Immobilier : "Trois obstacles majeurs se dressent devant les ambitions énergétiques de la Belgique"

Il est important de s’atteler dès à présent au Green Deal. Une chronique signée Eric Piers, CEO de la fédération Techlink.

Le secteur du bâtiment est le principal consommateur d’énergie de l’Union européenne.
Le secteur du bâtiment est le principal consommateur d’énergie de l’Union européenne. ©Shutterstock

À l’heure actuelle, avec le réchauffement climatique et la crise énergétique, il est devenu plus qu’indispensable de repenser nos modes de production et de consommation d’énergie et d’améliorer les performances de nos habitations. Le secteur du bâtiment est le principal consommateur d’énergie de l’Union européenne : la performance énergétique de nos bâtiments représente en 2018 environ 40 % de la consommation d’énergie et 36 % des émissions de CO2.

En réalité, ce n’est pas surprenant quand on sait que 220 millions des bâtiments datent d’avant 2001, que 35 % de ces bâtiments ont plus de 50 ans et que 75 % d’entre eux sont inefficaces sur le plan énergétique.

Améliorer la performance énergétique

Le Green Deal constitue le cadre politique clé pour la transition énergétique en Europe. À l’horizon 2030, l’Europe vise une réduction de 55 % des émissions de CO2, une hausse de 38 % des énergies renouvelables et une baisse de 32,5 % de la consommation d’énergie. Mais 2030, c’est demain… et il est important de s’atteler à cette rénovation énergétique dès à présent !

Pour que cette vague de rénovation soit un succès et ainsi atteindre les objectifs fixés, il faudrait que le taux de rénovation en profondeur atteigne minimum 3 % entre 2026 et 2030, tant dans le résidentiel que dans le non résidentiel. Il faudrait que les bâtiments les plus inefficaces énergétiquement soient rénovés en priorité, ainsi que les bâtiments publics et les logements sociaux, plus énergivores. Il s’agira d’améliorer d’au moins 60 % la performance énergétique de ces bâtiments. Actuellement, la consommation d’énergie des bâtiments après une rénovation ne baisse que de 1 % par an. Les rénovations en profondeur ne concernent pour l’instant que 0,2 % des bâtiments.

À titre d’exemple, en Région de Bruxelles-Capitale, 85 % du parc immobilier date d’avant 1960 et 30 % de ces bâtiments ne sont pas correctement isolés. Il va donc de soi que le défi à relever est conséquent.

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Besoin d’une cohérence politique

Cependant, trois obstacles majeurs se dressent devant ces ambitions énergétiques. Tout d’abord, l’absence d’un cadre politique volontariste et stable. En effet, nous devons pouvoir compter sur un contexte politique qui encourage et soutient les initiatives visant à améliorer les performances énergétiques des bâtiments, la gestion intelligente de l’énergie, ainsi que la production et le stockage décentralisés. Souvenons-nous des changements d’orientation des gouvernements successifs en Wallonie pour les panneaux photovoltaïques qui ont plongé des milliers de particuliers dans la confusion la plus totale (par exemple, la polémique autour des certificats verts, le tarif prosumer, etc.). Même si, peu importe le contexte, les panneaux photovoltaïques sont une réponse de choix quant à l’autoconsommation et les économies sur la facture d’énergie, cela reste un investissement conséquent pour les familles et les entreprises, il faut des mécanismes stables pour soutenir ces investissements.

Par conséquent, en tant que fédération professionnelle des entreprises de l’écosystème des installations multifonctionnelles, Techlink lance un appel à nos décideurs politiques, tous échelons confondus : "Assurez des normes claires, une stabilité législative et la sécurité des investissements. Les mesures politiques doivent être cohérentes et tournées vers l’avenir, plutôt que de viser un impact à court terme !”

Deuxième obstacle, le sous-investissement ! Tous les pouvoirs publics de notre pays (au niveau local, régional et fédéral) ont sous-investi dans les infrastructures durant des décennies. Il ne s’agit pas uniquement des routes, des pistes cyclables… mais aussi des autres infrastructures importantes comme les équipements publics, les écoles, les hôpitaux… Raison pour laquelle le secteur de la construction tout entier exhorte nos pouvoirs publics à se rattraper. En 2022, les investissements publics ne s’élevaient qu’à 2,7 % du PIB, contre 3,5 % dans nos pays voisins. Cette part devrait atteindre 4 % d’ici la fin de la prochaine législature en 2029, et 5 % d’ici 2034, soit la fin de la législature suivante. Cet effort est absolument nécessaire pour moderniser nos bâtiments publics et nos infrastructures énergétiques pour l’avenir et pour atteindre nos objectifs climatiques.

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Pénurie de main-d’œuvre

Le dernier obstacle auquel notre secteur est confronté est la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Il semble que la jeune génération ne trouve que peu d’attraits dans nos métiers. Ce sont pourtant des professions passionnantes où les nouvelles technologies sont prédominantes et où l’emploi est garanti à long terme, peu importe le niveau académique ! Or, pour rénover ces 220 millions de bâtiments obsolètes en Europe, nous avons besoin de forces vives. Techlink recense actuellement 18 000 postes vacants directs dans le secteur de la construction. En tant que fédération, nous nous attaquons à ce problème selon deux axes.

Nous travaillons en étroite collaboration avec d’autres organisations du secteur de la construction pour faire évoluer et améliorer les compétences, les différentes filières et leur cursus, pour combler le laps de temps trop long entre l’arrivée sur le marché d’une technologie et le moment où elle est effectivement enseignée.

En parallèle à cette implication dans ces groupes de travail, Techlink s’engage à redorer le blason de nos métiers auprès des jeunes. Nous avons lancé le 8 mars dernier, une campagne de sensibilisation auprès des jeunes de 13 à 18 ans et de leurs parents. Il s’agit d’une campagne qui donne la parole à des jeunes du secteur qui témoignent de l’attractivité de notre secteur et de ses nombreux avantages. Cette campagne se veut évolutive et s’étendra dans le temps selon différentes phases tout au long de l’année scolaire.

Chez Techlink, nous formons un écosystème regroupant les acteurs du secteur des installations multifonctionnelles. À savoir, les importateurs, distributeurs, fabricants, revendeurs, installateurs et entreprises actives dans la maintenance technique et la gestion de l’énergie. Ensemble, nous devons être à la base du progrès, sans nous limiter à sa simple exécution. Nous devons regarder au-delà et jouer un rôle actif pour stimuler la demande dans cette nouvelle réalité énergétique et assurer que les clients soient correctement conseillés par leurs installateurs.

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