Oubliez l’Opep +. Oubliez l’énergie en 2023

Une chronique de Ken Fisher, fondateur de Fisher Investments.

L'Opep+ ne s'était plus réunie depuis le début de la pandémie.
Les baisses de production de pétrole de l’OPEP + pourraient avoir de lourdes conséquences sur les prix. ©Shutterstock

Approche-t-on du pic de 100 euros par baril ? Certains craignent même de dépasser ce seuil, à mesure que le “choc” des baisses de production de l’OPEP + déploie ses effets, absorbant l’excédent d’offre mondiale. Investisseurs qui misez sur l’Énergie, prenez garde : les quotas des cartels ne sont pas infaillibles et ne sont plus aussi puissants qu’avant. Attendez-vous à une sous-performance des titres énergétiques en 2023.

Début 2022, l’invasion de l’Ukraine a secoué les marchés de l’énergie, suscitant des craintes de pénuries de gaz et un baril à 200 euros, voire pire. Rappelez-vous les prévisions alarmistes mondiales, et la menace de black-out hivernal en Europe. Les prix du carburant et de l’électricité ont explosé en Belgique, tout comme les bénéfices des producteurs d’énergie. Les actions de la zone euro ont chuté de 25 % entre le point haut de janvier 2022 et le point bas de septembre, tandis que les titres énergétiques mondiaux s’envolaient de 35 %.

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Depuis, la tendance s’est inversée. Le cours du pétrole en dollars a perdu 39 % depuis le pic de mars 2022 et a déjà effacé une bonne partie de ses gains depuis l’annonce de l’OPEP + en avril. Le prix du gaz européen a cédé 89 % depuis le plus haut d’août, les vastes réserves hivernales ayant permis d’éviter la pénurie. Même topo aux États-Unis et en Asie. Pourquoi ? La production a explosé : +4,4 % en 2022 pour les combustibles liquides, grâce aux États-Unis, à l’OPEP +, à la Norvège et… à la Russie. En 2022, l’Europe a déplacé sa demande de pétrole vers l’Inde, la Chine et la Turquie, à des prix fortement réduits, auprès desquelles la Belgique a importé plus de 7 millions de tonnes de produits pétroliers depuis l’invasion de Poutine. Les sanctions ne restreignent pas, elles redirigent.

Les prix élevés ont également dopé la production et l’investissement, et pas seulement les nouveaux terminaux de GNL en Europe, dont certains atteindront prochainement des capacités d’importation excédentaires. La production mondiale de pétrole et de gaz a augmenté de 14 % en rythme annuel. Mais les titres énergétiques sont plus sensibles aux prix qu’aux volumes. La hausse de la production fin 2022 a interrompu la croissance des actions énergétiques, comme lors du marché haussier mondial de 2009-2020. Le schiste américain a prospéré dans les années 2010, mais les titres énergétiques n’ont gagné que 88 %, contre 417 % pour les actions mondiales.

Les baisses de l’OPEP + vont-elles soutenir les titres énergétiques ? Non, car les États-Unis ont pris le leadership mondial. Ensuite, les plans de l’OPEP + ont tendance à tourner court. Ainsi, la baisse de 2 millions de barils par jour (b/j) décidée en octobre s’est résumée à 600.000 b/j en mars. L’Arabie saoudite, responsable de la moitié des dernières “promesses de baisses”, ne devrait pas ralentir sa production en mai. Toute baisse aura simplement pour effet d’aligner l’offre, excédentaire de 440.000 b/j en 2022, sur la demande. À noter qu’à part la séance de hausse qui a suivi l’annonce du 2 avril, l’énergie n’a pas augmenté depuis.

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Les marchés intègrent donc vite les prévisions connues de tous dans les cours. En octobre, les titres énergétiques mondiaux ont bondi de 13,8 % avant de céder 14,9 % entre le 7 novembre et la fin mars. Le rebond des titres européens (+17,9 % à fin novembre) s’est dilué dans des variations largement latérales (-7,7 % entre décembre et mars).

Les leaders tendent à sous-performer lorsque les marchés baissiers prennent fin. D’où la domination des valeurs technologiques depuis le coup de massue de 2022. Utilisez l’énergie pour la diversification, mais sans excéder son poids à l’échelle mondiale (5 %).

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