Marketing : le rire ancre les marques dans nos esprits... pour longtemps !

Publicité et marketing, mieux vaut en rire finalement. Une chronique d'Albert Derasse, consultant indépendant en marketing prédictif.

Contribution externe
Qui ne se souvient pas des pubs des truculents Devos et Lemmens ?
Qui ne se souvient pas des pubs des truculents Devos et Lemmens ? ©D.R.

Le rire et l’humour sont autant d’instruments très efficaces dans les mains des publicitaires, des créatifs en agence et des marketeurs dans un contexte où de nombreuses marques veulent créer un capital sympathie et conquérir ce qu’on appelle en marketing une Share of Heart (part de cœur) ou une préférence “émotionnelle” pour une marque.

Devant le rayon des conserves et sauces de votre supermarché, n’avez-vous jamais souri en pensant aux spots publicitaires des truculents Devos et Lemmens ? “- Dis Devos… – Oui Lemmens…”. Un capital sympathie tellement fort et que la marque exploite tellement bien que vous pouvez retrouver sur la homepage du site tous les spots publicitaires depuis 2012 ! Voilà dix ans qu’ils font rire les amateurs de bonnes sauces… et les autres.

Une place dans nos cœurs mais aussi dans nos cerveaux… Le rire, cette émotion forte, ancre les marques dans nos esprits… pour longtemps. Les plus âgés se souviendront de la publicité Jex Four mettant en scène Alice Sapritch ou le dépoussiérant Pliz avec Marie-Pierre Casey en… 1984. Si ces marques ont disparu des rayons, depuis longtemps, beaucoup les ont encore en tête 40 ans plus tard.

L’humour, vecteur d’identification ?

L’humour dans la publicité casse les intentions habituelles de ce type de communication. La théorique de la pyramide de Maslow est souvent une référence lorsqu’on identifie les types de besoins que la consommation de produits et de services peut satisfaire : besoins physiologiques, besoins de sécurité, d’appartenance, d’estime des autres et enfin d’estime de soi. Si le marketing garde un œil sur le niveau de besoin que le produit à promouvoir peut satisfaire, il faut dire que l’humour ne cherche pas spécialement à jouer sur ces derniers leviers et casse les codes habituels.

En effet, plus proche de nous, la publicité de la Loterie nationale pour l’Euromillion pensée par l’agence belge TBWA met en scène de manière totalement décalée et caricaturale Paul l’Euromillionaire aux goûts douteux. Si tous les joueurs voudraient être dans la situation de Paul, peu se reconnaissent dans ce personnage aux goûts douteux dont on attend saison après saison les dernières excentricités.

Bien sûr, certaines publicités peuvent faire rire un public large et international. Mais les messages qui vont conquérir une part de notre cœur sur la durée s’appuient souvent sur notre besoin d’appartenance (évoqué plus haut) à cette communauté capable de déchiffrer les codes déployés par ces créatifs qui n’hésitent pas à abuser de références locales, de clichés faisant appel à notre autodérision. L’humour qui touche, c’est souvent du “circuit court.”

L’IA et le sens de l’humour

En 2022, j’écrivais la seconde édition de mon livre portant sur l’usage de l’Intelligence artificielle (IA) dans le marketing, Algorithmes&Blues du Directeur Marketing, sous l’impulsion de mon éditeur et en raison de l’évolution du contexte technologique et sociétal. Avant d’entamer ce travail périlleux de définition de cet acronyme IA, j’avais cherché une définition de l’intelligence “tout court” et celle de Luc de Brabandère, qui écrit régulièrement dans les colonnes de La Libre, avait retenu toute mon attention. Il écrivait dans son livre Homo Informatix paru en 2017, “ce qu’on appelle intelligence n’est pas une faculté unique mais bien un ensemble de compétences, innées ou acquises, qui nous demande à la fois de savoir et d’ignorer, de s’émouvoir et de se détacher, de questionner et de répondre : des compétences indissociables d’étonnement, de sensation, d’intuitions, de rire”

Manier l’humour est une forme d’intelligence que doivent maîtriser les professionnels de la communication.

À propos, avant de terminer cette chronique j’ai demandé à ChatGPT de me raconter une blague… Le résultat est à pleurer, mais pas de rire !

Des "laugh brands" plutôt que des "love brands"

Depuis des dizaines d’années maintenant, les marques essaient d’être des love brands, c’est-à-dire : des marques qui ont réussi à créer une relation passionnée et affective avec les consommateurs. Pour beaucoup, c’est une gageure. Être une laugh brand, une marque que met le consommateur de bonne humeur est une autre option car une belle expression en anglais dit : “People forget what you say, people forget what you do but people never forget how you make they feel”, ce qu’on pourrait traduire par : “Les gens oublient ce que vous dites, les gens oublient ce que vous faites, mais les gens n’oublient jamais ce que vous leur faites ressentir”

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