestable" qu’il doit acquitter malgré sa réclamation et met le recouvrement du solde en suspens jusqu’à une décision définitive.

La réclamation n’empêche pas le fisc de faire des saisies conservatoires pour s’assurer du paiement du solde. Jusqu’à il y a peu, l’administration a toujours fait preuve de patience. Sauf si les droits du Trésor étaient en péril, elle ne sommait pas le contribuable de payer sa dette rubis sur l’ongle pendant le délai de réclamation. Depuis le 1er janvier 2023, le délai légal de réclamation est d’un an. Cependant, depuis lors, dès que le délai de deux mois pour acquitter l’impôt est expiré et que le contribuable hésite à le payer, l’administration a pris l’habitude de lancer des sommations de payer dans les 48 heures. Les sommations "nouvelle formule" ne donnent pas de coordonnées d’un fonctionnaire à qui écrire ou envoyer un message. Un numéro de téléphone à l’efficacité aléatoire est mentionné. Le contribuable qui veut contester un impôt et en suspendre le paiement jusqu’à ce que la contestation soit vidée fait donc bien d’introduire sa réclamation dans les deux mois qui lui sont impartis pour acquitter sa dette.

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