5G: tensions dans le groupe d'experts pour la Wallonie, leur rapport relativise en partie les intérêts du déploiement
Le rapport des experts est nuancé, se veut transparent mais affiche les fortes tensions entre les aspects purement économiques et les enjeux climatiques.
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Publié le 16-02-2021 à 08h11 - Mis à jour le 01-03-2021 à 22h54
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"C’est un rapport au croisement des préoccupations", glisse à La Libre le ministre wallon de l’Économie, Willy Borsus (MR), lorsqu’on aborde le rapport de la phase 1 du groupe d’experts 5G pour la Wallonie. Un rapport détaillé qui a le mérite, effectivement, de faire le point sur les nombreux enjeux et questionnements liés à la 5G. Une transparence nécessaire si l’on veut rassurer les citoyens et obtenir leur adhésion sur ce sujet alors que l’Union européenne pousse pour le déploiement, convaincue que l’intérêt pour l’attractivité, la compétitivité et la création d’emplois est indéniable, en particulier pour la relance de l’économie après la crise sanitaire due au Covid-19.
Mais le rapport est également un cumul d’arguments qui permettent à chacun d’y trouver la réponse qu’il ou elle désire. "Mon souhait n’était pas d’avoir un rapport qui dit ‘on y va’, sans nuances", reconnaît Willy Borsus. "Il permet au moins une réponse partielle aux questionnements. Une réponse qui se construit progressivement."
Des "tensions indissolubles"
Le groupe d’experts avoue lui-même la complexité du sujet. "Le rapport met à jour des tensions indissolubles, proprement politiques, entre innovations techniques et promesses économiques, d’une part, transformations sociales et urgence environnementale, d’autre part", peut-on y lire. "De fait, la 5G nous met face à la question suivante : quels mondes possibles, étant donné l’urgence climatique, et désirables, étant donné les applications numériques, pensons-nous pouvoir et devoir construire ? Les raisons techniques ou économiques habituellement évoquées ne semblent plus en mesure de déterminer le possible désirable. D’autres raisons, environnementales ou sociales, exigent désormais d’être mises en balance", précise le document.
Un rapport qui met d’ailleurs en lumière les tensions entre les auteurs. Olivier de Wasseige, directeur de l’Union wallonne des entreprises et chargé, en duo, de la partie Économie du rapport, émet des réserves sur les compétences en numérique de certains experts. Ce même Olivier de Wasseige est par contre également visé par Jérémy Grossman (UNamur), chargé de l’expertise sur le droit du travail, l’impact social et éthique, pour sa potentielle fermeture au dialogue.
Grégoire Wallenborn (ULB) note également des réserves et estime que le rapport est plus un "patchwork de positions, parfois contradictoires, que le résultat d’un effort de synthèse" et que "la question essentielle des émissions de gaz à effet de serre qui augmenteraient immanquablement" n’est pas suffisamment prise en compte. Le débat est donc tendu.
Sans issue ?
Retenons tout de même quelques points. Les experts s’accordent pour dire soit que l’impact sanitaire lié aux ondes est dans l’ensemble non prouvé, soit que les plafonds fixés dans les différentes régions belges sont suffisants pour ne pas mettre en danger la population, même s’il faut faire preuve de prudence et de suivi, en particulier pour le déploiement futur de la 5G sur la bande de fréquence de 26 GHz, celle utilisant des ondes millimétriques.
Pour la partie économique, les experts estiment tout de même que "si le Gouvernement de Wallonie veut s’assurer que la Région ne se fasse pas distancer technologiquement par d’autres pays et régions de Belgique et de l’Union européenne, et veut éviter le risque d’une part des délocalisations d’entreprises et d’autre part, d’une perte d’attractivité en matière d’investissements étrangers, il serait avisé d'organiser un déploiement de la 5G en différentes étapes", en particulier via un développement dans des zones clés pour des "PoC", des "proof of concept", dans des zones d'activité économique. Ce qui permettrait un développement localisé tout en ayant la possibilité d'évaluer les avantages du déploiement de la 5G.
Les experts mettent par contre le doigt sur la question des usages au niveau grand public. Le numérique, la collecte des données et la monétisation de l’attention (le temps passé devant des contenus et donc également des publicités) en particulier posent des problèmes d’addictions comportementales et de bien-être. Des problèmes que la 5G pourrait accentuer. Et c’est sans parler de l’aspect sécuritaire également abordé dans le rapport. Que ce soit au niveau du contrôle possible de la population par les autorités ou bien de la sécurité des données personnelles.
Le rapport dresse donc une vue d’ensemble intéressante mais le constat reste sévère : la conciliation entre développement économique et aspects environnementaux est quasiment impossible. Mais le ministre de l’Économie wallon tient à ajouter que cela permet au moins de poser les bonnes questions, de repenser par exemple la circularité de notre économie et la relocalisation de notre industrie. À voir si cela sera suffisant.
L’effet rebond : que dit le rapport ?
Trafic de données. La 5G est mise en avant pour sa capacité à transporter plus de données pour une même quantité d’énergie utilisée ainsi que pour répondre à la congestion des réseaux mobiles. "Différents éléments permettent de douter d’une telle affirmation. L’augmentation soutenue de la consommation de données tient en grande partie au fait que ni les utilisateurs ni les fournisseurs de contenu ne sont encouragés à réduire les volumes échangés", note le rapport, même s’il prend en compte les avantages que les "villes intelligentes" pourraient avoir en termes de gestion de consommation électrique ou de transport.
"De la même façon que la construction de nouvelles autoroutes n’a pas vocation à réduire le nombre de voitures ou la consommation totale d’essence, l’augmentation des infrastructures réseaux n’a pas vocation à diminuer la consommation de données […]. Le problème exige d’être posé de façon beaucoup plus large, et de considérer la consommation d’énergie associée aux applications de la 5G - et en particulier, l’énergie consommée à la production et l’utilisation des serveurs et des terminaux appelés à se multiplier, si l’on suit la promesse de ‘l’Internet des objets’", tranche donc le rapport, rappelant que le numérique prend une part toujours plus importante dans la consommation énergétique globale.
-> Relire notre dossier sur les enjeux géopolitiques: 5G, une course effrénée pour dominer le monde.