Enseignement: une "Rentrée numérique" à rééditer
Cet article s'inscrit dans le dossier "Covid-19, et maintenant ?", consacré cette fois à la fracture numérique. La Libre Belgique réalise une série d'articles sur les leçons à tirer de cette crise sanitaire.
- Publié le 18-07-2020 à 07h00
- Mis à jour le 20-07-2020 à 14h30
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Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete, tous deux pères de quatre enfants et entrepreneurs, ont le sourire. Certes, leur "bébé" doit encore grandir, mais ses premiers pas ont été couronnés de succès. Voici juste un an, nous les avions rencontrés alors qu’ils préparaient la première "Rentrée numérique" de leur jeune ASBL EducIT. Quatre écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, trois wallonnes et une bruxelloise, avaient été sélectionnées pour mener une expérience dans des classes de 4e secondaire. L’objectif visé ? Mettre des outils numériques au service des apprentissages en équipant tous les élèves d’un ordinateur portable et en plaçant les enseignants au cœur du dispositif grâce à une formation ad hoc.
Un an plus tard, une évaluation réalisée par une consultante indépendante montre que les résultats obtenus sont bons, voire excellents. Près de 200 enseignants actifs au sein des quatre écoles pionnières du projet ont été interrogés en mai. Il en ressort que trois enseignants sur quatre jugent (très) positivement leur "Rentrée numérique" 2019-2020 et que moins de 10 % sont négatifs. L’enquête, soutenue par la Fondation Roi Baudouin (partenaire du projet depuis le début), fournit d’autres enseignements qui confortent les options prises, en septembre, par l’équipe d’EducIT, dont celle d’équiper tous les élèves d’un matériel homogène et abordable (un ordinateur portable Chromebook d’une valeur de 300 euros). Un coup de sonde, mené cette fois par EducIT auprès de 314 parents, montre par ailleurs que moins de 1 % d’entre eux ont exprimé une réticence à l’égard de l’approche proposée et, en particulier, du modèle de financement des ordinateurs portables (modèle de cofinancement où les parents paient une location de 20 euros par trimestre durant trois ans, avec intervention d’un fonds hébergé par la Fondation Roi Baudouin pour les familles précarisées, et une contribution des pouvoirs publics comprise entre 25 et 30 euros par élève et par an).
La crise de Covid-19 et la fermeture des écoles ont eu un effet boule de neige sur le déploiement du dispositif. "Trois des quatre écoles participantes nous ont rapidement demandé de former tous leurs enseignants, depuis la 1re jusqu’à la 6e secondaire, explique Philippe Van Ophem. D’autres écoles nous ont aussi sollicités. Dès le mois d’avril, on a mis sur pied des formations en ligne pour des profs du secondaire. Même si on a dû interrompre l’équipement des élèves en Chromebooks, la dynamique mise en place a clairement facilité les interactions entre profs et élèves durant la période de confinement." Au total, près de 1 000 enseignants du secondaire, répartis dans une dizaine d’écoles, ont pu être formés aux outils numériques.
Le vent a tourné en deux mois de temps
Face au scepticisme initial de certains acteurs de l’enseignement et du monde politique, EducIT est parvenue à convaincre du bien-fondé de son approche et de ses quatre dimensions indissociables : une approche par école ; une mise à disposition d’un ordinateur identique à chaque élève d’une même classe selon un financement public-privé ; un accompagnement individuel des enseignants ; et la mise en place d’une plateforme commune de communication entre enseignants et élèves. En juin, Philippe Van Ophem et Daniel Verougstraete étaient invités à présenter leur "Rentrée numérique" devant les membres de la task force "équipement numérique" mise en place par Pierre-Yves Jeholet (ministre-Président), Caroline Désir (ministre de l’Enseignement obligatoire) et Frédéric Daerden (ministre de tutelle de Wallonie-Bruxelles Enseignement). "L’accueil a été excellent, assure M. Van Ophem. Il y a deux mois, tout le monde était encore opposé à l’idée selon laquelle la priorité est d’équiper les élèves et non les écoles. L’opinion a aujourd’hui totalement changé, ce qui nous réjouit."
Le cabinet de Willy Borsus, ministre wallon en charge du numérique, a déjà donné son accord pour participer au financement des Chromebooks. Le feu vert du gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, lui, n’a pas encore été donné. Mais les signaux sont positifs et la petite équipe d’EducIT s’est déjà mise au travail pour préparer la "Rentrée numérique" de septembre. "L’objectif est de monter en puissance, au fil des rentrées, avec le soutien des différents réseaux (Segec, Cpeons, WBE…) et de leurs technopédagogues." Entre 10 et 30 écoles pourraient prendre part à cette deuxième "Rentrée numérique". Tout dépendra des moyens humains et financiers libérés d’ici là.
La Ville de Charleroi, dont le bourgmestre n’est autre que Paul Magnette, a d’ores et déjà affiché son intérêt pour le projet. "Nous avons été séduits par l’approche développée par EducIT et par le modèle de financement public-privé, confirme Eric Goffart, échevin carolo du Numérique. Nous avons réservé une enveloppe de 400 000 euros." De quoi avancer sur trois axes : la formation des enseignants, la connectivité des écoles présentes sur le territoire de Charleroi et l’équipement en ordinateurs de tous les élèves.