Renégocier ou mettre fin à un contrat : la loi a été modernisée
Le nouveau livre 5 du Code civil permet de modifier ou de mettre un terme plus aisément à un contrat. Le point. Une chronique de Guillaume Schultz, assistant à l’Université Saint-Louis-Bruxelles et avocat au barreau de Bruxelles.
Publié le 15-03-2023 à 12h06
:focal(834x564.5:844x554.5)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/DPKNVRUE2JHE5GWWXPEOTZSB24.jpg)
Le 1er janvier 2023, le tout nouveau livre 5 du Code civil est entré en vigueur, modernisant ainsi la matière du droit des obligations et des contrats qui était jusqu’alors réglementée par le Code Napoléon de 1804. Cette réforme consacre notamment divers mécanismes permettant de modifier ou de mettre fin à un contrat plus aisément.
1. Votre contrat est-il concerné ?
Cette réforme qui rend le droit des obligations plus lisible et accessible ne s’applique qu’aux contrats conclus à partir du 1er janvier 2023. Les contrats conclus avant cette date, en ce compris leurs avenants qui auraient lieu après le 1er janvier 2023, restent soumis à l’ancien droit (à l’ancien Code civil), sauf si les parties conviennent expressément d’appliquer le nouveau droit à leur relation contractuelle.
2. Renégocier un contrat ou y mettre fin si les circonstances changent ?
Vous avez conclu un contrat avec un entrepreneur pour la rénovation de votre maison. Ce dernier, confronté à une flambée des prix des matériaux en raison de circonstances extérieures (comme la guerre en Ukraine) peut-il vous demander de renégocier le contrat ou d’y mettre fin ? Sur le plan des principes, chaque partie doit exécuter ses obligations quand bien même l’exécution en serait devenue plus onéreuse. Toutefois, le Code civil consacre désormais la possibilité pour l’une des parties de solliciter l’adaptation ou la fin du contrat lorsqu’un changement de circonstances rend son exécution à ce point onéreuse qu’il serait déraisonnable de s’en tenir aux conditions initialement convenues.
Diverses conditions doivent être remplies :
1) Vous devez être confronté à un changement de circonstances (économiques, politiques, sanitaires…) postérieur à la conclusion du contrat et qui rend son exécution excessivement onéreuse. Un simple manque à gagner ou un coût plus élevé que prévu ne suffit pas. Attention : vous ne devez pas prouver que l’exécution de la convention est devenue impossible. Le cas échéant, il pourrait s’agir d’un cas de force majeure.
2) Le changement de circonstances auquel vous êtes confronté devait être imprévisible au moment de la conclusion du contrat. Le juge se montrera plus exigeant à l’égard d’un professionnel (qui est plus à même d’évaluer les risques inhérents à son activité) qu’à l’égard d’un consommateur (qui a généralement peu de latitude dans la négociation des conditions contractuelles).
3) Vous ne devez pas être à l’origine du changement de circonstances.
4) Vous ne devez pas avoir assumé le risque en cause. Par exemple, si le contrat fait peser le risque sur vous, vous ne pourrez pas en solliciter la révision.
5) La possibilité d’invoquer un changement de circonstances ne doit pas être exclue par la loi ou le contrat. À cet égard, veillez à bien lire votre contrat. Il est possible qu’une clause exclue ou limite à certaines hypothèses la possibilité d’invoquer un changement de circonstances.
Si ces cinq conditions sont, selon vous, remplies et que votre cocontractant refuse de renégocier ou de mettre fin au contrat, vous pouvez vous adresser au juge judiciaire en lançant une procédure en référé (procédure urgente). Le juge pourra alors procéder à la révision du contrat afin de le mettre en conformité avec ce que les parties auraient raisonnablement convenu au moment de la conclusion du contrat si elles avaient tenu compte du changement de circonstances. Le juge pourra aussi mettre fin au contrat en tout ou en partie à une date qui ne peut être antérieure au changement de circonstances. Attention : invoquer un changement de circonstances ne vous dispense pas d’exécuter vos obligations durant les négociations ou durant la procédure judiciaire.
3. Mettre fin à un contrat sur base d’une décision "unilatérale"
Vous avez signé un contrat avec une entreprise pour la gestion de votre site Internet et vous vous rendez compte que l’entreprise ne fournit pas le service attendu (absence de mise à jour, dysfonctionnements…). Le Code civil consacre la possibilité de mettre fin au contrat par une simple notification écrite au cocontractant qui a gravement manqué à ses obligations. Toutefois, cela se fera à vos risques et périls car votre cocontractant pourra aller en justice afin de contester votre décision. Le juge pourrait donc vous condamner à des dommages et intérêts s’il estime que vous avez mis fin au contrat à tort.
Le Code civil va encore plus loin et vous permet de mettre fin au contrat "anticipativement", c’est-à-dire : lorsque vous sentez que votre cocontractant ne respectera pas ses engagements à venir. Attention : vous ne pouvez le faire que dans des circonstances exceptionnelles et après avoir mis en demeure votre cocontractant de vous fournir, dans un délai raisonnable, des assurances de la bonne exécution de ses obligations. Cela se fait, à nouveau, à vos risques et périls et il faut que vous prouviez que la défaillance future et probable de votre cocontractant vous causera un préjudice suffisamment grave.
Par exemple, vous engagez un service traiteur pour votre mariage qui aura lieu le 31 mars. Le 11 mars, vous apprenez que ce service traiteur s’occupera en réalité d’un autre évènement de sorte qu’il devient évident qu’il ne sera pas disponible pour votre mariage. Il est donc vraisemblable que votre cocontractant n’exécutera pas sa part du contrat. Dans ces conditions, vous pouvez mettre fin au contrat de manière anticipée et chercher un autre service traiteur qui sera sans doute plus onéreux vu l’urgence de la situation. Le cas échéant, vous pourrez demander des dommages et intérêts au premier traiteur pour couvrir la différence de prix.