Rana Plaza, plus jamais ça ! La Belgique doit agir contre l’impunité des entreprises
Il y a 10 ans ce lundi, le Rana Plaza s’est effondré, entraînant la mort de plus de 1 100 personnes. Une chronique signée Sanna Abdessalem, coordinatrice de la plateforme achACT et Sara Ceustermans, coordinatrice de la plateforme Schone Kleren Campagne.
Publié le 25-04-2023 à 19h15
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10 ans. Il y a 10 ans ce lundi, le Rana Plaza, cet immeuble de huit étages abritant des ateliers de confection de vêtements pour des marques et enseignes de mode s’est effondré à Dacca au Bangladesh. 1 138 personnes ont été tuées, plus de 2000 ont été blessées. La catastrophe suscite l’effroi et devient le triste symbole des violations des droits humains dans les chaînes de valeur mondialisées. Aujourd’hui, dix ans plus tard, la Belgique a l’opportunité et le devoir d’agir.
Si des avancées majeures ont été obtenues pour la sécurité des usines de confection du Bangladesh, malgré l’ampleur de la tragédie et grâce aux mobilisations qui s’en sont suivies, l’industrie de l’habillement demeure le vaste terrain d’exploitations multiples et de violations des droits des travailleuses et travailleurs, des femmes principalement. L’absence de régulation contraignante suffisamment ambitieuse sur le devoir de vigilance des entreprises reste un enjeu de taille pour mettre fin à leur impunité.
La veille de l’effondrement du Rana Plaza, des fissures avaient été observées dans le bâtiment. Les travailleuses, des femmes principalement, ont été contraintes de regagner leurs ateliers, qui s’écroulaient quelques heures plus tard sur des milliers d’entre elles. Moins d’un an plus tôt, un rapport d’audit qualifiait de “bonne” la qualité de la construction. De nombreux incidents avaient précédé le drame du Rana Plaza dont l’incendie de l’usine Tazreen qui tua notamment 112 personnes en 2012. La vétusté des usines bangladaises était notoire. Des marques et enseignes du monde entier s’y approvisionnaient pourtant, profitant allègrement des faibles coûts de main-d’œuvre et ne se préoccupant guère des conditions de travail dans lesquelles leurs marchandises étaient produites.

Des avancées encore trop timides
À force de mobilisations, au Bangladesh et partout dans le monde, des avancées majeures ont pu être obtenues pour la sécurité des travailleuses bangladaises. Un accord international pour la santé et la sécurité permet de garantir un lieu de travail sûr à 2 millions de travailleurs et travailleuses, et ce programme vient d’être étendu au Pakistan. Les victimes du Rana Plaza ont fini par être indemnisées deux années après la catastrophe, mais sans que jamais la responsabilité juridique des entreprises clientes des usines ne soit engagée.
À l’heure où nous commémorons pour la dixième année les 1 138 victimes et leurs familles, et témoignons notre soutien aux survivantes, la catastrophe du Rana Plaza continue d’incarner les conditions extrêmes auxquelles les couturières du monde entier sont confrontées, et plus largement un exemple indéniable des multiples violations des droits humains qui sévissent dans les chaînes de production mondialisées. En cause, un système qui permet, encore aujourd’hui, à des entreprises de recourir à des chaînes de sous-traitance éclatées et opaques sans jamais être tenues responsables légalement des violations des droits humains qui s’y produisent. Cette réalité s’applique à l’industrie textile et plus largement. Avec pour seul moyen de contrôle, l’autorégulation par les entreprises elles-mêmes, l’adoption de codes de conduite volontaires et le recours aux audits sociaux. Ces moyens sont inefficaces, la Commission européenne elle-même l’a reconnu en 2020, il est temps de légiférer.
Aujourd’hui, la Belgique a l’opportunité et le devoir d’agir. La Directive européenne sur le devoir de vigilance sera prochainement votée au Parlement européen. Nos députés ont la responsabilité de se positionner de la manière la plus ambitieuse possible pour garantir l’adoption d’un outil législatif efficace pour faire respecter les droits humains. Des éléments indispensables doivent être pris en compte dans ce texte aujourd’hui trop faible, tels que l’accès à la justice pour les victimes, la nécessité de s’appliquer à l’entièreté des chaînes de valeur et à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, quel que soit leur secteur. Rana Plaza, plus jamais ça !
En Belgique francophone, achACT représente le réseau international de la Clean Clothes Campaign et coordonne une plateforme de 20 organisations membres : syndicats, ONG et associations de consommateur·rices. achACT agit aux côtés de celles et ceux qui fabriquent nos vêtements. Nous travaillons à l’amélioration des conditions de travail et au soutien aux luttes de travailleuses et travailleurs de l’industrie mondialisée de l’habillement. achACT travaille en étroite collaboration avec son homologue néerlandophone, la Schone Kleren Campagne.