Technologie et outils numériques: "On doit constamment se mettre à jour"
Cet article s'inscrit dans le dossier "Covid-19, et maintenant ?", consacré cette fois à la fracture numérique. La Libre Belgique réalise une série d'articles sur les leçons à tirer de cette crise sanitaire.
- Publié le 18-07-2020 à 07h00
- Mis à jour le 20-07-2020 à 14h30
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Diplômé en gestion et en philosophie, Laurent Hublet dirige BeCentral, un campus numérique créé en 2017 au cœur de la gare de Bruxelles-Central. Même s’il n’apprécie pas trop la notion de "fracture numérique" ("trop binaire et stigmatisant"), ce père de deux jeunes enfants est confronté, quotidiennement, à des personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ont pris du retard par rapport au "train des évolutions technologiques". Il n’y a pas les "in" et les "out", insiste-t-il. "Les technologies du numérique impliquent un changement de culture assez radical dans la mesure où elles nécessitent un apprentissage continu, une mise à jour constante, depuis le CEO d’une grosse boîte jusqu’au demandeur d’emploi."
De la crise de Covid-19, Laurent Hublet retient, avant toute chose, la suspension, durant près de trois mois, des cours donnés à plus d’un million de jeunes (maternelles, primaires et secondaires). "C’est la première fois, en un siècle, que l’enseignement obligatoire est ainsi suspendu en Belgique. Dans une société de la connaissance, ce n’est pas rien. Et, à titre personnel, j’espère vraiment que ça ne se reproduira plus", dit-il. Un recours massif aux outils numériques aurait-il permis d’assurer une continuité pédagogique ? "Le numérique est loin d’être la panacée pour l’école. Tout ne peut pas se faire en ligne, répond-il. Mais on dispose aujourd’hui de nombreux outils qui nous permettraient de faire déjà beaucoup de choses." Le patron de BeCentral est un adepte fervent de l’approche préconisée par EducIT, une ASBL belge qui promeut l'utilisation de davantage d'outils numériques à l'école. "La crise sanitaire et le confinement ont montré la nécessité que chaque enfant dispose d’un équipement de base lui permettant d’apprendre à distance. L’enjeu, aujourd’hui, est de pouvoir mener ce type de démarche à grande échelle et non plus dans quelques écoles pilotes." Tous les ingrédients sont réunis, estime-t-il. Les outils sont là, la méthodologie existe, les parents et les enseignants qui ont déjà participé à un projet tel EducIT sont positifs, et c’est finançable. "Est-ce une priorité politique ou pas ? Je pose juste la question, même si je vois que les mentalités sont en train d’évoluer. Le Covid-19 a joué un rôle de catalyseur. On va probablement réaliser en quelques mois ce qui, sans cette crise, aurait nécessité quelques années."
Quand on lui rappelle que le monde politique a préféré suspendre les (nouveaux) apprentissages afin de ne pas creuser davantage des inégalités entre élèves, Laurent Hublet juge que le résultat obtenu est inverse à celui recherché. "De façon assez paradoxale, en ne voulant pas creuser ces inégalités, on les a en fait accélérées, car on sait bien que les enfants des milieux socio-économiquement plus favorisés, souvent encouragés par leurs parents, ont continué à apprendre grâce au numérique durant les mois de confinement."
M. Hublet ne veut pas d’un enseignement ou de programmes de formations délivrés uniquement à distance. Dans tout processus d’apprentissage, expose-t-il, il y a le contenu et la relation avec l’enseignant (ou le formateur) et les autres élèves (apprenants). "Si on se projette à cinq ans, la partie la plus générique de l’apprentissage se fera de plus en plus à distance. Mais, pour d’autres aspects plus spécifiques de l’apprentissage, on choisira de le faire en présentiel. On s’oriente donc vers un modèle hybride, avec des temps d’apprentissage à distance et des temps de socialisation." Pour Laurent Hublet, une chose est sûre : ne pas faire entrer le numérique à l’école ou dans les programmes de formation, c’est prendre le risque d’un creusement des inégalités.