Faucons, colombes, ou simples girouettes: les banquiers centraux ne siffleront pas la fin du marché haussier

Une chronique de Ken Fisher, fondateur de Fisher Investments.

European Central Bank (ECB) President Christine Lagarde (C) heads to the European Parliament Committee on Economic Affairs at the EU Parliament in Brussels on June 05, 2023. (Photo by Kenzo TRIBOUILLARD / AFP)
La présidente de la BCE, Christine Lagarde. ©AFP or licensors

Jusqu’où les taux d’intérêt monteront-ils ? Après que la présidente de la BCE a balayé les espoirs d’une pause dans les hausses de taux et que certains responsables ont prévenu que les augmentations pourraient se poursuivre au-delà de l’été, la question est sur toutes les lèvres. Pierre Wunsch, gouverneur de la Banque nationale de Belgique, estime que les différents relèvements pourraient porter le taux de référence de l’Union européenne à 4 %, pointant comme principal moteur de l’inflation la forte croissance des salaires. Inquiétant ? Pas tant que ça ! Les actions de la BCE n’ont guère de poids, ses discours encore moins.

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Aussi bardés de diplômes puissent-ils être, les banquiers centraux n’en sont pas pour autant omniscients. Loin de là. Monsieur Wunsch clame que les salaires élevés dopent l’inflation. La théorie de la “spirale prix-salaires” a pourtant été réfutée voici plusieurs décennies par un Nobel d’économie du nom de Milton Friedman. Les salaires suivent l’inflation, ils ne la dictent jamais. La preuve ? Les augmentations de salaires des Belges en décembre 2022 ont été suivies d’un ralentissement de l’inflation.

Le discours de la BCE n’est pas non plus normatif et ses actions politiques ne sont pas critiques. Les banques centrales réagissent à l’évolution des taux plus qu’elles ne les provoquent. Ce sont les conditions économiques et de marché qui les déterminent, et non l’inverse. Pourquoi ? Largement répandues, les attentes sont d’office intégrées dans les cours et, de par leur formation similaire, les décideurs obéissent à une pensée unique.

Prenons l’exemple des indications prospectives (“forward guidance”), par lesquelles la BCE annonce ses futures mesures de politique monétaire. Leur objectif est d’éviter les surprises. Mais elles ne font que semer doute et chaos lorsque les décisions défient les prévisions. Malgré leur abandon officiel en juillet dernier, les responsables de la BCE ne cessent de s’y référer, ce qui montre à quel point cette politique est insensée.

L’inflation galopante a également mis en évidence l’inefficacité de cette “forward guidance”. Fin 2021, Madame Lagarde affirmait qu’il était “très peu probable que les conditions d’une hausse des taux soient réunies l’année prochaine”. Certes plus prudent en matière d’inflation, Pierre Wunsch prétendait tout de même que “l’argument selon lequel une partie de ces mesures sera de nature temporaire est valable”. Ils avaient tout faux. Le relèvement 50 points de base de juillet 2022 a été le premier d’une longue série. L’inflation sous-jacente de la zone euro s’établit désormais à 5,6 % en glissement annuel, malgré six nouvelles hausses jusqu’en mai. Les craintes liées à la hausse des taux d’intérêt et à l’inflation ont contribué à ramener les actions de la zone euro à leurs planchers de septembre.

La BCE n’est pas la seule dans cette situation. En mai 2022, la Réserve fédérale américaine affirmait que des hausses de taux de 75 points de base n’étaient pas même envisageables. Que c’était trop. Elle en a pourtant décidé autant lors de ses quatre réunions suivantes ! Des volte-face similaires ont valu aux deux derniers dirigeants de la Banque d’Angleterre le sobriquet de “unreliable boyfriend”. L’indignation suscitée par les retournements de veste de la banque centrale australienne est désormais un rendez-vous annuel. Les autorités n’ont aucune idée de leur prochain coup d’échec. Comment pourrait-il en être autrement ?

Elles n’ont nul besoin de le savoir. Les relèvements de taux de 2022 et 2023 prouvent que les “grandes” décisions de la BCE pèsent bien peu. Les prêts aux entreprises de la zone euro ont ralenti, mais pointent toujours à 4,4 % en glissement annuel malgré le durcissement monétaire. Pourquoi ? Les dépôts sont supérieurs de 18 % à leurs niveaux d’avant la crise sanitaire, même après les récentes frayeurs dans le secteur bancaire – c’est le carburant des prêts à bon marché.

Qui plus est, l’influence de l’actuel cycle de resserrement sur les marchés est épuisée. Les actions de la zone euro ont grimpé de 32 % en euros depuis le creux de septembre, malgré le quadruplement des taux d’intérêt. Et elles dépassent de loin leurs niveaux d’avant les hausses de taux. En dollars, les valeurs boursières américaines n’ont reculé que de 1,9 % depuis le début des relèvements de taux de la Fed.

Ne vous laissez pas effrayer par le discours de la BCE. Faucons, colombes, ou simples girouettes, les banquiers centraux ne siffleront pas la fin de ce marché haussier.

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