Transition écologique: quels sont les nouveaux droits pour les consommateurs?

Plusieurs propositions récentes de la Commission européenne permettent d’agir plus efficacement. Une chronique de Hervé Jacquemin, professeur à l’UNamur et avocat au barreau de Bruxelles (cabinet LIME).

Après la garantie légale et pour certains produits, principalement des électroménagers, une obligation de réparation pèserait sur le producteur.
Après la garantie légale et pour certains produits, principalement des électroménagers, une obligation de réparation pèserait sur le producteur. ©Copyright (c) 2021 Aleksey Kurguzov/Shutterstock. No use without permission.

Depuis la présentation de son Pacte vert pour l’Europe (2019), la Commission européenne a pris de nombreuses initiatives pour lutter contre le changement climatique et les atteintes à l’environnement. Plusieurs d’entre elles s’inscrivent dans le plan d’action pour une économie circulaire. Des propositions législatives ont ainsi été déposées par la Commission, spécialement le 30 mars 2022 et, plus récemment, le 22 mars 2023.

Des pratiques d’obsolescence précoce

Les mesures visent d’abord à promouvoir des produits plus durables, de l’acquisition des matières premières à leur recyclage. Outre des exigences d’écoconception pesant sur les entreprises, l’objectif est de permettre au consommateur de faire un choix éclairé, au moyen de labels fiables ou en l’informant sur l’incidence environnementale ou sociale du produit, sa durabilité ou sa réparabilité. Le législateur veut aussi interdire les pratiques d’obsolescence précoce, à la suite desquelles les biens achetés ont une durée de vie inférieure à celle que le consommateur pouvait espérer, ce qui l’oblige, par exemple, à racheter prématurément (et inutilement peut-être) un nouveau smartphone.

Plus récemment, un pas supplémentaire a été franchi avec la proposition visant à promouvoir la réparation des biens. Actuellement, si un consommateur souhaite se prévaloir de la garantie légale de conformité de deux ans, parce que sa machine à café ne fonctionne plus, il peut demander son remplacement ou sa réparation. Cette deuxième option contribue davantage aux objectifs de l’économie circulaire et deviendra une obligation si la proposition est adoptée (sauf si le remplacement a un coût inférieur). Après la garantie légale et pour certains produits, principalement des électroménagers, une obligation de réparation pèserait, par ailleurs, sur le producteur.

Des pratiques de marché plus durables

L’objectif des propositions est aussi d’assurer des pratiques du marché plus durables. Le législateur souhaite réguler les pratiques de greenwashing de certaines entreprises. On pense à l’emploi de termes génériques, non-fondés, comme “vert” ou “bon pour le climat”, associés à certains produits, et qui peuvent tromper le consommateur.

Une proposition de directive spécifique a ainsi été déposée récemment ; elle impose des exigences particulièrement lourdes, en termes de preuve notamment, aux entreprises qui réaliseraient de telles allégations environnementales.

Même si cette réaction politique est tardive, on se réjouit assurément qu’elle existe et que des propositions concrètes soient désormais sur la table. Des moyens tirés des règles de droit commun peuvent d’ores et déjà être mobilisés mais, vu l’enjeu, une intervention législative complémentaire s’imposait, de préférence au niveau du droit de l’Union européenne.

Plusieurs écueils

Plusieurs écueils sont toutefois à déplorer dans ces propositions. Le cadre normatif devenant plus complexe, on peut craindre que, sans aide, des PME peinent à s’y conformer. On regrette aussi le manque d’ambition à certains égards : pourquoi par exemple ne pas imposer une durée de garantie légale plus longue, le cas échéant limitée à des produits spécifiques ? Enfin, et plus fondamentalement, l’objectif de protection de l’environnement pourrait être en contradiction avec les intérêts des consommateurs, à tout le moins à court terme : ceux-ci pourraient en effet se plaindre de devoir attendre la réparation du bien défectueux, alors qu’avec un remplacement, il bénéficierait de son bien immédiatement. De même, certains mécanismes de protection, comme le droit de rétractation dans les contrats à distance, devront être évalués à l’aune de leur incidence environnementale : est-il encore raisonnable de permettre aux consommateurs de renoncer à tous leurs achats sans frais et sans justification, alors que le transport des biens, parfois de faible valeur, lors de la livraison puis du retour, a un impact environnemental élevé ?

Moyennant divers ajustements – et on l’espère, des réponses aux insuffisances exprimées précédemment –, on plaide donc pour que les propositions soient rapidement adoptées, pour permettre aux consommateurs d’agir plus concrètement encore en faveur de la transition écologique.

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