Les actions du luxe ne sont pas bon marché, mais c’est là tout leur attrait !
Une chronique de Ken Fisher, fondateur de Fisher Investments.
- Publié le 07-07-2023 à 09h24
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Qui voudrait acheter des actions onéreuses ? Moi ! Et vous devriez en faire autant, en ciblant notamment les grandes entreprises du luxe massivement présentes en Europe, et surtout les plus chères. Voici pourquoi.
Les actions du luxe ont été à la traîne dernièrement, observant un recul de -6,7 % depuis le 24 avril, et ce malgré le rebond de juin, tandis que les actions mondiales elles, grimpaient. Nombre d’observateurs craignent dès lors que le leadership du luxe, entamé durant le creux de 2022, prenne fin et que l’affaiblissement de la demande américaine et chinoise, dans un contexte de valorisations élevées, n’annonce un avenir encore plus sombre. Au contraire, la récente perte de vitesse des actions du luxe est une réelle opportunité d’achat.
À l’instar des grandes capitalisations technologiques, elles ont évolué de manière irrégulière depuis le creux mondial de juin dernier, et ce pour des raisons similaires. Il s’agit dans les deux cas de titres de qualité, dont la croissance est garantie, un avantage rare dans une économie mondiale à faible croissance. Le coût élevé des actions du luxe n’a donc rien de surprenant.
Malgré le repli de mai, les actions mondiales du secteur affichent encore une hausse de 14,7 % en 2023 et de 31,8 % par rapport au point bas de 2022, loin devant les actions mondiales (+14,9 %). Les centres européens du luxe sont en pleine effervescence. Les actions italiennes, suisses et françaises du secteur ont respectivement progressé de 30,0 %, 20,9 % et 23,7 % cette année, soit environ deux fois plus que l’ensemble de la zone euro. Pourquoi ?
D’abord, les actifs les plus touchés lors de marchés baissiers sont ceux qui rebondissent le plus lors de la phase haussière qui suit. En 2022, les actions mondiales ont perdu 16,9 % par rapport à leur pic en euros. Les sociétés du luxe ont quant à elles plongé de 29,6 %. Bien que cette chute plus importante ait alimenté certaines craintes, elle a aussi diminué les attentes soutenant de surcroît le rebond de 2023.
Pourtant, beaucoup redoutent que le repli de mai et les valorisations toujours élevées augurent la fin de la période faste du luxe, ou signifient alors que des actions moins chères seraient plus sûres. C’est doublement faux ! Il est vrai que le ratio cours/bénéfice (C/B) du secteur (24,2) dépasse ceux de 12,5 et 16,7 affichés respectivement par les actions de la zone euro et du monde. En revanche, les ratios C/B élevés peuvent être trompeurs, surtout au début de périodes de reprise, comme c’est le cas actuellement.
Pourquoi ? Les actions sont tournées vers l’avenir, à l’inverse des bénéfices. C’est pourquoi l’élément variable “C” pour cours dans le ratio C/B grimpe rapidement lorsque les marchés annoncent des temps meilleurs. Mais les revenus – ainsi que leurs prévisions – sont généralement en retard sur les prix surtout un contexte de morosité ambiante qui suit une phase baissière, et cela a pour effet de gonfler les ratios C/B actuels du luxe.
Prenez les actions de la zone euro. Après le creux de mars 2020 induit par la pandémie de Covid, leur ratio C/B était de seulement 12,3 pour atteindre six mois plus tard 17,4, puis 40,3 % jusqu’au sommet de 2021. En six mois, le ratio C/B des entreprises mondiales du luxe s’est envolé, passant d’un niveau encore plus élevé de 21,2 après le creux de 2020 à 37,4. Les actions du secteur ont vu leur cours progresser de 54,5 % jusqu’au pic mondial de 2022.
La préférence pour un faible ratio C/B des investisseurs est un atout pour vous. Lorsque les titres de croissance ont le vent en poupe, les actions les plus onéreuses arrivent en tête des catégories à forte croissance. Les investisseurs en quête de croissance privilégient la qualité et des perspectives de profit claires, ce qui veut donc dire des ratios C/B supérieurs.
Les fondamentaux du luxe ont désormais l’air chic. Malgré une inflation mondiale galopante, leurs importantes marges bénéficiaires brutes se maintiennent au-dessus de 55 % depuis 2021. Les entreprises suisses et françaises font état d’un bond des ventes en Chine depuis la réouverture du pays, écartant les craintes d’une croissance lente. La région Asie/Pacifique représente désormais 37 % des ventes et les marques mondiales percent également en Inde et au Moyen-Orient.
Alors profitez du repli du luxe pour acheter les plus grands noms du secteur – nombreux en Suisse, Italie, France, tout comme aux États-Unis – avant qu’ils ne repartent à la hausse. L’heure n’est pas aux achats bon marché.